Un néophyte du hockey qui entre dans le vestiaire des Stars de Dallas ne se douterait jamais que Jamie et Jordie Benn sont issus de la même progéniture.

Sur la patinoire, Jamie est possiblement - et très secrètement - le meilleur attaquant de la Ligue nationale depuis quelques années. C'est du moins ce que disent les statistiques : depuis le début de la saison 2013-2014, il a totalisé 207 points. C'est le plus haut total dans la LNH au cours de cette période, à égalité avec un certain Sidney Crosby.

Pendant ce temps, Jordie a marqué 5 buts en 182 matchs.

Jamie a les cheveux bruns. Pas la moindre trace de pilosité faciale.

Au rythme où sa barbe pousse, Jordie pourrait devenir le quatrième membre de ZZ Top d'ici deux mois. Et sa barbe est rousse !

« On blague toujours, on dit que je suis adopté ! » lance Jordie, rencontré au centre d'entraînement des Stars, en banlieue de Dallas. 

« Je suis un des rares dans la famille qui a de la barbe. Mon père n'en a pas ! Jamie aussi est imberbe. Lui, c'est le beau gosse. Moi, je suis le redneck », souligne Jordie Benn.

Blague à part, Jordie Benn est bien placé pour expliquer comment il se fait que le joueur qui a remporté le trophée Art-Ross la saison dernière a été repêché au 129e rang en 2007. Le fait de venir de la jolie, mais isolée, ville de Victoria pourrait avoir joué dans l'équation.

« Comme on jouait sur l'île [de Vancouver], on était très éloignés, rappelle Jordie Benn qui, lui, n'a même jamais été repêché. En plus, Jamie jouait au niveau junior A à l'époque [en BCHL]. S'il avait fait le saut plus jeune dans la Ligue junior de l'Ouest, il aurait peut-être été repêché plus vite. Mais c'était bien qu'il soit repêché au cinquième tour, car il a toujours voulu prouver aux autres qu'ils avaient eu tort. »

LE DUO DYNAMIQUE

Il y a aussi le fait que les Stars ont obtenu, grâce à une transaction de génie, Tyler Seguin à l'été 2013. Inséparables, Benn et Seguin terrorisent les gardiens adverses depuis ce temps. Seguin vient d'ailleurs au troisième rang de la LNH pour les points depuis son arrivée au Texas, avec 203.

Ajoutez-y l'explosif John Klingberg, qui est deuxième parmi les défenseurs de la LNH avec 31 points en 32 matchs, et vous avez un monstre à trois têtes bien appuyé par des éléments tels que Jason Spezza, Patrick Sharp et le prometteur Valeri Nichushkin.

Le résultat de tout ça, c'est que les Stars déploient, après 32 matchs, l'attaque la plus productive de la LNH depuis les Penguins d'il y a trois ans et les Capitals de 2009-2010.

LES DÉFENSEURS, LA CLÉ

On parlait de Klingberg plus tôt, la clé derrière cette production offensive des Stars vient justement des défenseurs. Un peu comme on le voyait chez les Flames de Calgary la saison dernière, les arrières n'hésitent pas à appuyer l'attaque.

« Avec les attaquants qu'on a, tu peux leur donner la rondelle en zone défensive et tu vas obtenir un point, illustre le Québécois Jason Demers. Mais Lindy [Ruff, l'entraîneur-chef] veut qu'on appuie l'attaque avec un quatrième gars, car c'est dur de battre des équipes de nos jours avec seulement trois gars. »

Pourtant, quand on fait le tour du vestiaire, on nous assure que c'est bien plus sur le jeu défensif que l'on met l'accent. À ce chapitre, les Stars se classaient, avant les matchs de vendredi, au 17e rang de la LNH, avec 2,56 buts accordés par match.

« On a connu une saison difficile l'an passé. On pensait qu'on pouvait gagner nos matchs 6-5 et 7-5, mais ça ne fonctionne pas comme ça. On doit se défendre en équipe, on doit mieux jouer défensivement », précise Jamie Benn.

« On ne va pas toujours gagner 6-5 comme l'an passé, mais on sera plus souvent dans le match », ajoute Demers.

Qu'importe le pointage, la recette des Stars fonctionne bien jusqu'ici, puisqu'ils trônent au sommet de l'Association de l'Ouest avec une avance de six points - six ! - sur leurs plus proches rivaux.

On peut certes se demander si une équipe au style aussi ouvert pourra survivre en fin de campagne et en séries éliminatoires, quand le jeu se resserrera. Mais dans l'immédiat, sans Carey Price et au coeur d'une vilaine séquence, le Canadien risque d'en avoir plein les bras samedi soir.

PHOTO JEROME MIRON, ARCHIVES USA TODAY

Jordie Benn

Dans le vestiaire

Niemi et Lehtonen, les retrouvailles

Ils avaient 8 ou 9 ans. Antti Niemi jouait pour son club local, le TJV Vantaa. Kari Lehtonen, lui, cherchait à quitter son association locale. Il a donc disputé un match avec Vantaa, question de voir si cette organisation allait mieux lui convenir. « On a chacun joué notre moitié de match, mais il n'est pas resté finalement », raconte Niemi. Vingt-cinq ans plus tard, les deux hommes masqués se retrouvent dans la même équipe! Derrière cette anecdote, il y a toutefois la froide réalité: Lehtonen et Niemi ont tous deux disputé plus de 60 matchs l'an passé. Forcément, ils devront chacun sacrifier quelques départs. Jusqu'ici, Niemi a amorcé 18 matchs, contre 14 pour Lehtonen. « Quand j'ai eu vent de la transaction, j'étais convaincu que j'allais partir, qu'on ne pouvait pas rester ici les deux, avoue Lehtonen. Mais l'entraîneur et le DG m'ont expliqué ce qu'ils voulaient faire et j'étais plus enthousiaste. Ce serait plus dur si on avait 23, 25 ans. Mais on est un peu plus vieux, on veut simplement gagner et s'aider. »

Les contraintes des déplacements

Parlant de gardiens, une recherche sur le site Spotrac permet de constater qu'aucune équipe de la LNH n'investit plus dans ses gardiens que les Stars. Niemi et Lehtonen prennent, à deux, 10,4 millions de dollars sous le plafond salarial. « Kari a trop joué ces dernières années, a expliqué le directeur général des Stars, Jim Nill, en entrevue avec La Presse. Nos déplacements sont fastidieux à Dallas. On joue parfois le vendredi soir ici et le samedi à Chicago. On arrive là-bas à 3 h du matin! De savoir que tu as un gardien frais et dispo pour le deuxième match, c'est essentiel dans cette association. L'investissement est rentable. Et comme on a de jeunes défenseurs et attaquants, on a de l'argent pour nos gardiens. »