Lorsqu'il a quitté le Royal University Hospital de Saskatoon le 28 mars, sa démarche chancelante et son tout petit filet de voix, Tim Bozon avait un objectif clair en tête: être de retour sur la glace et suffisamment en forme pour participer au camp des recrues du Canadien.

En se présentant aux tests physiques, vendredi à Brossard, l'attaquant de 20 ans a mis le point final à cinq mois de labeur pour arriver à ses fins.

«J'ai gagné cette bataille et j'en suis extrêmement fier», a confié Bozon, qu'une méningite bactérienne de type Neisseria a failli emporter l'hiver dernier.

«Je ne voulais pas que mon rêve de devenir joueur professionnel se termine à 20 ans. J'ai tout fait, avec l'aide de ma famille, pour revenir au plus haut niveau.»

Dire qu'il n'a jamais douté serait exagéré. Lorsqu'il s'est vu dans le miroir, méconnaissable après une perte de 40 livres, il trouvait que son rêve semblait bien loin. Il a cherché conseil auprès de l'ex-hockeyeur Joël Bouchard, qui avait vécu une situation semblable en 2001, à un moment où il sentait le désespoir l'envahir.

Mais jamais il n'a perdu de vue la cible du 12 septembre.

Pour y arriver, l'ancien ailier de l'Ice de Kootenay a dû s'astreindre à un dur régime. On ne parle pas ici de régime alimentaire - «avec 6% de taux de gras, je pouvais manger pas mal n'importe quoi!» -, mais d'un régime d'entraînement nécessitant une discipline spartiate.

«J'en ai bavé. Ç'a été cinq mois intenses. J'habite dans le sud de la France, tout près de la plage, et je n'y suis pas allé une seule fois!»

Bozon soutient qu'au travers de sa longue convalescence, l'énorme perte de poids avait été pour lui l'une des choses les plus difficiles à accepter. Un athlète s'entraîne à fond pour grimper l'échelle, devenir plus gros et plus puissant, et voilà que d'un claquement de doigts, tout était à refaire. Un long serpent le ramenait à la case départ.

«J'ai perdu un été, en ce sens que je n'ai pas pu m'améliorer physiquement et me renforcer, admet-il. Mais bon, ce n'est qu'un détail. Je partais de loin avec 40 livres en moins. Mon objectif était de retrouver le poids d'autrefois.»

L'esprit et le caractère

Bozon a tenu à remercier plusieurs personnes qui, depuis son hospitalisation, l'ont soutenu ainsi que sa famille. Il a entre autres mentionné le nom de Steve Hogle, président des Blades de Saskatoon. Le Français avait inscrit un but contre les Blades la veille de sa méningite, et Hogle a agi dans les semaines suivantes comme s'il était l'un de ses propres joueurs. Il s'est rendu à l'hôpital deux ou trois fois par jour pour épauler Philippe et Hélène Bozon.

«Quand ton enfant est devant pareil danger, tu ne peux pas faire autrement que de t'identifier à eux en tant que parent, a confié Hogle à La Presse, la voix brisée par l'émotion. J'ai des enfants du même âge... En voyant leur garçon dans un coma artificiel, au fond d'une terre étrangère, je sais qu'ils se sont demandé comment leur vie avait pu chavirer à ce point.

«Ça a été une aventure folle de voir Timmy avec tous ces tubes et ces fils qui pendaient. Le chemin qu'il a parcouru entre cet état et la marche dans le couloir qui l'a mené à la salle où il allait donner sa première conférence de presse, c'est la preuve de son esprit et de son caractère.»

L'histoire de Bozon a ébranlé tout le hockey junior, particulièrement dans l'Ouest. L'Ice de Kootenay, bien sûr, mais aussi les Blades et les Blazers de Kamloops, avec qui Bozon a évolué pendant plus de deux saisons.

L'onde de choc s'est rendue jusqu'à l'espoir du Canadien Dalton Thrower, un défenseur des Giants de Vancouver qui a déjà joué à Saskatoon.

«Dès que j'ai entendu parler de sa méningite, j'ai communiqué avec des thérapeutes des Blades, a raconté Thrower. Sur le coup, on m'a dit que ça n'allait pas très bien. Mais j'ai dû attendre de pouvoir communiquer avec lui pour vraiment saisir ce qui s'était passé. Je suis ensuite resté en contact avec lui tout au long de sa rééducation.»

À son retour dans le giron du Tricolore, Bozon a été accueilli par le sourire de coéquipiers heureux et un brin surpris de le voir là.

«Il inspire tout le monde, confirme Thrower. C'est une histoire qu'on est tous à même d'admirer. De voir d'où il est parti et où il se retrouve aujourd'hui, c'est assez inattendu. Ça va le suivre toute sa vie.»

Que du bonus

Ce qui ne tue pas rend plus fort. La phrase Nietzsche est devenue un refrain connu. Mais c'est on ne peut plus vrai dans le cas de Tim Bozon. Le coup du sort qui l'a frappé, un soir d'hiver à Saskatoon, lui donne désormais de nouveaux atouts.

«La maladie a changé ma vie, je vois la vie autrement, soutient-il. J'ai gagné en maturité et je le prends comme quelque chose qui va me rendre plus fort. J'ai vécu l'enfer et maintenant je suis de retour.»

Mais alors même qu'il reprend le collier pour continuer sa route vers les rangs professionnels, Bozon répète à qui veut l'entendre que ce qu'il vit aujourd'hui «n'est que du bonus». Comme une expérience empruntée à une réalité qui aurait pu être très différente.

C'est pourquoi, malgré l'objectif qu'il a poursuivi avec sérieux jusqu'au camp du Canadien, il tient avant tout à avoir du plaisir.

«Je sais qu'il y a cinq mois j'étais dans un lit d'hôpital, à moitié mort. Je n'oublierai jamais ça. C'est une sorte de motivation pour moi et je vais m'amuser.»

Une question demeure: quelle est l'ampleur du recul que la maladie a provoqué chez lui? Son équipe junior ne s'attend pas à le revoir pour sa saison de 20 ans, à tel point que le deuxième poste d'Européen a été pourvu par un autre. Il semble être entendu par un peu tout le monde que Bozon pourra faire son entrée chez les professionnels - même si, précise le principal intéressé, le Canadien ne lui fera pas de cadeau.

«Je ne sais pas si je pars avec du retard ou non, on verra comment le camp se déroulera. Mais tout cela, ce n'est que du bonus. Je suis content d'être ici et de pouvoir jouer au hockey, c'est fabuleux.»