Vous ne risquez pas de voir Michaël Bournival garer une Ferrari devant le tapis rouge d'un événement mondain montréalais... encore moins emboutir un arbre avec un tel bolide après une course folle ou se retrouver impliqué dans une bagarre au petit matin dans une boîte de nuit.

«J'ai visité plusieurs condos avec lui et, croyez-moi, il n'a pas choisi le plus luxueux, mais celui qui lui ressemblait le plus», confie son agent Christian Daigle.

Finaliste deux fois pour le trophée Marcel-Robert remis au meilleur étudiant de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), travailleur acharné, autant sur la glace que sur les bancs d'école, le jeune homme a toujours été un modèle d'acharnement, de rigueur et de sérieux.

«Ça vient de mon éducation, dit-il après un entraînement de l'équipe. Mes parents m'ont toujours dit de rester humble, dans les bons comme dans les mauvais moments. Ils m'ont aussi répété que le travail amenait de bonnes choses. Ils nous ont bien transmis ces belles valeurs parce que mon frère et ma soeur sont comme moi.»

Ses parents ont toujours travaillé dans une résidence pour personnes âgées. Son frère est ambulancier. Sa soeur est en congé de maternité.

«On n'a pas été élevés dans la grande richesse, on est des gens normaux. Et ça ne changera pas. Mais ma soeur m'a dit qu'elle s'inspire de moi dans la vie, elle veut avoir son propre magasin de vêtements un jour et veut prendre exemple de ma réussite au camp d'entraînement.»

Bournival, 21 ans à peine, s'excuse presque d'avoir acheté une camionnette. Pour le condo, il ne voulait pas de château de toute façon. «C'est très simple, ça ressemble un peu au style de chez nous, c'est propre, les meubles sont corrects, mais ça ne flashe pas. De toute façon, je suis tellement gaffeur, j'aurais peur de tacher de beaux meubles...»

Les bonnes notes, dit-il, c'est une question d'orgueil. «J'ai toujours été discipliné et, en plus, je ne me permettais pas d'avoir des notes de moins de 80%. Je suis fier et je visais toujours 90% et plus. Ma matière favorite a toujours été les mathématiques, les calculs.»

Comment combiner études et hockey, avec les longs voyages en autobus et l'horaire éreintant?

«C'est plus difficile d'écrire dans l'autobus parce que ça bouge trop, alors j'en profitais pour faire mes leçons; les devoirs, je les écrivais chez moi. Et quand je manquais de temps, j'allais voir les professeurs pour leur expliquer la situation et ils étaient compréhensifs.»

Bournival, originaire de Shawinigan, dit n'avoir jamais été victime des railleries de ses coéquipiers même s'il tranchait avec les autres par son sérieux.

«Au contraire, j'ai servi d'exemple, beaucoup de joueurs m'ont suivi là-dedans [les études], et je crois que c'est pour cette raison que j'ai été nommé capitaine des Cataractes.»

Bournival, qui a remporté la Coupe Memorial il y a deux ans à Shawinigan, en est seulement à sa première année dans la LNH, mais il songe déjà à son après-carrière.

«Il me reste cinq cours à terminer pour obtenir mon diplôme d'études collégiales, mais on peut accéder à l'université après 21 ans et je vais prendre cette option après ma retraite. J'aimerais beaucoup devenir kinésiologue, j'aime l'entraînement et je me suis toujours intéressé à la biologie. Je sais où je m'en vais, mon plan à court et à long terme est tracé.»

Est-il toujours aussi sage? «Je n'ai jamais été mêlé aux problèmes, répond-il. Mais quand je deviens un peu plus à l'aise, comme avec mes proches et ma famille, on dit que je suis le comique avec mon frère. Mais je mets du temps avant de sortir de ma coquille.»

Savoir d'où on vient

Fils d'un couple de cultivateurs, Jean Bournival s'est fait marteler une phrase qu'il répète sans cesse à son garçon Michaël: «Tu dois toujours te souvenir d'où tu viens si tu veux savoir où tu t'en vas.»

«Je lui rappelle toujours de ne jamais oublier qu'il a commencé à quatre pattes dans un champ de fraises, relate le père d'une voix douce et posée. Mes enfants ont commencé à travailler jeunes pour gagner leur argent de poche parce que je voulais qu'ils connaissent la valeur de l'argent. Ils se levaient tôt le matin. Ils ont aussi déneigé des toits l'hiver. Ce n'est pas toujours facile de gagner de l'argent. Les gens qu'on côtoie travaillent fort et on a besoin de tout le monde. Michaël joue pour le Canadien et il a du succès, mais ce dont je suis le plus fier, c'est qu'il ait retenu toutes ces valeurs...»

