C'est avec le Canadien que Rene Bourque a connu ses saisons difficiles dans la LNH. Il n'a que lui à blâmer, dira-t-on, mais Bourque avait été averti: son numéro 17 n'était pas exactement un porte-bonheur. Voici la petite histoire d'un numéro qui n'a jamais été banal dans l'histoire du Tricolore.

JEAN PUSIE (1930-1931)

Le premier joueur à avoir porté le 17 était un joueur marginal qui n'avait pour ainsi dire aucun sens du hockey. Pusie n'a joué que six matchs avec le Canadien et, se promenant d'une ligue à l'autre, a changé d'équipe 28 fois en 20 ans. Il était surtout reconnu pour faire des pitreries sur la glace. Après son départ de Montréal, il a déjà pris le temps de se peigner avant d'effectuer un tir de pénalité! L'ex-défenseur est le seul joueur ayant son nom sur la Coupe Stanley qui soit ensuite devenu lutteur professionnel. Nul doute qu'il laissait présager un destin particulier pour le numéro 17.

GEORGE HAINSWORTH (1936-1937)

Le fameux gardien du Canadien, qui a porté le numéro 1 dans l'uniforme du CH, avait quitté l'équipe pour les Maple Leafs de Toronto depuis longtemps lorsqu'il a décidé de prendre sa retraite en novembre 1936. Or, le Tricolore l'a convaincu de sortir de sa retraite pour remplacer Wilf Cude, son gardien de l'époque, qui était blessé. Un gars sorti de la retraite pour jouer quatre matchs à Montréal avec le 17? Check.

JEAN-GUY TALBOT (1954-1967)

L'ancien robuste défenseur du CH, compagnon de «Butch» Bouchard et de Maurice Richard, est celui qui a donné ses lettres de noblesse au numéro 17 et qui l'a porté le plus longtemps. Talbot, qui a joué son hockey junior à Shawinigan, aurait opté pour ce numéro en l'honneur de Ken Reardon, DG des Cataractes à l'époque, qui l'avait porté pendant cinq ans et qui, paraît-il, lui avait dit que le 17 portait bonheur. Talbot sauve l'honneur de ce numéro.

GUY LAPOINTE (1968-1970)

«Pointu» vient de voir son numéro 5 être retiré par le Tricolore, mais c'est avec le 17 qu'il a amorcé sa carrière à Montréal. «Dans ces années-là, raconte Lapointe, quand un joueur était rappelé, on nous donnait le fameux numéro 17. Ça voulait dire qu'on n'allait pas rester là longtemps! Le numéro 17 s'est promené longtemps jusqu'à ce que Murray Wilson le prenne...» Avant Lapointe, «Butch» Bouchard et Jean Béliveau l'avaient aussi porté sur une base temporaire. En fait, le numéro a tellement souvent changé de mains qu'il y a cinq saisons dans l'histoire de l'équipe où le 17 a été porté par trois joueurs différents la même année!

Photo Michel Gravel, archives La Presse

Le défenseur Jean-Guy Talbot sauve l'honneur du numéro 17.

ROD LANGWAY (1978-1982)

Revoir le nom de Rod Langway, c'est se souvenir de l'une des pires transactions du Canadien. Ryan Walter et Rick Green ont certes offert de très honnêtes services au CH, mais Langway est devenu avec les Capitals de Washington le défenseur défensif le plus dominant de la LNH dans les années 80. Un numéro 17 comme lui, on l'aurait volontiers pris plus longtemps! À sa suite, c'est un autre défenseur défensif (Craig Ludwig) qui l'a ensuite porté pendant huit ans, mais certainement pas avec le même talent.

