Dans le vestiaire attenant à la patinoire d'un aréna de Nice, dans le sud de la France, Tim Bozon faisait des blagues avec son père Philippe et son grand-père Alain, deux anciens hockeyeurs.

«Je faisais semblant de ne plus savoir comment m'équiper», a raconté à La Presse l'espoir de 20 ans qui foulait la glace, hier, pour la première fois depuis le 28 février lorsqu'une méningite bactérienne a mis sa vie en jeu.

«J'étais vraiment excité mais également anxieux, a ajouté l'attaquant français, choix de troisième ronde du Canadien au repêchage de 2012. Je ne savais pas comment j'allais réagir. Si ça se passait mal, ça me tracasserait d'autant plus. J'avais peur d'avoir perdu mes mains et mon patinage... Mais après cinq minutes, tout m'était revenu. C'est comme le vélo!»

Pour un jeune joueur qui revient de loin et qui continue d'entretenir des rêves grands comme l'Hexagone, le simple fait d'enfiler les patins et de frapper des rondelles réveillait des sensations exaltantes.

«C'est l'un des plus beaux jours de ma vie, a-t-il confié. En quittant la glace, j'étais encore plus excité à l'idée d'y retourner prochainement!»

Juste du boni

Bozon ne se souvient pas des heures qui ont mené à son hospitalisation au Royal University Hospital de Saskatoon. Des bribes du match qu'il avait disputé la veille avec l'Ice de Kootenay lui sont revenues, mais de grands pans se sont effacés avec le coma artificiel dans lequel il a été plongé.

D'avoir valsé avec la mort sans jamais en avoir eu connaissance a laissé Bozon dans une situation un brin particulière.

«J'ai 20 ans, je suis têtu et naïf, et je ne me rends pas toujours compte de ce qui arrive, nous dit-il. Mais dans certains moments où je me retrouve seul, je me dis que j'ai bel et bien frôlé la mort et que tout ce qui m'arrive maintenant, c'est du boni.

«J'étais du genre discret, à sacrifier beaucoup pour le hockey et je ne sortais pas beaucoup. Or, tout ce que j'ai vécu va me décoincer et m'inciter à profiter un peu plus de la vie et de mes amis.»

Un être humain «normal»

À son réveil, à l'hôpital, le principal choc a été de se voir dans le miroir amaigri de presque 40 lb.

«C'est ce qui m'a inquiété le plus car après avoir passé autant de temps à m'entraîner, j'avais tout perdu», admet Bozon.

Or, deux mois plus tard, presque tout lui est revenu.

L'appétit, puis la voix - qui n'était qu'un mince filet à sa sortie de l'hôpital début avril - et, à mesure qu'il reprenait des forces, le poids aussi.

Il ne lui reste qu'une dizaine de livres à gagner pour retrouver les 196 lb qu'il affichait au début de la dernière saison.

«Les maux de tête ont cessé pendant que j'étais au centre de rééducation de Cap-Breton. Je peux marcher et courir comme avant. J'ai amélioré ma concentration et ma mémoire aussi. Il m'arrivait de répéter trois ou quatre fois la même question, mais ça va mieux à ce niveau-là.

«Humainement, je me sens en super forme, résume-t-il. J'ai le sentiment d'être redevenu un être humain normal et j'ai le moral. Mais sportivement, c'est sûr qu'il me reste des progrès à faire.»

Tous les signaux médicaux laissent croire qu'aucune séquelle sérieuse n'entravera sa route. Mais son père Philippe demeure prudent.

«C'est plutôt positif car il récupère bien, mais certains aspects ne sont pas encore au top, soutient l'ancien des Blues de St. Louis. Ça reste un travail de longue haleine. Plus le niveau de difficulté va augmenter, plus on sera à même de découvrir s'il y a des ennuis ou non.»

Les conseils de Joël Bouchard

Entre son départ de Saskatoon et son retour en France, la famille Bozon avait passé quelques jours à Montréal. Le jeune ailier en avait profité pour s'entretenir au téléphone avec l'ex-défenseur Joël Bouchard, qui a lui-même souffert d'une méningite en 2000.

«Ce sera l'une de mes priorités, quand je retournerai à Montréal, d'avoir un tête-à-tête avec lui car il m'a vraiment aidé, a lancé Bozon. Le fait qu'il ait vécu le même parcours m'a mis en confiance. Ce n'est pas la même chose que les paroles d'un médecin ou les encouragements des parents; c'est quelqu'un qui l'a lui-même vécu.

«Joël a surtout insisté sur le fait que je devais prendre mon temps et ne pas précipiter mon retour au jeu.»

Bozon a beau maintenir de hauts objectifs, il garde ce conseil en tête et comprend qu'il doit avant toute chose se rétablir à 100%.

«Mais c'est sûr que je pense beaucoup aux Bulldogs de Hamilton car c'est là que mon cheminement devrait m'amener», convient Bozon, qui est en contact régulier avec Pierre Allard, le préparateur physique du Tricolore, qui lui a conçu un programme d'entraînement de concert avec les médecins de Cap-Breton.

«J'aimerais bien être au camp de perfectionnement le mois prochain, mais je ne sais pas encore. C'est peut-être quelque chose que je vais décider à la dernière minute.

«Mon objectif est d'être là au mois de septembre pour le camp des recrues. Trois mois d'entraînement d'ici là, ce sera énorme pour moi. Mais je ne peux pas confirmer que j'y serai, c'est encore trop tôt...»