Maintenant qu'il a fait le plein de trophées, Carey Price va recevoir le coup de fil de Stéphane Waite. Ce sera la première fois qu'ils prononceront ensemble les noms «Hart», «Vézina», «Ted Lindsay» et «William M. Jennings».

Entre l'entraîneur des gardiens et lui, il n'a jamais été question des honneurs qui risquaient de pleuvoir sur Price au terme de sa brillante saison 2014-2015.

«On n'a jamais parlé de ces choses-là ensemble, a confié Waite en entrevue à La Presse. On n'a jamais fait la moindre mention de son record de victoires, pas plus qu'on ne s'était donné comme objectif, l'an dernier, qu'il participe aux Jeux olympiques.»

Hier, à Las Vegas, Price a entre autres été désigné joueur le plus utile à son équipe, ce qui relevait de l'évidence quand on prenait le temps de s'attarder aux performances du Tricolore. Mais Waite soupçonne que Price n'a pas pleinement conscience de son importance au sein du CH. Et cela vaut mieux ainsi.

«Penser que s'il n'était pas là, le Canadien ne serait plus dans le décor, a soutenu Waite, il n'a pas besoin de ça. Même si c'est la réalité.»

Price échappe à ce genre de pression pour la bonne et simple raison qu'il applique un précepte de base de Stéphane Waite: se préoccuper exclusivement de la prochaine rondelle à arrêter. Ça peut sembler évident, mais Price ne l'avait pas à ce point mis en pratique avant l'arrivée de Waite dans l'organisation.

«Pendant que tu regardes tes statistiques, tu ne penses pas aux bonnes choses, rappelle l'entraîneur originaire de Sherbrooke. C'est une perte d'énergie que de penser à autre chose que le court terme.

«Carey est le meilleur gardien de but au monde, mais il va continuer de donner de mauvais buts, lui aussi. La seule chose qui m'intéresse, c'est de voir comment il va réagir au tir suivant. Le reste, je m'en fous.»

Éternel insatisfait

À leur deuxième année de collaboration, qu'est-ce qu'a découvert Waite chez son poulain?

«Ce que j'ai appris, c'est qu'il n'était pas satisfait, a-t-il répondu. Il a connu toute une saison, l'an dernier, avec la médaille d'or aux Jeux et ses meilleures statistiques en carrière. Je me disais que c'était possible qu'il arrive content cette année de ce qu'il avait accompli. Mais non: il voulait être meilleur et il n'était pas satisfait. Ç'a été une belle découverte que de constater chez lui cette attitude-là.

«Puis, à la fin de cette saison, quand on s'est rencontrés pour notre meeting de fin d'année, j'ai vu un gars déçu. Il m'a dit qu'il pouvait être meilleur que ça et qu'il allait se préparer en conséquence. C'est une attitude de gagnant.

«Je n'ai pas à le convaincre qu'il peut être meilleur. Il le sait.»

Price était blessé en séries

Price a critiqué ses propres performances après l'élimination du Canadien face au Lightning de Tampa Bay. Sauf qu'il a disputé ces séries en dépit d'une blessure qui lui a compliqué la tâche.

«Des choses sont arrivées que les gens ignorent, mais il n'était pas à son sommet, confie Waite. Dans les circonstances, il a été très bon.

«Même en séries, j'ai découvert un compétiteur incroyable pour qui il était hors de question de se reposer. Il y a des journées où on lui disait qu'il n'était pas obligé de sauter sur la glace, mais il le faisait quand même. Il voulait être là avec les autres.

«En séries, ce n'était plus de la fatigue physique ou mentale, c'était juste une petite blessure qui l'a empêché de "performer". Et je dois le mettre entre guillemets, car il a quand même été très bon. Il y a des équipes qui auraient préféré avoir un Carey Price blessé que leur gardien habituel en pleine forme!»

Pour la période estivale, Waite n'a prescrit rien d'autre que du repos, afin que Price arrive frais et dispos cet automne.

«Les gens ne s'imaginent pas le nombre de bobos qu'il peut avoir après une saison de 66 départs en plus des séries. C'est très difficile tant physiquement que mentalement.

«Je ne veux pas qu'il retourne sur la glace trop rapidement. On va s'en occuper au camp et il va être prêt. Je lui ai dit: "Soigne des blessures, commence ton entraînement régulier. C'est tout ce que je demande."»

Du travail en profondeur

Même en comparaison de l'année précédente, Price a élevé son jeu d'un cran pour connaître l'une des meilleures saisons régulières par un gardien de l'ère moderne.

Qu'est-ce qui a rendu possible ce nouveau sommet?

D'une part, Waite et lui n'avaient plus à vivre de période d'adaptation. Les principaux ajustements avaient été apportés l'année précédente. Ils ont donc pu approfondir les différents aspects du métier.

Sur le plan technique, Waite a continué de l'encourager à rester debout plus longtemps, mais dans une position plus penchée. D'ailleurs, on voit souvent les jambières du «nouveau Price» cacher une partie de l'écusson sur le chandail. Cela lui permet d'accélérer ses mouvements latéraux et de mieux voir la rondelle dans la circulation dense.

«Un gardien doit être capable de suivre la rondelle en tout temps en étant penché parce que si tu essaies de regarder par-dessus les épaules de l'adversaire, il va quand même falloir que tu descendes en papillon quand la rondelle va arriver. À cet instant, tu vas perdre la rondelle de vue.»

Price s'est vite converti à cette approche.

Une image dominante

Beaucoup de travail a également été fait au point de vue du langage corporel.

«L'image qu'il projette sur la glace, c'est celle que je veux voir chez lui, dit Waite. Il y a une différence entre avoir l'air désinvolte (casual) et avoir l'air calme. Je sais qu'on lui a parfois reproché, autrefois, d'avoir l'air casual. Or, Carey est devenu un gars calme et qui maîtrise ses émotions. Que le score soit de 0-0 en troisième période ou de 6-0 pour l'adversaire, je ne veux jamais que ça se voie dans son langage corporel.»

Cette saison, on a senti par moments des adversaires être découragés de lancer, attendant plutôt l'occasion parfaite pour le tester. Ça ne pouvait qu'être à l'avantage du gardien.

«Il est devenu intimidant à cause de son calme devant le filet, croit Stéphane Waite. Ça influence tant ses adversaires que ses coéquipiers. Quand tu vois Carey Price qui se bat à chaque seconde, peu importe la marque, c'est le meilleur exemple pour ses coéquipiers. Si un gardien est nonchalant, croche ou casual, ses coéquipiers vont craindre que la soirée soit longue.

«L'image qu'un gardien dégage devant son filet est primordiale.»

Celle que Carey Price dégageait hier devant le gratin de Las Vegas, c'était celle du meilleur joueur au monde.