À 18 ans, Jean Bournival a commencé à diriger des équipes de hockey mineur même s'il n'avait pas encore d'enfant. «J'ai toujours joué, j'ai toujours regardé le Canadien, j'ai une grande passion pour le hockey», dit-il.

Il dit n'avoir jamais mis de pression sur ses enfants et conseille à tous les parents de ne pas le faire. «Ce sont eux qui ont décidé de jouer au hockey. La première fois que Michaël a patiné, il a pleuré tout le long. Je lui ai dit que ce n'était pas grave, qu'on choisirait un autre sport. Il a voulu retourner et il n'a jamais plus pleuré. Moi, je voulais seulement que les enfants fassent du sport pour les aider à traverser l'adolescence. On ne pensait pas à la Ligue nationale. On n'y a jamais pensé avant le Midget AAA, et encore.»

«Il me coachait une année sur deux, dit l'attaquant du Canadien. L'autre année, c'était mon frère. Tout ce que mon père voulait, c'est que je travaille quand j'étais sur la patinoire. Ça fait en sorte que je suis le joueur que je suis aujourd'hui.»

Quand Michel Therrien a annoncé à Michaël Bournival après sept matchs qu'il pouvait se trouver un logis dans la région métropolitaine, les parents du jeune homme ont été les premiers informés dans les instants qui ont suivi la grande nouvelle.

«Il nous en fait bien profiter, dit Jean Bournival. Il a insisté pour me donner les deux billets offerts par l'équipe. Quand ma femme ne veut pas venir au Centre Bell, j'invite des amis ou d'autres membres de la famille. L'autre jour, j'ai invité quelqu'un qui l'avait commandité depuis les rangs atomes. J'essaie de retourner l'ascenseur.»

Le Canadien a gagné plusieurs partisans dans la résidence pour personnes âgées où travaillent les parents de Michaël Bournival. «Il y en a qui ne regardaient jamais le hockey et qui le font désormais. Ils prennent des nouvelles régulièrement, et ça nous fait de bons sujets de conversation, dit le père. C'est le fun, car ça leur amène un champ d'intérêt supplémentaire. Un monsieur m'a amené à faire signer un chandail du Canadien que sa fille lui avait offert. Michaël est allé les visiter l'été dernier. Il y a 165 résidants, c'est un grand centre public.»

Le travail des Bournival leur permet de rester branchés sur la réalité quotidienne des gens ordinaires.

«On est terre à terre et on prend la vie au jour le jour. J'ai répété à Michaël, pendant le camp d'entraînement, de vivre une journée à la fois. Malgré tout, il aime se fixer des objectifs à long terme. En mai, quand l'homme qui fait sa déclaration de revenus lui a demandé son adresse à Hamilton, Michaël lui a répondu de l'envoyer chez ses parents parce qu'il risquait de ne plus vivre là-bas dans quelques mois. Son plan était tracé...»

Encore plus gros de l'intérieur

Jean Bournival n'oubliera jamais ce jour de novembre 2010 lorsqu'il a appris que le club qui avait repêché son fils, l'Avalanche du Colorado, l'échangeait au Canadien en retour de Ryan O'Byrne.

«J'ai alors réalisé à quel point c'était gros, le Canadien, quand on le vit de l'intérieur. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner et ils ont fait une conférence de presse à Shawinigan. Des journalistes sont même venus à mon travail. Quand je suis allé le voir à son premier camp, je regardais tous les noms des illustres joueurs de l'équipe et j'avais la gorge serrée. J'ai suivi la fin de la carrière de Maurice Richard, Jean Béliveau, Jacques Lemaire et Guy Lafleur, je n'arrivais pas à croire que mon fils allait peut-être faire partie de ce club-là!»

Michaël Bournival a-t-il sursauté quand il a ouvert la première enveloppe de son chèque de paie du Canadien?

«C'est beaucoup plus que l'an passé, c'est certain. Déjà, l'an dernier à Hamilton, c'était beaucoup plus que dans les rangs juniors. Mais le chèque, c'est une chose. Jouer pour le Canadien de Montréal, c'est un rêve de jeunesse, et chaque fois que je saute sur la patinoire du Centre Bell, c'est mon rêve qui se poursuit...»