Claude Julien a eu beau se limiter à parler de la «possibilité» que Brandon Davidson prenne la place d'Alexei Emelin, mardi soir face aux Canucks de Vancouver, le défenseur russe, lui, voyait clair.

Emelin était d'humeur massacrante au terme d'un entraînement où il s'est exercé à la gauche de Nikita Nesterov sur un quatrième duo défensif. Il ne s'était pas encore entretenu avec l'entraîneur-chef afin d'en savoir plus sur le sort qui l'attend.

«Il n'a pas besoin de me parler, a lâché Emelin. Je vais voir demain si je joue ou non.»

Peu bavard, l'arrière de 30 ans n'était pas non plus prêt à dire si ce que demande Claude Julien convient moins à son style de jeu que ce que recherchait Michel Therrien.

«Je ne sais pas, c'est mon travail et j'ai besoin de jouer, a-t-il répondu. J'ai besoin de montrer le meilleur de moi-même.»

Julien a expliqué que c'est avant tout pour favoriser l'intégration de Davidson au sein de l'équipe qu'il songeait à l'employer face aux Canucks, une formation que l'ancien des Oilers d'Edmonton a affrontée à de nombreuses reprises.

«En principe, [Emelin] devrait faire partie de nos six défenseurs réguliers, a commenté le coach. Il est assez bon pour ça, sauf qu'il a eu quelques difficultés avec sa prise de décision avec et sans la rondelle. Prendre un peu de recul et avoir la chance de regarder un match - si c'est ce qu'on décide - fera de lui un meilleur joueur.

«Je sais qu'on a besoin de lui. C'est un joueur physique qui est difficile à affronter. À Boston, je disais à mes adjoints qu'autant on déteste jouer contre lui, autant on aimerait l'avoir dans notre équipe.»

Si Emelin était retranché, ce serait une première pour lui cette saison. L'an dernier, Therrien l'avait laissé de côté à cinq reprises, entre autres lors d'un programme double en Floride où on lui avait préféré Mark Barberio. La dernière fois qu'il a été rayé de l'alignement remonte au 2 février 2016 à Philadelphie, après qu'un problème de transport au retour de la pause du match des Étoiles lui eut fait manquer un entraînement la veille du match.

La compétition à l'interne

Dans un coin du vestiaire, Brandon Davidson était tout sourire.

«Pour un premier match avec le Canadien, je ne pourrais demander mieux», a dit l'arrière de 25 ans qui a été jumelé à Jeff Petry, un défenseur qu'il a croisé dans l'organisation des Oilers.

«Sa présence dans l'équipe m'a aidé à me sentir à l'aise à mon arrivée, a confié Davidson à propos de Petry. On devrait former un bon duo.»

Compte tenu de la congestion en défense, Davidson sait qu'il doit immédiatement faire bonne impression. Il a l'avantage d'être meilleur en relance que ne l'est Emelin. Or sous Claude Julien, alors qu'on voit les défenseurs utiliser davantage le centre de la patinoire et moins la baie vitrée pour sortir la rondelle, ça constitue un atout intéressant.

Il faudra aussi voir dans quelle mesure le jeu du nouveau venu Jordie Benn pourrait rendre Emelin moins indispensable au Tricolore. Intéressant de voir que ce n'est pas lui - ni même Nathan Beaulieu - qui est en position de laisser sa place à Davidson.

Lundi, le rouquin à la barbe de bûcheron s'est attiré les éloges de Carey Price.

«C'est un joueur solide: c'est un gros bonhomme, il peut jouer de nombreuses minutes, il a une très bonne vision du jeu, il déplace bien la rondelle, il patine bien et il bloque des tirs, a énuméré Price en convenant que ça faisait de lui un bon ami du gardien.

«Ça nous fait un autre défenseur lourd contre lequel l'adversaire doit se battre dans les coins de patinoire. Et on doit apprécier le fait qu'il vient de la Colombie-Britannique!»

Vétéran de six saisons avec le Tricolore, Emelin est un coéquipier apprécié et respecté qui part aussi avec un préjugé favorable de la part de son nouvel entraîneur-chef. On peut le comprendre de ne pas être satisfait de la tournure des évènements, mais quelques joueurs du CH - on pense à Nathan Beaulieu, Brian Flynn et Torrey Mitchell - voient leur statut fragilisé par l'arrivée d'une compétition interne depuis la date limite des transactions.

Claude Julien devra trouver le moyen de garder tout ce beau monde heureux.

«Les gars doivent réaliser que s'ils ne sont pas dans l'alignement, ils doivent demeurer des joueurs d'équipe et ne pas changer l'atmosphère dans le vestiaire pour des raisons égoïstes, a indiqué l'entraîneur à ce sujet.

«Les décisions difficiles que doit prendre un entraîneur donnent beaucoup de valeur à son équipe. Ça veut dire qu'il a beaucoup de choix devant lui. J'aime autant ça que de devoir habiller 20 joueurs et les garder dans l'alignement, peu importe leur façon de jouer...»