Il n'y a pas si longtemps, le poste de Ken Hitchcock chez les Blues de St. Louis semblait fragilisé par des fins de saison en queue de poisson. Mais après une récolte de 107 points l'an dernier et une présence en finale d'association, Hitchcock s'est donné les moyens de quitter selon ses propres termes. Ainsi, il a signé une nouvelle entente d'un an avec les Blues, et il a été convenu qu'il serait de retour à la barre de l'équipe pour une dernière saison.

«Je ne coacherai plus après cette saison-là, c'est terminé», avait-il lancé après l'élimination des Blues aux mains des Sharks de San Jose.

Mais, comme quoi Hitchcock est autant partie prenante de l'évolution des Blues que peut l'être le directeur général Doug Armstrong, les deux hommes ont eu l'étonnante idée d'embaucher un entraîneur qui agirait à titre d'adjoint cette saison et qui prendrait le relais comme entraîneur-chef la saison prochaine.

Ils ont jeté leur dévolu sur Mike Yeo, qui avait été congédié par le Wild du Minnesota en février dernier. Yeo qui, à l'âge de 37 ans, avait été préféré à... Hitchcock pour diriger le Wild il y a cinq ans!

«Je ne suis pas sûr que quelqu'un ait déjà vu ça», a lancé le centre Paul Stastny, hier, à propos de cette façon de faire atypique.

Or, ça démontre dans quel esprit de continuité les Blues cherchent à passer le témoin. Hitchcock valorise le legs et la transmission de connaissances, et il est heureux de pouvoir faire pour Yeo ce que Bob Gainey a fait pour lui chez les Stars de Dallas dans les années 90.

«J'ai été chanceux, j'ai travaillé six ans avec Bob. J'ai appris d'un homme qui avait été coach. Il tenait un journal de bord et, chaque jour, je le recevais sur mon bureau : ce qui ressortait d'un match, d'un entraînement, etc. Il m'a tout appris de la façon de penser des joueurs, du concept d'équipe et du niveau d'énergie.»

«Je ne serais pas dans la Ligue nationale n'eût été de lui. Il a fait d'un coach des ligues mineures un entraîneur de la LNH.»

Mais Yeo, lui, n'arrive pas de la Ligue internationale. Malgré son jeune âge, il a déjà un bon bagage d'expérience dans le circuit. Il a accepté le défi des Blues parce que, d'une part, il souscrivait à leur façon de jouer et, d'autre part, il y voyait une excellente occasion d'apprentissage.

«Mon travail cette année est de m'assurer que je suis un bon adjoint à Ken Hitchcock, a précisé Yeo. Je pense avoir fait de bonnes choses en tant qu'entraîneur-chef et d'avoir quelques idées solides, sauf que ce que j'ai devant moi, c'est la chance d'apprendre. Si je me présente ici en essayant seulement d'implanter mes idées, je n'en apprendrai pas de nouvelles.»

Un vrai emmerdeur

Hitchcock veut bien partager ses connaissances avec Yeo, mais il ne fait rien qui soit en prévision du moment où Yeo aura pris les commandes. Car c'est une grosse année pour les Blues, et Hitchcock n'a d'yeux que pour cette saison.

«Mike doit rentrer chez lui le soir et prendre des notes mais pour le moment, il est un très bon adjoint pour moi. Son boulot est de bien me faire paraître et il le fait très bien!»

En tant qu'entraîneur adjoint, Yeo a pris le relais de Kirk Muller pour agir comme courroie de transmission entre Hitchcock et les joueurs des Blues.

«Quand on a un coach associé comme l'était Mulls ou comme l'est Mike, c'est moi qui tends l'arc et ce sont eux qui tirent les flèches, a illustré Hitchcock. Les entraîneurs-chefs peuvent être de vrais emmerdeurs, et le message peut être adouci par une personne digne de confiance. Muller, par exemple, transmet son message de façon amicale, mais son message passe. Et s'il sent qu'un joueur ne contribue pas, il sera comme un entraîneur-chef dans la mesure où il ne laissera pas le joueur s'en tirer ainsi. Comme tout autre coach, il ne ménage pas les efforts pour que tous les joueurs jouent à la hauteur de leur potentiel.»

