Les séries ne sont pas encore terminées, mais déjà, le Canadien doit penser à la saison prochaine. Quelles leçons faut-il tirer du printemps, et quelles décisions prendra Marc Bergevin? Voici cinq questions importantes, auxquelles répondent nos trois experts.

1- Qu'adviendra-t-il de Peter Budaj?

Mathias Brunet: Budaj demeure un auxiliaire parfait pour Carey Price et Dustin Tokarski ne sera jamais numéro un à Montréal. Je sonderais d'abord le terrain auprès des autres clubs pour trouver un acheteur pendant que la valeur de Tokarski est à la hausse. Si une équipe offre un choix de deuxième ronde ou un espoir pour Tokarski, le CH doit conclure un échange. S'il n'y a pas d'offre valable, alors Marc Bergevin peut garder Tokarski et reléguer Budaj dans les mineures, ou encore racheter son contrat.

Marc Antoine Godin: C'est une véritable gifle que Budaj a reçue en voyant Dustin Tokarski être préféré à lui après la perte de Carey Price. On lui demandait de travailler fort et d'attendre son tour, et quand son tour est venu, on l'a donné à un autre! Le fait qu'il se montre prêt à passer outre cette blessure à l'orgueil témoigne d'un professionnalisme exemplaire. Mais après avoir reçu un tel vote de non-confiance, on s'imagine mal comment l'équipe pourrait lui demander de continuer d'agir comme gardien substitut. Le vétéran slovaque est adoré de ses coéquipiers, à commencer par Price. Mais vient un point où «être bon dans le vestiaire» ne suffit plus.

Richard Labbé: On vante toujours les qualités de Peter Budaj, le sempiternel «bon gars», celui qui ne pense jamais à lui et toujours aux autres. Mais Budaj vient de se faire dépasser par un gardien de la Ligue américaine qui avait pris part à un total de trois matchs cette saison. Le Slovaque sera sans doute tenté de demander un déménagement, et le Canadien ferait bien de lui faire cette faveur. En Tokarski, l'équipe peut compter sur un gardien capable de gagner chaque soir, ce qui n'est pas le cas de Budaj.

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Photo Robert Skinner, La Presse

Peter Budaj

2- Faut-il redonner un contrat à Andrei Markov?

Mathias Brunet: Markov demeure un élément essentiel au sein de cette équipe, malgré ses 35 ans. Il vient de connaître une saison de 43 points et est utilisé en moyenne 25 minutes par match, autant en infériorité qu'en supériorité numérique. Le Russe est heureux à Montréal et veut y demeurer. Un contrat de trois ans à un salaire semblable à l'actuel, soit 5,75 millions par année, devrait satisfaire tout le monde. Qui parle encore de la blessure au genou de Markov?

Marc Antoine Godin: La meilleure solution pour le CH serait que Markov accepte un contrat d'un an et qu'il demeure le défenseur numéro deux de l'équipe en attendant que la relève soit capable d'en mener plus large. Au-delà des blessures qui ont marqué ses saisons précédentes, c'est son rendement à mesure que l'année a avancé - et particulièrement en séries - qui suggère que le déclin est amorcé. Dès l'an prochain, Markov ne vaudra peut-être plus le salaire qu'il gagnait cette année. S'investir au-delà d'une année - deux ans maximum - représente un risque que le Tricolore ne peut pas courir. Il faut rappeler que le prochain contrat de Markov ne pourrait pas être effacé des livres étant donné qu'il sera signé après l'âge de 35 ans. Une idée comme ça: le CH serait-il mieux nanti avec un an de Dan Boyle?

Richard Labbé: Markov? Ça dépend. Si le ténébreux Russe veut un contrat de longue durée, s'il s'imagine pouvoir obtenir une entente toute neuve de quatre ans, le Canadien devrait répondre par un gros «non, merci». Mais un retour de Markov avec un contrat à court terme serait une bonne idée. Deux ans de Markov, pas plus.

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Photo Bernard Brault, La Presse

Andrei Markov

3- Faut-il racheter le contrat de Rene Bourque?

Mathias Brunet: Bourque est encore sous contrat pour un an à 3,3 millions par année, un salaire élevé pour un joueur qui a marqué neuf buts en saison, mais une aubaine pour un attaquant qui a 8 buts en 17 matchs en séries. Bourque est difficile à cerner, mais il constitue un bon complément à l'attaque. Pourquoi se compliquer la vie? La décision la plus sage consiste à le garder pour un an et espérer une production à sa dernière année de contrat.

Marc Antoine Godin: Racheter un contrat pour racheter un contrat n'est pas bien constructif. Le Tricolore ne devrait considérer cette possibilité que si cela lui permet de libérer l'argent nécessaire à l'embauche d'un joueur de haut calibre. Bourque n'aura probablement pas une saison aussi difficile l'an prochain que celle de cette année, mais on ne doit pas non plus s'attendre à ce que son jeu des dernières séries éliminatoires devienne la norme. Si jamais son bon printemps a réveillé l'intérêt d'autres formations, explorer une transaction m'apparaît préférable.

