Les collègues affectés à la couverture quotidienne des Devils du New Jersey ne manquaient pas d'options quand est venu le temps de voter pour le trophée Bill-Masterton. Heureusement qu'ils ne sont que deux...    

Parmi les Jordin Tootoo, Steve Bernier et même Scott Gomez, les bons Rich Chere et Tom Gulitti ont donc arrêté leur choix sur Tootoo, dont la vie a fait l'objet d'un livre paru en octobre dernier (All the Way : My Life on Ice).

Dans la catégorie des joueurs qui ne l'ont pas eu facile, Tootoo arrive en tête de liste. Premier joueur de la nation Inuk à atteindre la LNH, Tootoo a vite su que la vie pouvait ressembler à des montagnes russes. Parmi les hauts, il y a eu son repêchage par les Predators de Nashville au 4e tour en 2001, sa participation au mondial junior 2003 à Halifax, avec Équipe Canada, ou le fait de s'établir comme un des bons agitateurs de la LNH.

Parmi les bas, il y a toutefois le suicide de son frère en 2002, ou ses problèmes de consommation qui l'ont mené, en 2010, à s'inscrire volontairement à un programme de réhabilitation parrainé par la Ligue nationale.

« Chaque personne doit vivre avec ses problèmes, a raconté Tootoo après un entraînement cette semaine, dans le vestiaire des Devils. Dans mon cas, je devais choisir entre jouer au hockey ou être un alcoolique pour le reste de ma vie. Le hockey m'a ouvert tellement de portes, m'a permis de vivre plein d'expériences. De voir des collègues incapables de venir à bout de ce combat, ça me brise le coeur. 

« C'est un privilège de jouer dans cette ligue, mais tu dois aussi t'assurer que ta vie à la maison est rangée. »

Aujourd'hui, Tootoo mène justement une vie plus rangée, si bien que les montagnes russes ressemblent plus à celles de la section pour enfants qu'au Monstre de La Ronde. Les hauts, c'est par exemple son mariage l'été dernier avec Jennifer, son amoureuse des rangs junior, avec qui il avait rompu pendant six ans. 

Les bas, c'est par exemple l'été dernier quand, à 31 ans, il s'est retrouvé joueur autonome, sans aucune offre intéressante à son goût, après avoir passé la majorité de la saison 2013-2014 dans la Ligue américaine. C'est donc avec un simple essai en poche qu'il s'est présenté au camp des Devils en septembre dernier. Et comme Gomez, il a gagné son pari et a obtenu un poste. Aujourd'hui, le voici avec 14 points, dont 9 buts, en 63 matchs. Et surtout, l'esprit en paix...

« C'est un combat toujours en cours, a-t-il admis. J'ai été ouvert et honnête avec ce que j'ai vécu, avec la publication du livre. C'est au quotidien. Je me dis toujours que c'est un jour à la fois. Aujourd'hui, je suis sobre et j'en suis reconnaissant. Ça m'a apporté beaucoup de joie. »

Le courage de Bernier

En face du casier de Tootoo, il y a celui de Steve Bernier, dont l'histoire aurait également pu lui valoir une nomination pour le Masterton, s'il n'avait pas joué dans la même équipe que Tootoo.

Avec 27 points en 62 matchs, Bernier connaît sa meilleure saison offensive depuis ses 32 points de 2007-2008 et 2008-2009.

Mais l'allure du camp d'entraînement n'annonçait pas un tel scénario. Il a en effet dû attendre au 4 novembre avant de disputer son premier match de la saison dans la LNH. La raison : les Devils lui ont demandé d'amorcer la saison dans la Ligue américaine, à Albany. Pour un joueur de 29 ans qui croyait avoir cimenté sa place dans le circuit Bettman, ce n'était pas la joie.

« Ce n'était pas le scénario idéal, mais il y a des choses bien pires dans la vie, soutient le Québécois. C'était surtout difficile pour la famille. Ma conjointe et mes deux enfants étaient au New Jersey pendant que j'étais à Albany. »

Bernier passait donc ses fins de semaine à Albany, loin des siens. Et en semaine, il parcourait en voiture quelque 500 km pour faire l'aller-retour entre Newark et la capitale de l'état de New York.

Les Devils rateront les séries pour une troisième saison de suite. Mais des histoires comme celles de Bernier, de Tootoo et même de Gomez pourront au moins servir de leçon de courage à des plus jeunes.

« Ce sont de gros morceaux de notre équipe, explique le défenseur de 23 ans Éric Gélinas. Ils ne sont pas des têtes enflées, ce sont de bonnes personnes et ils aident notre équipe.

« Ça peut arriver à n'importe qui de commencer dans la Ligue américaine et de devoir faire son chemin jusqu'à la LNH. Steve n'a jamais dit un mot, il a toujours continué à travailler et là, il joue au sein de nos meilleurs trios. C'est impressionnant. Si ça devait m'arriver, c'est comme ça que j'aimerais l'approcher. »