C'était en novembre dernier. Dans un petit aréna de Montréal, bien loin du Centre Bell et des dizaines de milliers de fans en liesse.

Steve Bégin, 36 ans, disputait un match avec les anciens devant quelques centaines de spectateurs. Retraité depuis huit mois, il dosait ses efforts pour ménager sa hanche qui n'en finissait plus de le faire souffrir.

Il n'avait pas osé décocher un tir par crainte de voir la douleur l'accabler.

Ses copains, dans les estrades, lui envoyaient des «textos» sur le banc pour le taquiner.

- Tire, voyons, tire! Qu'est-ce que t'attends?

Pour leur faire plaisir, l'ancien centre du Canadien a juré qu'il allait tirer une fois en deuxième période.

«C'était un lancer du poignet. Bien anodin. Tout de suite, j'ai senti l'effet. Un couteau qui entre dans la hanche et qui tente de déchirer les muscles à l'intérieur...»

Pendant ses belles années, Steve Bégin pouvait se donner corps et âme sur une patinoire. Ce qui en faisait l'un des joueurs les plus populaires de l'équipe. Toujours le premier à foncer tête baissée dans les coins, à plonger pour bloquer les tirs adverses. Il a même déjà laissé ses dents sur la glace du Centre Bell après avoir foncé face première sur le rebord de la bande à la suite d'une mise en échec ratée.

Mais le corps a ses limites. Steve Bégin le sait trop bien. C'est la hanche qui lui a volé quelques années du métier qu'il aime plus que tout au monde. Une hanche usée par le freinage et les départs explosifs répétés, par les chocs violents, une hanche mal traitée.

«J'ai joué plusieurs saisons malgré la douleur, confie-t-il. J'ai commencé à avoir mal pendant mes dernières années à Montréal. J'avais raté neuf semaines à cause de mon dos. J'avais aussi mal à la hanche.»

La douleur continue à s'intensifier alors qu'il joue désormais pour les Bruins de Boston. «On m'a fait passer un rayon X et on a remarqué un problème, mais on n'a pas cru bon passer un examen d'imagerie par résonance magnétique. On m'a dit que la plupart des joueurs qui avaient un tel problème pouvaient continuer à jouer et se faisaient opérer une fois leur carrière terminée. Je les ai écoutés.»

De Nashville à Calgary

L'année suivante, il se joint aux Predators de Nashville à la suite d'un essai. On l'envoie dans les mineures, mais il ne peut plus continuer en raison de la douleur.

«J'avais de la difficulté à freiner et à démarrer. J'ai raté la moitié de la saison. Avant le début des séries, on m'a fait passer un IRM et on a décelé une déchirure. J'avais besoin d'une opération sur le champ. Les médecins se demandaient pourquoi on ne m'avait pas traité plus tôt. Mais moi, je suis comme ça, je ne dis pas un mot, je ne chiale pas. Quand j'ai mal, je n'en parle pas, et j'écoute mes équipes. J'aurais dû exiger des tests plus approfondis.»

Il a quand même pu revenir au jeu en 2012 avec les Flames de Calgary de Bob Hartley. Mais le mal est réapparu au camp d'entraînement, en septembre, l'année suivante. En janvier 2014, le médecin des Flames lui a annoncé qu'il ne jouerait plus au hockey.

«Ça peut changer vite la vie dans le hockey...», constate-t-il.

La retraite serait plus agréable s'il ne ressentait pas la douleur au quotidien.

«Plus je marche, plus ça me fait mal. Ça me fait mal quand je reste debout aussi. Mes orteils deviennent engourdis. Je ne peux pas rester assis trop longtemps. Toutes sortes d'affaires comme ça. Le médecin à Calgary m'a mentionné que ça n'est pas conseillé de subir une opération deux fois au même endroit pour ce type de problème. On essaie de contourner ça. Je jase avec les assurances pour les prochaines étapes. Je fais de la physio chaque semaine.»

La gloire, puis le vide

Quand on a vécu la gloire de la LNH, les ovations, l'adulation, la vie de groupe au quotidien, le vide est immense quand les projecteurs s'éteignent.

«C'est drôle, je m'ennuie de la douleur que je ressentais pendant les matchs. Bloquer des tirs, me sacrifier pour l'équipe. Mais tout ce qui entoure les matchs aussi, la préparation, la gang. Pour l'instant, je ne regarde pas trop de matchs à la télé. Je suis allé au Centre Bell quatre ou cinq fois, mais je trouve ça dur quand je suis là.»

Heureusement pour lui, Steve Bégin mène une vie active. Il possède son entreprise de construction, Mobesco, avec deux partenaires financiers. Il compte peut-être reprendre l'agence de son agent Yves Archambault. Il est entraîneur adjoint au sein du club novice de l'une de ses deux filles.

«Le truc, c'est de se garder occupé. Je suis peut-être même trop occupé! J'en profite aussi pour être un père plus présent.»

Mais ce qui le branche le plus, professionnellement, c'est le développement des jeunes hockeyeurs.

«J'ai vraiment tripé en séries l'an dernier comme adjoint à Val-d'Or. Je ne croyais pas triper comme ça. Je m'ennuie du hockey. Je veux y revenir. J'adore aider les jeunes, les encadrer, les accompagner à l'entraînement, les conseiller. Mon agent Yves Archambault me parle de reprendre son agence et de la rebâtir. Il a toujours voulu que je prenne la relève. Ça me permettrait de toucher au développement des jeunes.»

Je ne sais pas pour vous, mais à la place de Marc Bergevin, voilà un ancien guerrier que je me presserais de ramener dans l'organisation.

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Steve Bégin en bref

> Livre préféré: J'aime beaucoup lire Patrick Sénécal.

> Films favoris: Braveheart, Gladiator

> Personnalité marquante: Bono

> Autre métier que hockeyeur: Tout ce qui est rattaché à la création et à la construction de maisons.