Yeo s'applique donc depuis le début de la saison à parler aux joueurs de façon individuelle. Ses interventions permettent aux joueurs d'entrevoir de quelle façon il pense alors que, de son côté, il emmagasine de l'information.

«C'est énorme de pouvoir être en mesure d'identifier la chimie entre certains joueurs, de comprendre ce qui motive chacun d'eux et de quelle façon ils réagissent à différents types de coaching », souligne Yeo.

«Ça va m'aider énormément. J'ai tellement appris en peu de temps.»

Le canard boiteux

S'il y a un précédent relativement récent que l'on puisse trouver à la façon de faire des Blues, il s'est produit à Montréal.

Lorsque Bob Gainey a congédié Claude Julien de son poste d'entraîneur-chef du Canadien en janvier 2006, il a assumé l'intérim pour le reste de l'année et a tout de suite mis au clair le fait que Guy Carbonneau - qui le rejoindrait derrière le banc - serait l'entraîneur-chef la saison suivante.

Mais le boss restait le boss. Même si les joueurs savaient que Carbo serait leur prochain entraîneur-chef, la hiérarchie demeurait inchangée car Gainey allait continuer d'être le directeur général.

Tandis qu'à St. Louis, il est acquis que Hitchcock ne sera plus dans le portrait. N'y a-t-il pas un risque, comme le vit Barack Obama en ce moment à la Maison-Blanche, d'être une sorte de canard boiteux?

«Je ne pense pas que les joueurs pensent de cette façon, répond Hitchcock. Et c'est Army [Doug Armstrong] qui l'a le mieux exprimé: s'il y en a qui pensent comme ça, on ne veut pas les avoir avec nous.»

Il reste que lorsqu'il y a un changement d'entraîneur au sein d'une équipe, celle-ci profite d'une étincelle créée par l'arrivée d'une nouvelle voix. Or, ce ne sera pas le cas cette fois-ci car Yeo aura fait partie du personnel d'entraîneurs durant toute une saison.

«Le groupe qu'on a ici est habitué de gagner et il carbure à la fierté, estime toutefois Yeo. Ce n'est pas comme s'il avait besoin de chercher de motivation supplémentaire.»

Aucune confusion

Ce que les Blues ont fait là est unique, admet Yeo.

«C'est unique pour Ken, pour moi et pour les joueurs. Mais il n'y a aucune confusion en termes de communication parce que mon message n'est que le prolongement du message de Ken.

«Lui et moi avons passé beaucoup de temps ensemble avant que j'accepte le poste et c'était très encourageant de constater que nous avions une vision semblable du hockey. On voyait beaucoup les mêmes choses. Cela dit, nous sommes deux personnes, et je n'essaierai pas d'être Ken Hitchcock. J'apprends beaucoup de choses - et, à coup sûr, il y a des choses que je ferai différemment -, mais c'est bien de pouvoir le regarder prendre des décisions et de pouvoir voir ensuite quel impact elles ont sur notre équipe.»

Et du côté des joueurs, la communication et la personne en autorité ne créent aucune confusion. C'est Hitch qui mène la barque.

«Mais ce n'est pas comme si quelqu'un sur le banc avait répliqué à Mike Yeo et s'était dit: oh non, ça va être notre entraîneur-chef l'année prochaine, on ne peut pas faire ça», illustre Paul Stastny.

«La ligne est mince entre être un adjoint et savoir qu'on sera le prochain entraîneur-chef, et il le gère très bien. Il agit en reconnaissant que c'est un peu étrange pour lui aussi, mais ça passe bien.»