Cela fait maintenant 10 ans que la carrière de Steve Moore dans la LNH a pris fin à la suite d'une agression sur glace de la part de l'ancien attaquant des Canucks de Vancouver Todd Bertuzzi.

Âgé de 35 ans, Moore dit toujours souffrir de maux de tête et d'un manque d'énergie, même s'il se sent mieux en général et qu'il souhaite passer à autre chose dans sa vie.

Cependant, l'ancien centre de l'Avalanche du Colorado n'a toujours pas encore été capable de tourner la page, alors que le procès en lien avec sa poursuite de 38 millions $ contre Bertuzzi et les Canucks n'a toujours pas débuté après avoir été retardé à plusieurs reprises.

Le procès devrait finalement commencer le 8 septembre.

Moore, une recrue au sein d'une édition dominante de l'Avalanche, se souvient encore de ce match du 8 mars 2004 et des effets dévastateurs qu'il a eu sur sa carrière.

«J'y pense dans des moments comme celui-ci, a dit Moore vendredi lors d'une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne. Quand c'est l'anniversaire de l'incident, c'est difficile de ne pas réfléchir aux impacts dramatiques qu'il a eu sur ma vie.

«En même temps, je me dis que ç'aurait pu être pire. À chaque fois que je vois la séquence, j'ai la même réaction que les autres, je suis dégouté et sous le choc. C'est un petit peu plus fort quand vous êtes la victime et que vous êtes conscient des événements qui ont mené à ça - les menaces et toutes ces choses.»

Tout a commencé le 16 février 2004 quand Moore a assommé le capitaine des Canucks Markus Naslund avec une mise en échec dangereuse. Naslund avait subi une commotion cérébrale et la LNH avait qualifié le geste de légal.

On s'attendait à des représailles. L'attaquant des Canucks Brad May avait déclaré que la tête de Moore avait été mise à prix. Mais quand les équipes se sont affrontées le 3 mars, sous le regard du commissaire de la LNH Gary Bettman qui était présent, il n'y a pas eu d'incidents.

Les feux d'artifice ont éclaté le 8 mars, lors d'une victoire de 9-2 de l'Avalanche.

Moore s'est battu avec Matt Cooke en première période, un combat au verdict nul. On croyait que cet incident était pour mettre fin à l'histoire.

Les choses se sont toutefois envenimées en troisième période. Moore a été défié à nouveau, mais il s'est retourné en refusant. Bertuzzi l'a approché par derrière, a saisi son chandail et lui a assené un coup de poing sournois avant de chuter sur la glace par-dessus Moore pendant que les joueurs s'empilaient sur les deux hommes.

Moore est resté immobile sur la patinoire dans une marre de sang et on l'a transporté sur une civière avant de l'amener dans un hôpital.

Il a subi une commotion cérébrale et trois fractures des vertèbres.

Bertuzzi avait été suspendu pour le reste de la saison régulière et les séries éliminatoires, ce qui lui a coûté environ 502 000 $ en salaire, et il n'a pas joué pendant le lock-out en 2004-05. Il a cependant pu reprendre sa carrière en 2005-06, plus récemment avec les Red Wings de Detroit. Il a également plaidé coupable à un chef d'accusation criminel de voies de fait causant des lésions corporelles et a reçu une peine d'un an de probation et de 80 heures de travail communautaire.

Un Bertuzzi en larmes a également présenté ses excuses à la télévision.

Mais rien n'a pu véritablement panser les plaies de Moore.

Après cinq ans de rencontres avec les meilleurs médecins spécialistes qu'il pouvait trouver, on lui a dit qu'il avait connu une récupération remarquable, mais personne n'a voulu lui donner le feu vert afin de recommencer à jouer au hockey. Sa carrière était terminée.

«Ce fut une période très difficile pour moi, a-t-il dit. Ç'a été beaucoup plus long que ce à quoi je m'attendais, mais je pensais pouvoir revenir au jeu et je ne pensais à rien d'autre que de revenir au jeu.»

Il a depuis mis sur pied la Fondation Steve Moore afin d'aider les personnes souffrant de blessures à la tête et au cou.

Si sa fondation le garde occupé, il n'a pas abandonné sa poursuite qui pourrait créer un précédent afin de déterminer la responsabilité des actions sur la glace.

Moore insiste sur le fait que la poursuite n'est pas tant une question d'argent qu'une compensation pour avoir vu son rêve lui glisser entre les doigts.

Quand Moore s'est blessé, il en était à sa première saison complète dans la LNH. Il avait inscrit cinq buts et sept aides en 57 matchs, mais des blessures au sein de l'équipe l'avait aidé à passer du quatrième trio à de plus importantes responsabilités en compagnie de joueurs étoiles comme Joe Sakic et Paul Kariya.

«J'ai perdu toute ma carrière lors de ma première année, a-t-il noté. Je pense que n'importe quel joueur dans cette situation aurait fait la même chose.

«Je ne peux rien récupérer d'autre. Je ne peux pas récupérer ma carrière, l'expérience de vivre le rêve que j'avais depuis que j'ai deux ans et demi de jouer dans la LNH.»

Il dit que ses blessures lui ont coûté tous les bons côtés du fait de jouer dans la LNH: obtenir les récompenses pour sa famille et lui d'avoir fait plusieurs sacrifices afin de se rendre là, la chance de jouer en séries éliminatoires et de peut-être gagner la coupe Stanley ou même la chance de devenir une inspiration pour des enfants afin qu'ils puissent vivre le même rêve.

«Tout ce que j'ai vu mes confrères accomplir lors des 10 dernières années. J'ai regardé les carrières qu'ils ont connues et je ne peux rien avoir de ça», a mentionné Moore.

Bertuzzi a laissé entendre que l'entraîneur des Canucks Marc Crawford avait encouragé ses joueurs à «faire payer le prix» à Moore. Crawford a nié ces accusations et a répliqué que Bertuzzi lui avait désobéi en restant sur la patinoire afin d'attaquer Moore.

Quand on lui a demandé s'il a pardonné à Bertuzzi, Moore a plutôt parlé des frustrations liées aux délais dans le procès.

«Je suis quelqu'un qui pardonne très facilement, a déclaré Moore, qui vit à Toronto avec son épouse et ses deux jeunes enfants. Tout le monde a vu ce qui s'est produit le 8 mars 2004, mais ils ne savent pas ce qui s'est produit depuis.

«Pour moi, c'est la suite de ce qui s'est produit, mais cette fois à l'extérieur de la patinoire et loin des caméras. Ce n'est pas quelque chose qui s'est produit il y a 10 ans et qui est terminée et qui est réglée.

«Il n'y a personne qui veut plus que moi que tout ça soit terminé. À chaque jour j'essaie de tourner la page et la page a été tournée dans d'autres aspects de ma vie, mais ce n'est pas terminé.»