Quand on ne possède pas des habiletés à faire rêver, quand on veut gagner un poste à coups de «petites choses», ressortir du lot est parfois ce qu'il y a de plus difficile. Il faut forcer les regards dans sa direction.

À l'automne 2012, au moment où le lock-out de la LNH était en vigueur, les Bulldogs de Hamilton avaient tenu leur camp d'entraînement à Sherbrooke. Le club-école du Canadien y avait convié un certain Bobby Farnham, un petit attaquant de 23 ans qui avait disputé quelques matchs dans le réseau des Bruins de Boston et des Sharks de San Jose la saison précédente.

Incapable de se distinguer, Farnham n'avait pas fait long feu à Sherbrooke. On l'avait remercié, et le jeune avait abouti à Wheeling, dans la ECHL.

«Ce n'est pas comme si je m'attendais, à mon premier séjour dans la Ligue américaine, à gagner immédiatement un poste, précise-t-il. Je sortais de l'université et j'ai accepté de bon gré d'aller à Wheeling.

«Mais j'ai ensuite été récupéré par Wilkes-Barre [club-école des Penguins de Pittsburgh dans la Ligue américaine], et c'est là que j'ai compris qu'il y avait un style de jeu bien précis que je devais jouer pour me rendre unique.»

Pour Farnham, l'épiphanie est survenue le 7 novembre 2012.

Rappelé de Wheeling par le club de la Ligue américaine, Farnham savait qu'il lui fallait faire sa marque dès le premier match. Mettre son nom sur la «mappe».

Wilkes-Barre affrontait les Senators de Binghamton ce soir-là. La marque était de 0-0 en milieu de rencontre, et le match se cherchait une direction.

«Je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose, raconte Farnham. Sans trop faire exprès, j'ai foncé dans le gardien Robin Lehner, et tout de suite après, j'ai été impliqué dans un combat. Je saignais beaucoup dans le visage. En rentrant au vestiaire, j'ai crié après le banc des joueurs adverses.

«Je me suis dit que c'est ce genre de joueur que je pouvais devenir. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à façonner mon rôle d'agitateur.»

Le diplômé de l'Université Brown, du haut de ses 5 pi 10 po et 180 lb, s'est battu 21 fois à Wilkes-Barre cette année-là.

Bien plus que les batailles, c'est l'énergie que Farnham déploie sur la glace qui le rend désormais difficile à manquer. «C'est un diable de Tasmanie sur patins», décrit le site web de TSN à son sujet.

La peste

À son premier séjour dans l'organisation du Canadien, il ne connaissait pas trop son identité de joueur. Mais tout s'est clarifié à son arrivée dans le club-école des Penguins: il allait être un joueur de quatrième trio, un agitateur et un joueur intense en échec avant qui mettrait sa vitesse à profit

«Avec le temps, note cependant Farnham, j'ai appris à modérer mes ardeurs, parce que je ne pouvais pas mettre mon équipe dans le pétrin. Je n'ai jamais été reconnu comme un gars qui écopait de plusieurs pénalités mineures; je suis meilleur pour en provoquer.»

Chaque joueur a son propre cheminement vers la LNH. Ce qui a défini le sien - ce qui l'a rendu «unique» -, c'est entre autres cette capacité à forcer l'adversaire à l'infraction. Durant la saison 2014-2015, sa première au cours de laquelle il a joué dans la LNH, le natif du Massachusetts a terminé premier de la ligue pour le ratio de pénalités provoquées parmi tous les joueurs ayant disputé au moins 10 matchs.

Il a du Nazem Kadri dans le nez!

«C'est un aspect du jeu dont je retire de la fierté parce que j'y arrive autant par ma vitesse que par mon côté agitateur, explique Farnham. Ça fait une différence quand tu te retrouves au sein d'une équipe comme les Penguins qui, avec tout son talent en attaque, peut faire des dommages en avantage numérique.»

La leçon

Farnham croyait bien avoir gagné la faveur des Penguins en obtenant un poste à Pittsburgh au terme du camp de la saison dernière.

«Je pensais avoir payé mon dû», avoue-t-il.

Or, ceux-ci l'ont soumis au ballottage, énième preuve que les joueurs de sa trempe sont constamment sur un siège éjectable. Heureusement, l'entraîneur-chef des Devils du New Jersey John Hynes et son adjoint Alain Nasreddine l'avaient dirigé à Wilkes-Barre auparavant et ils ont recommandé au DG Ray Shero de le réclamer.

Hier, Farnham retrouvait ces mêmes Devils, mais cette fois-ci dans l'uniforme de l'équipe qui, avant sa métamorphose, avait vite levé le nez sur lui.

«Quatre ans plus tard, je pense que [le Canadien] est à même de voir ma progression. Et j'ai appris entre-temps que ce côté robuste, je ne peux pas me permettre de le perdre si je veux demeurer un joueur utile.»