Richard Martel a voulu mettre une chose au clair en début de saison. Il a dit à ses joueurs: «Je comprends que vous dites un palet, mais pour nous autres, ça va être une puck, O.K.?»

Martel, l'un des entraîneurs les plus flamboyants de l'histoire de la LHJMQ, s'est fait offrir au printemps le poste d'entraîneur des Brûleurs de loups de Grenoble. Après deux ans en Suède, il a sauté sur l'occasion de diriger dans l'un des plus importants marchés de hockey en France.

L'adaptation n'a pas été longue. Il y avait bien sûr cette histoire de lexique. Il a appris qu'une bande était une «balustrade», puis qu'une rondelle était un «palet». «Je ne savais pas c'était quoi le palet au début, explique Martel en entrevue avec La Presse. Je pensais que c'était une palette. Ils disaient le palet par-ci, par-là, le palet a bien voyagé, le palet s'est promené. À partir de là, j'ai dit "ça marche pas!"»

Non, ça n'a vraiment pas été long pour cet ancien entraîneur des Foreurs de Val-d'Or, du Drakkar de Baie-Comeau et des Saguenéens de Chicoutimi. Les Brûleurs de loups de Richard Martel pointent au premier rang en Ligue Magnus - la meilleure ligue en France - avec 11 victoires et 1 seule petite défaite.

Grenoble a une riche tradition au hockey, mais n'a rien gagné depuis 2011: ni championnat, ni Coupe de France, ni Coupe de la Ligue. La direction a donc décidé pendant la saison morte de changer d'entraîneur. Martel a postulé. Le Saguenéen de 53 ans, qui dirigeait à Visby Roma en troisième division suédoise, a obtenu le poste.

Son équipe se retrouve aujourd'hui en tête du championnat et est encore en course pour les coupes, qui sont prestigieuses en France. Pas mal pour cet entraîneur qui a entamé il y a trois ans un exil forcé de la LHJMQ, après son congédiement par les Saguenéens.

«Ç'a été une bonne chose pour moi de quitter le junior majeur, dit-il. Ça faisait 18 ans que j'en faisais. Le pro, j'aurais dû toucher à ça avant. Je m'entends bien avec les joueurs plus vieux.»

Éric Chouinard capitaine

À l'été, Martel a commencé par aller chercher quelques joueurs étrangers. Sa plus grosse prise est sans conteste le Québécois Éric Chouinard, choix de premier tour du Canadien en 1998. Considéré par certains comme un «flop», Chouinard a connu une belle carrière en Allemagne. Un passage difficile en Russie, la saison dernière, l'a convaincu d'aller jouer dans un milieu plus hospitalier pour sa famille.

Martel n'a pas eu peur de brasser la cage: il a nommé Chouinard capitaine. «C'est un vrai professionnel. Il a pris le groupe en charge, il mène les joueurs. Il est arrivé ici terre à terre, au même niveau que tout le monde. Il est impressionnant. Il est bon avec les gens de la place, il est bon avec l'organisation et il est bon avec les joueurs. Tout le monde l'apprécie énormément.»

Les succès de l'équipe portent leurs fruits: les Brûleurs de loups ont recommencé à jouer à guichets fermés. «Ça me fait drôle, je commence à être reconnu. Avec le succès qu'on a en ce moment, je ne sors pas dans la rue sans que quelqu'un m'accroche», note Martel, qui en profite pour glisser «que Grenoble est une ville magnifique» et qu'il faisait 15 degrés mercredi, au moment de l'entrevue.

La suite?

Les entraîneurs qui gagnent sont souvent des entraîneurs qui bougent. Le contrat de Richard Martel à Grenoble n'est que d'un an. Le principal intéressé dit ne pas savoir ce qui l'attend la saison prochaine. Peut-être sera-t-il encore avec l'équipe... ou ailleurs.

«Le hockey, c'est rapide. On ne sait pas ce qui va se passer la prochaine année. Je ne sais pas. Qui sait? Je ne pensais pas aller en Suède, ni en France. Peut-être la ECHL? Peut-être DG dans la LHJMQ? Tout se peut, c'est une question d'ouvertures.»

Martel compare le calibre du hockey français à celui de la ECHL. «Du calibre ECHL fort, précise-t-il. Le jeu est rapide et en périphérie. Ça ne pardonne pas pour les joueurs plus lents.»

C'est la troisième saison à l'étranger pour Martel, après deux saisons en Suède. Entraîneur flamboyant qui faisait les délices des journalistes sportifs en quête de savoureuses citations, il voit aujourd'hui son congédiement de 2011 comme un mal pour un bien.

«Le fait de rester aussi longtemps dans le junior m'a empêché de me remettre en question, d'aller chercher d'autres connaissances. L'Europe m'a permis ça. À un moment donné, il faut passer à autre chose. Je regarde Jean-François Houle et Éric Veilleux et je trouve ça bien, ce qu'ils font. Ils vont voir autre chose avec des joueurs plus vieux.»

Le Richard Martel d'aujourd'hui est-il le même que celui qui dirigeait dans la LHJMQ et qui se lançait dans de célèbres passes d'armes avec Patrick Roy? «Non, assure-t-il. Avec l'expérience, j'ai évolué. J'ai changé beaucoup de choses en Suède. Par exemple? Je suis plus calme derrière le banc!»

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Les Brûleurs de loups

D'où vient ce singulier nom d'équipe? Les habitants du Dauphiné, région où se trouve Grenoble, ont il y a longtemps acquis le surnom de «brûleurs de loups». L'expression serait née de l'habitude des Dauphinois d'organiser de grandes battues où, acculant les loups à la forêt, ils les tuaient par le feu. L'équipe de hockey a d'abord été appelée Grenoble Hockey Club, mais a pris son nom actuel en 1992.