Tom Gilbert se souvient de sa première commotion cérébrale dans la Ligue nationale de hockey. C'était à sa première saison, à son quatrième match dans la grande ligue. Il venait de contourner le filet pour faire une passe à un coéquipier quand il a été frappé.

«J'ai voulu éviter le joueur qui arrivait en échec avant, se rappelle-t-il. Il m'a frappé en ligne droite, directement à la poitrine. Ce n'était pas une grosse mise en échec, mais il m'a frappé juste au bon endroit, si on veut, et je ne portais pas de protecteur buccal. Je ne pensais pas à porter un protecteur buccal, c'était comme ça dans le temps. Ma mâchoire a craqué, j'ai chuté et j'ai perdu connaissance. J'ai pu sortir de la patinoire, mais ce qui s'est passé deux heures après, trois heures après, je ne m'en souviens pas.»

Ce que Tom Gilbert raconte, ce n'est pas arrivé en 1986 ou en 1996. C'est arrivé lors de la saison 2006-2007, alors qu'il était une recrue chez les Oilers d'Edmonton. Le joueur qui l'a pincé, l'attaquant Jody Shelley, était un poids lourd qui portait alors l'uniforme des Blue Jackets de Columbus. «J'étais au banc et je n'étais pas cohérent, alors ils m'ont transporté à l'hôpital ce soir-là... Je n'avais jamais vécu rien de tel auparavant, je ne savais pas comment réagir.»

Dans le monde du hockey, l'histoire de Tom Gilbert n'est pas si unique. Des joueurs comme lui, qui ne savent pas trop ce qui leur arrive après avoir encaissé un choc à la tête, il y en a des dizaines et des dizaines. Lundi, 29 anciens joueurs ont déposé au Minnesota une poursuite contre la LNH, accusant le circuit de ne pas avoir tout mis en oeuvre pour protéger ses membres. Ce groupe, qui comprend notamment des anciens du Canadien comme Sergio Momesso, Brian Savage et Turner Stevenson, souhaite obtenir une compensation ainsi qu'un procès devant jury. En 2013, une première poursuite avait été intentée par une dizaine d'anciens joueurs, notamment Bernie Nicholls.

«On connaît les risques»

Tom Gilbert est au courant de ces développements, comme il est au courant du sort parfois triste qui guette certains anciens du circuit, qui ont du mal à mener une vie normale quand l'heure de la retraite a sonné.

«Je comprends ces gars-là, ils essaient de sensibiliser les gens à leur cause... Je ne sais pas ce que ça va donner, c'est une bonne question. Aujourd'hui, on connaît les risques, on sait qu'il y a des risques de commotion cérébrale, on sait qu'on peut perdre des dents. Ça fait partie du jeu. J'en suis conscient.

«Quand j'ai subi ma première commotion cérébrale, il n'y avait pas beaucoup d'information sur le sujet. On nous demandait comment on se sentait, si on était prêt à revenir au jeu. C'était comme ça que ça fonctionnait, c'était ça, le protocole. Aujourd'hui, les équipes médicales sont mieux outillées, et le cas de Sidney Crosby a probablement changé les choses. J'ai eu à sortir de la glace une fois cette saison, ici au Centre Bell, contre Boston. Ce n'était pas une commotion cérébrale, mais notre équipe médicale a vu le coup. Quand ça arrive, ils doivent nous faire sortir de la patinoire pour nous faire passer un examen, qui prend environ 30 minutes, 45 minutes. Il faut en passer un aussi au début de la saison.»

Malgré toutes les précautions du monde, tout n'est pas parfait, selon Tom Gilbert. «Regardez P.A. [Parenteau]... Il est revenu au jeu, probablement trop rapidement. On ne sait pas tout. Le cerveau, c'est un mystère.»

Améliorations significatives

Mike Weaver, le représentant des joueurs chez le Canadien, estime que la ligue et l'Association des joueurs ont fait des pas de géant dans ce domaine bien complexe.

«Il y a un comité qui se penche sur la sécurité des joueurs chaque saison, rappelle le vétéran défenseur. Il y a eu de nouvelles règles qui ont été significatives pour la santé des joueurs, comme le dégagement hybride. Il y a eu des améliorations au cours des deux dernières conventions collectives. On en sait beaucoup sur le sujet, mais il en reste encore à apprendre.»

Weaver rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, les joueurs pouvaient encore se permettre de jouer au héros et de demeurer dans un match même après avoir reçu un violent choc à la tête. «Quand j'ai subi ma commotion cérébrale à Dallas en décembre, c'est le soigneur qui m'a sorti du match. Ç'a été la bonne décision. On veut tous revenir au jeu et aider l'équipe à gagner, on veut tous être un guerrier. Mais il y a plus que le hockey dans la vie.»