Michel Therrien a confondu les sceptiques le printemps dernier en menant son équipe en finale d'association. L'entraîneur-chef du Canadien amorce la saison avec un nouveau groupe de joueurs pour assumer le capitanat. Il explique comment il entend mener ses joueurs dans une entrevue accordée à La Presse.

Le Michel Therrien de 2000 aurait pu amorcer la présente saison en se présentant devant ses joueurs avec le couteau entre les dents.

Après tout, après deux saisons où il a mené le Canadien à un taux de succès de ,627 et à une présence en finale d'association, l'organisation l'a récompensé avec une prolongation de contrat de trois ans assortie d'une année d'option.

Un Therrien plus jeune, moins aguerri et plus frondeur en aurait peut-être profité pour asseoir davantage son autorité. Mais pas le Therrien qui est derrière le banc du Tricolore cette année.

«Je ne veux pas arriver là avec mes gros sabots en disant qu'il me reste quatre ans de contrat, insiste-t-il. Je ne vois pas ça comme ça du tout.»

À ses yeux, ce nouveau contrat n'est qu'une marque de confiance de l'organisation à son endroit. Il lui procure une sécurité financière, mais pas pour autant une sécurité d'emploi. Le succès de l'équipe est la seule unité de mesure qui tienne et, à ce titre, sa relation avec les joueurs demeure primordiale.

«Dans le cadre du travail qu'on fait en bas (dans le vestiaire) avec les gars, on est tous partenaires, rappelle Therrien. Avec les athlètes d'aujourd'hui, il faut être capable de s'ajuster. On communique beaucoup avec eux parce qu'on est tous dans le même bateau.»

L'absence d'un capitaine, qui sert normalement de courroie de transmission entre le coach et les joueurs, pourrait aussi être une occasion pour un entraîneur vorace d'augmenter son ascendant sur l'équipe. Mais Therrien privilégie depuis son retour à Montréal la communication avec un groupe de leaders. Brian Gionta et Josh Gorges en faisaient autrefois partie, mais ce groupe est désormais formé de cinq joueurs, soit les quatre assistants de même que Carey Price.

Aux yeux de Therrien, il n'y a pas de danger qu'en l'absence d'un capitaine, son message soit diffusé dans le vestiaire de plusieurs façons différentes.

«Si on est tous sur la même longueur d'onde, il n'y aura pas de problème, dit-il. Je me suis assis avec mon groupe de cinq durant le camp d'entraînement. Je veux avoir du feedback, savoir comment ils se sentent, comment ils ont trouvé le camp, etc.

«Il y a des plus jeunes maintenant dans ce groupe, pour qui c'est un nouveau rôle et ils vont apprendre là-dedans.»

Subban et Pacioretty ont mûri

La responsabilité de leadership confiée à P.K. Subban et Max Pacioretty donnera aux deux jeunes vedettes une nouvelle forme de contact avec leur entraîneur-chef.

«J'ai de bonnes relations avec Pacioretty, insiste Therrien. Je regarde où il était et où il est rendu. Avec chaque joueur, je me demande où je veux l'amener et comment je vais m'y prendre pour y arriver. Il n'y en a pas deux pour qui ça fonctionne de la même façon. On ne répète pas la même recette de sauce à spaghetti!

«On apprend à se connaître dans ce cheminement-là. Quand le joueur voit où il est rendu, c'est là que tu vas chercher son respect.»

Dans le cas de Subban, dont l'utilisation qu'en a faite Therrien a fait couler beaucoup d'encre au cours des deux dernières années, il est difficile de croire que le coach pourra encore clouer au banc un défenseur de 9 millions au nom du processus!

«Ça dépend, répond Therrien. P.K. a mûri lui aussi. Il ne faut pas oublier qu'avant qu'on arrive, il était parfois retranché de l'alignement. La première fois que je l'ai rencontré, je lui ai dit "Voici où je pense que tu devrais être." On est rendus là, maintenant, et à mon sens, il a encore une étape de plus à franchir.

«Mais il s'est tellement amélioré...»

Une chose ne changera pas: Therrien entend y aller progressivement avec chacun de ses joueurs. C'est ainsi qu'il a élaboré son camp d'entraînement. Il voulait intégrer de nouvelles idées, mais il les distillera à mesure que la saison progresse.

