Jiri Fischer en est la preuve vivante: il est possible de faire le saut directement des rangs juniors aux Red Wings de Detroit, une équipe réputée pour sa prudence exacerbée en matière de développement des joueurs.

C'est possible. Ça lui est arrivé après son passage chez ceux qui s'appelaient à l'époque les Olympiques de Hull. Le jeune Tchèque s'est retrouvé défenseur titulaire à Detroit au tendre âge de 19 ans. Il venait de percer la muraille des Wings. Mais c'est le dernier à l'avoir fait.

Quinze ans ont passé, et aucun autre jeune n'a réussi l'exploit. Mais c'était avant aujourd'hui.

Aujourd'hui, à Detroit, le nom d'Anthony Mantha est sur toutes les lèvres des adeptes de hockey. Le Québécois pourra-t-il être le premier en 15 ans à rééditer l'exploit?

Le hasard fait en sorte que Fischer sera aux premières loges. Après avoir accroché ses patins, il est aujourd'hui responsable du développement des joueurs pour les Red Wings de Detroit.

«Personne dans l'organisation des Wings ne suit d'aussi près nos jeunes espoirs que moi, explique Fischer au bout du fil. Ce que je peux vous dire d'Anthony Mantha, c'est qu'il est celui qui nous donne le moins de soucis. Il se prépare bien. Il est à la hauteur. Il veut être le meilleur et il l'est souvent. Après ses matchs, il évalue sa performance. Il réfléchit à ce qu'il pourrait améliorer, il demande l'opinion des gens autour.

«Et ça fonctionne. Il s'améliore. Chaque semaine, chaque mois de la saison dernière, il s'est amélioré, ajoute Fischer. Maintenant, il est à Detroit au camp des recrues et je sais qu'il va tout faire pour mériter une place avec les Red Wings.»

Après l'avoir repêché au 20e rang du premier tour en 2013, Detroit n'a pas quitté Mantha du regard. La saison dernière, dans l'uniforme des Foreurs de Val-d'Or, le joueur de Longueuil a marqué 82 buts en 82 matchs. Il a été nommé joueur de l'année dans la Ligue canadienne de hockey.

«C'est fantastique!», s'exclame Fischer. À peu près tous les observateurs s'entendent pour dire que si le repêchage de 2013 était à refaire, le grand attaquant de 6'5 serait choisi bien avant le 20e rang.

À la hauteur

Au camp des recrues, qui a lieu depuis la fin de semaine dernière à Detroit, Mantha, qui a eu 20 ans hier, a été à la hauteur. Il a marqué 4 buts et inscrit 2 aides en 3 matchs contre les espoirs des Blues de St.Louis, des Blue Jackets de Columbus et du Wild du Minnesota.

Fischer explique qu'il n'a pas déçu non plus lors des tests physiques. «La plupart des jeunes ne sont pas prêts physiquement. Il faut pouvoir se rendre au camp des recrues et être parmi les meilleurs sur le plan physique, explique Fischer. Anthony, lui, a fini parmi les 3 premiers dans tous nos tests. Je sais qu'il est prêt physiquement.»

Mais sera-ce suffisant pour sauter directement des Foreurs aux Red Wings, sans passer par la Ligue américaine? Fischer ne veut pas s'avancer. «À l'heure actuelle, il y a un engouement incroyable autour de lui. Sera-t-il en mesure de percer l'équipe? Seul le temps nous le dira.»

La marche est haute

La marche reste malgré tout très haute. Le cas de Gustav Nyquist l'atteste. Malgré des succès avec les Red Wings pendant 2 saisons, le Suédois a dû ramer avant d'avoir sa place dans l'équipe. Il a finalement eu sa chance la saison dernière et s'est révélé le joueur le plus utile de l'équipe. Cette année, il ne devrait plus jouer à Grand Rapids, dans la Ligue américaine.

«Pour mériter une place dans l'alignement, il faut être meilleur qu'un joueur qui y est actuellement, explique Fischer. Et si un jeune veut remplacer un joueur avec un contrat à un volet, alors il doit être vraiment meilleur que lui. Parce que c'est toujours plus simple de renvoyer un contrat à deux volets dans les mineures.»

La profondeur des Red Wings n'est toutefois plus ce qu'elle était. Mantha pourrait réussir à se faufiler à l'aile droite. Daniel Alfredsson, blessé au dos, n'est pas certain de commencer la saison. Les premiers matchs hors concours donneront une meilleure idée des plans de l'entraîneur Mike Babcock.

De toute manière, insiste Fischer, entreprendre sa carrière dans la Ligue américaine n'est pas une défaite, même pour un choix de première ronde. C'est simplement la manière de faire à Detroit.

«Qu'a fait Gustav Nyquist après avoir été renvoyé dans la Ligue américaine? demande Fischer. Il a relevé la tête et élevé son niveau de jeu. Il est plus fort mentalement maintenant. Il est meilleur grâce à ça.»

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Eux aussi voulaient Sekac

Comme lui, il est Tchèque. Comme lui, il se prénomme Jiri. Et comme plusieurs autres dirigeants de la LNH, Jiri Fischer, responsable du développement des joueurs pour les Red Wings de Detroit, avait les yeux rivés sur Jiri Sekac la saison dernière.

En entrevue avec La Presse, Fischer confirme que les Red Wings étaient dans la course pour l'attaquant de 22 ans. «Nous étions intéressés. Mais en définitive, il a choisi Montréal. Il avait 11 offres sur la table, rappelle Fischer. Je suis content qu'il ait sa chance dans la LNH.»

Fischer a dirigé Sekac au championnat du monde junior de 2012. Il a même traversé l'Atlantique l'hiver dernier pour le voir disputer un match de la KHL.

«Il est rapide comme l'éclair. Sa vitesse dans la zone neutre est susceptible de changer un match dans la LNH, estime Fischer. En plus, il sait manier la rondelle à grande vitesse. C'est un fabricant de jeux.»

«Puis, dans les deux dernières années, il a travaillé très fort au gymnase. Il a pris beaucoup de muscle, note-t-il. C'est un bon espoir.»

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jiri Sekac