JOHN LECLAIR (1990-1995)

Voilà un numéro 17 en qui tout le monde fondait beaucoup d'espoirs. C'était supposé fonctionner, non? Ce produit de l'Université du Vermont était le meilleur espoir de l'organisation et devait devenir l'attaquant de puissance tant convoité. Mais outre une poussée inspirée lors des séries éliminatoires de 1993, le passage de LeClair à Montréal a été ponctué de faux départs et d'attentes non satisfaites. On déplorait son indifférence, sa mauvaise vision du jeu, son caractère prévisible... Évidemment, il a fallu son départ pour Philadelphie pour qu'il devienne précisément le joueur que tout le monde attendait et un triple marqueur de 50 buts.

Photo Armand Trottier, archives La Presse

Rod Langway a été le défenseur défensif le plus dominant de la LNH dans les années 80 après avoir été échangé par le Canadien.

BENOÎT BRUNET (1996-2002)

L'ancien ailier estime avoir raté au moins 40% de sa carrière en raison des blessures. Il a certes connu son lot de malchances avec le numéro 22, mais au moins il a gagné la Coupe Stanley avec ce numéro-là. À ses yeux, ç'a été encore pire après qu'il eut commencé à porter le 17. «Je l'avais porté pendant mes années junior à Hull et je l'ai réclamé après le départ de LeClair. Je ne voyais pas de problème avec ce numéro-là, sachant que Ludwig et LeClair l'avaient eu. Mais ç'a été une blessure après l'autre! À un moment, j'ai pensé changer pour le 13, c'est dire...» Aujourd'hui, quand Brunet retrouve Jean-Guy Talbot et Murray Wilson dans des activités d'anciens, ils sont surnommés les «Three Seventeen». «Il y a des numéros qui méritent d'aller au plafond, d'autres, aux poubelles», résume Brunet.

JASON WARD (2002-2004)

Il fallait qu'au moins un des choix de premier tour ayant avorté pendant près d'une décennie ait porté le numéro 17! Jason Ward aura au moins eu le mérite de jouer dans la LNH, contrairement à Lindsay Vallis ou Brent Bilodeau. Mais quand on pense que les Sénateurs d'Ottawa, avec le 12e choix, ont réclamé Marian Hossa tout de suite après, il y a de quoi s'arracher les cheveux.

Photo Bernard Brault, archives La Presse

La carrière de Benoît Brunet a été minée par les blessures.

GEORGES LARAQUE (2008-2010)

«Benoît Brunet m'avait averti que ce numéro-là portait malchance, se souvient l'ancien colosse. Et moi qui suis superstitieux, câline j'aurais dû l'écouter! Je n'avais jamais eu de blessure sérieuse auparavant dans ma carrière. Quand il m'a dit ça, je me suis dit: "Qu'est-ce qui pourrait vraiment arriver de mal?" Bang! Une hernie discale dès mon premier entraînement et une deuxième qui s'est ajoutée la même année! J'ai joué juste 60 matchs en deux ans et j'ai passé deux saisons de merde à cause de ce numéro-là. Ça ne me tente même pas de signer des autographes avec ce chandail-là. C'est un numéro maudit et c'était clair qu'avec Rene Bourque, ça n'allait pas changer. Il y a des numéros qu'on retire, mais celui-là, on devrait le brûler!»

RENE BOURQUE (2012-2014)

Dustin Boyd et Chris Campoli auraient peu de chances qu'on mentionne leur nom dans les médias ces jours-ci, n'eût été du fait qu'ils ont porté le 17. Rene Bourque a d'ailleurs dû attendre le départ de Campoli pour récupérer ce numéro qu'il avait porté avec les Flames de Calgary et avec lequel il avait connu deux saisons de 27 buts. À Montréal, toutefois, la nonchalance et la crainte apparente de subir une autre commotion cérébrale ont eu raison de Bourque qui, en 141 matchs avec le Canadien, n'aura inscrit que 21 buts.

Photo Bernard Brault, archives La Presse

Malgré les avertissements de Benoît Brunet, Georges Laraque a tout de même choisi le numéro 17 avec le Canadien.