Depuis l'instauration du plafond salarial, il existe dans le hockey la notion de «fenêtre», cette période durant laquelle une équipe ayant réuni certains paramètres peut aspirer aux grands honneurs. La fenêtre s'ouvre parce que le noyau de leaders a le bon âge, l'enveloppe salariale est contenue et l'équipe est compétitive. C'est à elle d'en profiter, car avant longtemps, la fenêtre va se refermer.

À la lumière du début de saison du Canadien, peut-on maintenant affirmer que sa fenêtre s'est ouverte?

«De la façon dont notre groupe agit en ce moment, je crois vraiment que notre fenêtre est en train de s'ouvrir et qu'elle devrait le rester pendant quelques années si les choses ne changent pas trop, répond Lars Eller. C'est la meilleure équipe pour laquelle j'ai joué depuis que je suis arrivé à Montréal. L'équipe que nous avions après la date limite des transactions il y a deux ans, après l'arrivée de Thomas Vanek et Mike Weaver, arrive en deuxième. Mais ce qu'on a en ce moment est un peu mieux en termes de profondeur et simplement de façon de jouer.»

Ce n'est rien de neuf que des joueurs affirment croire aux chances de leur équipe. Mais encore faut-il savoir faire les bonnes lectures.

«On voit des équipes vivre des traversées du désert, d'autres qui sont mauvaises pendant trois ans pour ensuite être bonnes pendant les quatre suivantes, rappelle Nathan Beaulieu. Nous, on a un groupe jeune, on a des joueurs qui sont au sommet de leur art et, honnêtement, qui ne voudrait pas jouer devant Carey [Price]?

«Notre fenêtre est assurément ouverte. Il y a quelque chose de spécial qui se passe dans ce vestiaire, tout le monde le sent à l'interne. Ça n'a rien à voir avec ce qui se dit ou ce qui s'écrit; c'est juste qu'on sent qu'on peut être la meilleure équipe de la ligue.»

«Ça ne dure jamais longtemps...»

Le plafond salarial fait en sorte qu'une équipe ne peut éternellement garder tous ses meilleurs joueurs. Il faut profiter de la conjoncture pendant que le groupe peut rester intact. Car un jour ou l'autre, il faudra faire des choix. Les Blackhawks de Chicago l'ont fait au cours de l'été après avoir gagné la Coupe Stanley. Les Bruins de Boston pataugent là-dedans depuis deux ans, et la fenêtre s'est refermée sur leurs doigts. Les Kings de Los Angeles et les Penguins de Pittsburgh pourraient en arriver là eux aussi...

Chez le Tricolore, Marc Bergevin gérera à peu près le même portefeuille pour les deux prochaines années, soit jusqu'à ce que les contrats d'Alex Galchenyuk, David Desharnais, Andrei Markov et Beaulieu viennent à échéance, à l'été 2017. Suivra Price l'année suivante. En attendant, il profite d'un Max Pacioretty au rabais et d'une paix industrielle sur toute la ligne.

«Je crois à 100% à cette idée d'une fenêtre d'opportunité, à cause des contraintes du plafond salarial, bien sûr, mais aussi à cause de la pression que peut ressentir l'état-major d'une équipe, ajoute Dale Weise. Je pense entre autres aux Sharks de San Jose, qui ont été bons pendant des années, qui ont bien joué en saison, mais qui n'ont pas gagné en séries. En fin de compte, des gens ont perdu leur emploi à cause de cela...»

L'expérience du groupe est une autre donnée déterminante, car selon Weise, le Tricolore a l'avantage d'avoir beaucoup mûri à la suite des séries des deux dernières années.

«On a eu les devants, on a dû combler des déficits, on a gagné des matchs en prolongation... Nous avons appris beaucoup, et je pense que l'occasion est là cette année d'avoir une vraie bonne lancée.»

La leçon du printemps dernier contre le Lightning de Tampa Bay a mobilisé les troupes d'une façon que Beaulieu a décrite sans nuances.

«Notre fin de saison a été un coup de pied dans les couilles, a dit le jeune défenseur. Disons que ç'a été amer comme conclusion. Nous revoilà un an plus vieux, mais encore très jeunes. La fenêtre s'ouvre, mais ça ne dure jamais longtemps. On parle de deux ou trois ans. Il faut miser là-dessus.»

À l'aise entre eux

Évidemment, on est encore tôt en saison. Mais à écouter les joueurs, ils semblent réaliser en ce début de campagne la chance qui leur pend au bout du nez.

«Je ne sais pas si c'est l'âge, l'expérience ou les contrats - ces choses-là y sont certainement pour quelque chose - mais je crois que c'est beaucoup une question de chimie, propose Tom Gilbert. Je n'ai jamais fait partie d'un groupe où l'on était aussi à l'aise les uns avec les autres. Les gars sont ici depuis quelque temps. Il n'y a pas trop de ces joueurs qui sont là depuis trop longtemps, ni trop de nouveaux qui essaient de faire leur place. [...] Les choses fonctionnent bien depuis deux ans, et c'est toute une occasion qui est devant nous.»