À la résidence de Gary Bourque, au Lac La Biche, le téléphone n'avait pas cessé de sonner après minuit. Parents et amis voulaient partager leur joie, mardi soir, d'avoir vu son fils Rene marquer trois buts dans la victoire de 7-4 du Canadien.

C'était le premier tour du chapeau inscrit par un joueur du Tricolore en séries éliminatoires depuis Andrei Kostitsyn en 2010, et le premier dans une finale d'association depuis Guy Lafleur en 1975.

La douce euphorie ne s'est pas complètement dissipée avec la nuit.

Au petit matin, Gary Bourque a commencé à voir des voitures et des camions s'arrêter devant sa maison. Des gens venaient lancer des casquettes sur sa pelouse afin de célébrer l'exploit de leur plus célèbre ambassadeur qui a dit, après la rencontre de la veille contre les Rangers de New York, avoir joué «le plus gros match» de sa vie.

«Je les ai laissées sur le terrain», a indiqué M. Bourque, sans dissimuler sa fierté à l'égard de son fils.

«J'ai 61 ans, mais aujourd'hui, je me sens comme si j'en avais 30. C'est une sensation incroyable pour moi de voir ses succès offensifs.»

Ce n'était pas la première fois que les gens de Lac La Biche, une petite ville albertaine d'environ 3000 habitants, célébraient de la sorte un tour du chapeau de Rene Bourque.

«Ça s'était passé à deux reprises quand il portait l'uniforme des Flames de Calgary, mais c'était au milieu de l'hiver, et elles avaient été enfouies sous trois pieds de neige», précise son père.

Une communauté mobilisée

Lac La Biche est dans un territoire normalement acquis aux Oilers d'Edmonton, mais la ville a temporairement changé d'allégeance, étant donné que le Tricolore est la seule équipe canadienne à avoir participé aux séries.

«Et le fait d'avoir un garçon de la place dans l'équipe ne nuit certainement pas», observe Gary Bourque.

«Dans les magasins, au bureau de poste ou au restaurant, on n'en a que pour Rene et le Canadien de Montréal. Ça met tout le monde dans un bon état d'esprit.»

Bourque a quitté le nid familial à l'âge de 14 ans pour voir jusqu'où le mènerait son destin de hockeyeur. «Ç'a brisé le coeur de sa mère», se souvient Gary Bourque, qui se dit quand même heureux que son fils soit allé au bout de son rêve, sans jamais sacrifier ses études chemin faisant.

Cela fait donc plusieurs années que Bourque se promène un peu partout. Sauf qu'il n'a jamais oublié Lac La Biche.

«Rene a été bon pour la communauté et la communauté a été bonne pour lui. Ils ont une belle relation ensemble. Son comportement à l'égard des jeunes ici est incroyable. Il leur consacre du temps sans compter.»

C'est pourquoi cet ancien travailleur des plateformes de forage à Fort McMurray ne s'est pas laissé démonter quand il a entendu à la télé des commentateurs mettre en doute le «coeur» de son fils.

«Ça fait partie du jeu, dit-il. Rene est un vétéran maintenant et il est capable de gérer ce genre de chose. Il savait qu'il pouvait créer un impact, et parfois, c'est ce genre de commentaire qui le motive.»

Le mystère Bourque

L'ailier de 32 ans demeure quand même, aux yeux d'à peu près tout le monde, un joueur énigmatique dont les élans et les léthargies sont difficiles à prévoir.

«Avant d'essayer de percer son mystère, je vais le laisser aller encore un peu, ç'a l'air de bien aller», s'est d'ailleurs esclaffé Michel Therrien, hier.

«Rene joue du hockey inspiré en ce moment. Il est explosif sur la patinoire et il s'implique physiquement. Ce n'est pas toujours juste une question de buts et de passes. Mais lorsqu'il ne fait pas de points, il fait des choses qu'on aime en s'impliquant physiquement et en allant au filet.

«Depuis la fin de la saison régulière, on voit un joueur qui est engagé dans les matchs. Hier (mardi), compte tenu du genre de match qu'on devait jouer, il a agi en leader.»

À la question de savoir quelle pourrait bien être la différence entre le Rene Bourque des séries et celui de la saison, son père croit que la réponse se trouve dans la composition des trios.

«Il y a une chimie au sein de son trio, on l'a senti mardi, a noté Gary Bourque. Même s'il n'a pas eu une très bonne saison, tout ce qui importe, c'est aujourd'hui et demain.»