L'émotion est telle, dans ce Forum de Montréal surchauffé de juin 1993, que les murs du vieil édifice en transpirent presque.

Du moins les colonnes vibrent-elles tellement la foule est bruyante...

Le Canadien détient une fragile avance de 2-1 en cette deuxième période du cinquième match de la finale contre les Kings de Los Angeles et la Coupe Stanley brille dans les coulisses; elle n'attend que d'être soulevée.

Il reste un peu plus de neuf minutes à jouer dans la période lorsque Mike Keane refile le disque à Stephan Lebeau, seul devant le gardien Kelly Hrudey.

Lebeau ramène la rondelle dans une position favorable avant de la glisser entre les jambières du gardien. Le Forum explose et il faudra plusieurs minutes avant de calmer la foule en liesse.

Il s'agira du but d'assurance et 29 minutes plus tard, les joueurs du Canadien soulèveront la dernière Coupe Stanley de leur histoire... du moins jusqu'à la prochaine!

Lebeau sera derrière le banc des Bulldogs de Hamilton ce soir au Centre Bell. Il a accepté le poste d'adjoint l'été dernier, à la suite d'une offre de son vieux copain et ancien coéquipier Sylvain Lefebvre.

Une occasion aussi pour cet ancien analyste à la télé de Radio-Canada de saluer brièvement ses proches, qu'il a laissés derrière lui à Shebrooke pour tenter l'aventure du coaching chez les professionnels.

«Je payerais très cher pour avoir la chance de retourner sur la glace, jouer ne serait-ce qu'un autre match de hockey, marquer un but et savourer une victoire...», a confié Lebeau la semaine dernière dans le corridor jouxtant le vestiaire des Bulldogs au Copps Coliseum, après le match de l'équipe.

«J'ai toujours dit que jouer, c'était le summum. Dans l'échelle du plaisir, se retrouver derrière un banc vient au deuxième rang et ensuite, c'est commenter les matchs à la télé, comme je l'ai fait pendant dix ans. C'est dur de remplacer la passion de jouer, mais de me retrouver ainsi avec les Bulldogs, c'est la façon de se rapprocher le plus de ce qu'on a vécu comme joueur.»

Responsable du jeu en supériorité numérique

Lebeau s'est imposé de grands sacrifices pour retrouver cette adrénaline.

«Je me suis toujours dit que j'attendrais que mon garçon de 13 ans quitte la maison pour faire le saut chez les professionnels, mais cette offre s'est présentée plus tôt et après consultation avec ma famille, on s'est dit que l'occasion était trop belle pour ne pas la saisir et on a opté pour le sacrifice familial. J'ai l'appui de ma femme et de mon fils.»

Parallèlement à son brillant travail d'analyste à la SRC, Lebeau a aussi été entraîneur en chef des Tigres de Victoriaville, dans la LHJMQ, et des Cantonniers de Magog, dans le midget AAA, et responsable du programme de hockey à Bishop's.

«Ma force, c'est la transmission du savoir, et le fait de travailler avec des jeunes m'a aidé à ce chapitre. J'essaie de guider le joueur sans trop essayer de contrôler son jeu, car je ne veux pas qu'il perde ses instincts. Il faut non seulement leur enseigner, mais aussi leur démontrer quels types de résultats ils obtiendront en appliquant nos conseils.»

Lebeau espère monter dans les rangs. «J'ai accepté le défi parce que je voulais montrer mes qualités d'homme de hockey à Sylvain et à l'organisation du Canadien.

«Présentement, je me vois dans différents rôles à long terme. Je peux aider l'organisation à différents niveaux. C'est la première fois que je suis adjoint et j'apprécie ça. Je ne ferme aucune porte. Tout le monde à Hamilton rêve à la LNH, les vétérans, les jeunes comme les coachs.»

Stephan Lebeau se charge du jeu en supériorité numérique et des attaquants.

«On ne va pas transformer un plombier en compteur de 50 buts, mais marquer, ça s'enseigne. Si un joueur passe de 10 buts à 15, c'est une victoire. Louis Leblanc, par exemple, a fait de grands progrès avec nous. Il avait tendance à trop s'éloigner du porteur de la rondelle et à jouer de façon linéaire. Son jeu était trop prévisible.»

Hamilton a une fiche de 7-7-0-3 et marqué 44 buts en 17 matchs, pour une moyenne de 2,58. La moyenne était de 2,09 l'an dernier. Si les Bulldogs pouvaient seulement en accorder un peu moins...