Les millions, ça ne change pas le monde, sauf que...

Une autre triste histoire a ébranlé le sport professionnel cette semaine, celle du défenseur des Blue Jackets de Columbus, Jack Johnson, lessivé malgré la signature d'un contrat de 7 ans pour 30 millions avec les Kings de Los Angeles en 2012.

Johnson vient de déclarer faillite après que ses parents eurent dilapidé sa fortune en quatre ans seulement. Sa mère, Tina, aurait emprunté 15 millions à des taux d'intérêt démesurés sur les gains à venir de son fils.

Ce troisième choix au total de la LNH en 2005, derrière Sidney Crosby et Bobby Ryan, a largué son agent Pat Brisson en 2008 pour octroyer le contrôle de sa carrière à ses parents. Un fiasco. Il a depuis coupé les ponts avec eux et tente de se sortir la tête de l'eau.

Brisson, qui a eu une bonne discussion avec son ancien client le mois dernier, ne garde aucune rancune envers le jeune homme.

«À l'époque, il m'avait dit qu'il nous quittait pour garder les affaires "à la maison", confiait Brisson à La Presse jeudi soir depuis son bureau de Los Angeles. Nous étions déçus, mais ce n'est pas comme s'il partait pour une autre firme. Il n'a rien à se reprocher. Il était jeune et il faisait confiance à ses parents. Il n'y a rien de mal à ça. S'il y a des gens en qui tu peux avoir confiance, ce sont bien tes parents. Malheureusement, on voit rarement des dossiers comme celui-là. C'est vraiment triste...»

Les athlètes et leurs parents ont pourtant accès à tous les services nécessaires pour ne pas se faire flouer.

«À la signature du premier contrat, on tente de leur proposer des firmes de conseillers en affaires, explique Pat Brisson. Nous ne gérons pas l'argent nous-mêmes. Le jeune et sa famille rencontrent trois, quatre, parfois six conseillers, et ils peuvent ensuite faire leur choix. Au fil des années, on connaît les bonnes firmes et on les suit de très près. Ça fait partie de nos services. Tu peux guider le cheval à la rivière, mais il n'est toutefois pas obligé de boire. Au moins, mieux vaut tard que jamais, il a choisi d'attaquer le problème. Il pourra toujours signer un autre bon contrat dans trois ans. Il est encore jeune quand même.»

Pas le premier

Johnson n'est malheureusement pas le premier athlète à subir une déconfiture financière. Mike Modano, ancien capitaine des Stars, a perdu cinq millions dans une histoire de mauvais placements. Darren McCarty, rugueux ailier des Red Wings, a été floué par un partenaire d'affaires et a cumulé des dettes avoisinant les dix millions. Jaromir Jagr a connu lui aussi sa part d'ennuis financiers.

En 2011, 18 joueurs de la LNH ont poursuivi l'ancien hockeyeur Len Barrie pour des pertes totales de 13 millions dans un projet immobilier. L'ancien gardien Sean Burke aurait perdu 600 000 $ dans l'aventure.

«Ces jeunes sont couverts de millions et ils doivent se méfier de ceux qui les approchent pour gérer leurs finances ou placer leur argent, y compris amis et même parents», confie l'agent de joueurs Christian Daigle, qui représente entre autres Michaël Bournival, Antoine Roussel et Simon Després.

«Il y a ces cas rendus publics, mais aussi tous ceux qui n'ont pas dévoilé leurs mésaventures, poursuit Christian Daigle. L'éducation demeure une priorité. Les athlètes doivent se méfier de ceux qui leur vendent des taux de rendement avantageux. Les jeunes doivent être conscients qu'il n'y a pas de miracles dans le domaine financier. Si on vous approche avec un rendement supérieur à 15%, vous allez sur un terrain dangereux.»

Daigle, comme Brisson et la plupart des agents du milieu, offrira à ses clients des services financiers, en plus d'une représentation auprès des équipes. « On opte pour les placements sûrs pour assurer l'avenir à long terme, explique Christian Daigle. On leur fait un plan de retraite et on peut aussi leur faire un budget. Et on leur répète de se tenir loin de ceux qui leur proposent des investissements avantageux. »

Christian Daigle estime qu'un athlète peut mener une vie confortable après la retraite s'il parvient à placer environ 3,5 millions au cours de sa carrière à un taux sûr d'environ 5%. «On parle de mener une vie normale avec une seule maison payée», dit-il.

Mais plusieurs n'ont pas cette sagesse ou cette clairvoyance. Une étude récente du magazine Sports Illustrated mentionnait que 78% des footballeurs de la NFL faisaient faillite deux ans après leur retraite. Le taux est de 60% dans la NBA. Des boxeurs célèbres comme Mike Tyson et Evander Holyfield ont fait faillite après avoir gagné des dizaines, voire des centaines de millions.

Brisson n'exclut pas l'éventualité de représenter Johnson à nouveau. «Nous avons eu une bonne discussion l'autre mois. Il m'a tout raconté. C'est un jeune qui me tient à coeur. Il lui reste encore trois ans de contrat, mais on pourrait avoir d'autres discussions dans un avenir rapproché.»