«À l'université, le professeur ne garroche pas tout la première semaine, il y a un processus avant d'arriver à l'examen final. C'est la même chose dans le coaching. On a une bible grosse de même, mais on y va une étape à la fois pour qu'on l'ait tout assimilée en fin d'année et qu'on finisse en force.»

Étape par étape. Comme avec P.K. Subban.

Lacroix répondait au profil

Therrien se considère aujourd'hui comme un meilleur entraîneur qu'il ne l'était à son arrivée avec le Canadien, à l'âge de 37 ans. Il veut mettre à profit son expérience et s'assurer de rester allumé et proactif dans tous les aspects du jeu.

Savoir bien s'entourer est également fondamental au succès d'un entraîneur. Il faut avoir suffisamment confiance en soi-même pour s'entourer de gens qui, certes, auront des atomes crochus avec nous, mais qui seront aussi capables d'apporter de l'eau au moulin et soutenir l'entraîneur-chef à l'extérieur de ses forces.

En ce sens, Therrien se réjouit de l'arrivée de Daniel Lacroix comme successeur à Gerard Gallant, car cela lui permet de toujours compter sur un ancien de la LNH qui est proche des joueurs.

«J'ai été très satisfait de la collaboration de Gerard et je suis content pour lui. Après son départ, je ne voulais pas vraiment changer le profil. C'est de ça qu'on avait besoin. On a eu l'opportunité d'avoir Daniel, dont le profil cadre bien.

«Mais en même temps, Dan est une nouvelle voix et il apporte de nouvelles idées. Ça ne fait pas de tort.»

Lacroix s'occupera de l'avantage numérique en compagnie de Clément Jodoin, de même que du prédépistage des prochains adversaires du Canadien. Jean-Jacques Daigneault a été libéré de cette tâche au courant de la saison dernière afin de passer plus de temps à faire de l'enseignement auprès du groupe de défenseurs.

Daigneault continuera aussi de superviser l'infériorité numérique.

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Michel Therrien dans ses mots

> Sur le rôle qui attend Galchenyuk en début de saison: «Alex est très à l'aise de jouer à l'aile. Je sais où je m'en vais dans un an, dans deux ans et dans trois ans avec lui. J'ai partagé ça avec lui avant le camp d'entraînement. Je ne voulais pas mêler le jeune en l'utilisant au centre au début du camp sans lui avoir expliqué là où on s'en allait. (...) J'ai aimé ce que j'ai vu de lui au centre. On prendra les décisions pour le bien de l'équipe et pour le bien du joueur.»

> À savoir lequel de ses duos de défenseurs affronterait les meilleurs éléments adverses: «On n'a jamais eu comme philosophie d'avoir un seul duo de défenseurs contre le meilleur trio adverse. Il peut y avoir quatre ou cinq défenseurs qui seront appelés à affronter le gros trio de l'autre bord ou deux trios avec lesquels on voudra se synchroniser. Je n'aime pas ça, changer des gars "sur le fly". Tu es sur la glace, tu sais contre qui tu joues? Prouve-moi que tu es capable. Je ne veux pas lancer le message qu'un de mes gars n'a pas d'affaire là. Je veux au contraire lui démontrer ma confiance.»

> Sur la façon de gérer le cas de Travis Moen: «Ce n'est pas facile pour un coach. On demande au joueur d'arriver en forme, de maintenir une bonne attitude, et il fait tout cela. Travis fait partie de notre profondeur. Il va toujours manquer quelqu'un dans notre alignement, il y aura toujours des blessés, et tout s'égalisera au bout de la ligne. Travis connaît un bon camp. Il fait ce qui lui est demandé et il a une attitude exemplaire. C'est un gars respecté non seulement de ses coéquipiers, mais des entraîneurs aussi. Tu ne peux pas avoir un meilleur gars que ça. Le temps va arranger les choses, mais parfois, ça doit être plus dur pour lui, j'en suis conscient. Un vétéran comme lui a de la fierté. Sauf qu'on aime la combativité de Brandon Prust sur le quatrième trio et Dale Weise a beaucoup progressé. Certaines décisions ne sont pas faciles.»