Richard Labbé: C'est certes tentant... mais ça coûterait un peu cher. Racheter le contrat du mystérieux Rene, c'est beaucoup d'argent mort; quelque 1,6 million de dollars sur la masse salariale pour les deux premières années du rachat, puis quelque 833 333 $ pour les deux suivantes. C'est beaucoup. Aussi bien l'endurer encore un peu, et espérer qu'il joue un peu plus souvent comme il l'a fait en séries. À moins qu'un autre DG ne fasse une offre au Canadien? On a déjà vu des choses plus bizarres.

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Photo Robert Skinner, La Presse

Rene Bourque

4- P.K. Subban fera-t-il sauter la banque? Pour combien d'années devrait-il signer?

Mathias Brunet: Subban est non seulement la pierre angulaire du CH en défense, mais il a aussi un statut de supervedette depuis deux ans. Il a gagné le trophée Norris, a amassé 53 points en saison et a terminé au premier rang des compteurs en séries avec 14 points en 17 matchs et un temps d'utilisation de plus de 27 minutes par rencontre. Il n'est jamais blessé et, à 25 ans, il n'a même pas atteint son apogée. Il faut lui donner huit ans de contrat à un salaire supérieur à 7 millions, comme les meilleurs de sa profession.

Marc Antoine Godin: C'est clair que Subban touchera le magot. Pas seulement parce qu'il est le meilleur défenseur du Canadien. Et pas seulement parce qu'il faut le protéger d'une offre hostile. Il touchera le gros lot parce qu'il a démontré du leadership et un niveau de jeu supérieur au moment où ça comptait le plus. C'est la marque des gagnants. Sa personnalité en a peut-être agacé certains par le passé, mais plus personne ne peut douter de son impact sur le rendement de l'équipe. La direction peut lui offrir une prolongation de contrat de huit ans. Je m'attends à la limite en termes d'années... et une moyenne annuelle tout juste sous la barre des 8 millions.

Richard Labbé: Le problème pour Marc Bergevin, c'est que Subban a maintenant le gros bout du bâton. Il n'est pas pressé, et il n'a pas besoin de l'être non plus. Qui se compare à lui dans cette ligue? On parle souvent de Drew Doughty, le défenseur des Kings de Los Angeles qui a accepté un contrat de 8 ans pour 56 millions en 2011. Pour Subban, ça part de là, et ce sera plus que ça, pas mal plus que ça. Au moins 8 millions par année, chuchotait-on il y a quelques mois. Cette fois, le Canadien ne pourra pas l'avoir au rabais comme la dernière fois.

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Photo Robert Skinner, La Presse

P.K. Subban

5- Thomas Vanek négociera-t-il avec le Canadien? Serait-il un atout pour la prochaine saison?

Mathias Brunet: Marc Bergevin devra être prudent dans ses négociations avec Vanek. Cet Autrichien, malgré des performances décevantes en séries, donne une autre dimension à l'attaque du Canadien. Si jamais Brian Gionta revient avec l'équipe, son salaire de 5 millions sera réduit considérablement. Cela donnera une marge de manoeuvre suffisante à Bergevin. Vanek a tout de même obtenu 27 buts et 68 points en 78 matchs de saison et il n'y a personne à l'heure actuelle dans l'organisation pour le remplacer. Il a seulement 30 ans. J'offrirais à Vanek un contrat de cinq ans pour 30 millions, mais je ne participerais pas à une surenchère.

Marc Antoine Godin: Son idée est faite, et je ne crois pas que les séries ont changé quoi que ce soit. Il veut tester sa valeur sur le marché et décider de sa prochaine destination. Il serait certainement heureux de voir le Canadien entrer dans la danse, mais je ne vois pas beaucoup d'atomes crochus entre les deux parties. Certes, un Vanek en santé rendrait l'équipe meilleure. Mais sa réputation de «game changer» est probablement surfaite. Marc Bergevin l'a déjà décrit comme un joueur «qu'on ne voit pas du match et qui finit la soirée avec deux points». Mais parfois, c'est à se demander si toutes les présences au cours desquelles on ne le voit pas ne finissent pas par annuler les points qu'il récolte...

Richard Labbé: Son agent l'a déjà dit à La Presse: Vanek est ouvert à la possibilité de poursuivre sa carrière à Montréal. Le problème pour lui, c'est que Marc Bergevin est probablement moins ouvert à cette même possibilité, surtout à la suite de la disparition du joueur autrichien en séries. Réglons ça tout de suite: Thomas Vanek va fort probablement jouer ailleurs la saison prochaine. Ce joueur n'a pas fait la preuve qu'on peut compter sur lui dans les moments importants.

Photo Robert Skinner, La Presse

Thomas Vanek