Si on jette un coup d'oeil trop rapide sur la feuille de route de Jimmy Howard, on a l'impression d'avoir affaire à un gardien de deuxième ordre. Après tout, on parle d'un type qui est devenu un joueur régulier dans la LNH un peu sur le tard, à 25 ans. On parle d'un type qui a fait des heures et des heures de bus entre Detroit et Grand Rapids, où est établie la filiale des Red Wings dans la Ligue américaine. Bref, on parle d'un gars qui a été un peu lent à s'imposer chez les grands.

Mais Jimmy Howard s'est mis à jouer. Il a récolté 37 victoires en 63 matchs à sa première saison dans le rôle du numéro un chez les Red Wings, en 2009-2010. Il a été choisi au sein de l'équipe d'étoiles des recrues cette année-là et il a pris part au match des Étoiles en 2011-2012.

Comment expliquer cette soudaine transformation?

«Il est constant chaque soir, répond Ken Holland, directeur général des Wings. Dans la Ligue américaine, il jouait pendant trois ou quatre matchs, puis connaissait un mauvais match. Il a gagné en maturité avec le temps et il nous donne une chance chaque soir. Ce que les gens ne savent pas, c'est à quel point il est compétitif, même lors des entraînements. Il ne veut rien laisser passer, il est toujours comme ça.»

Derrière son petit bureau au Joe Louis Arena, Ken Holland parle sans vraiment s'arrêter et agite les mains comme pour mettre des points d'exclamation aux mots importants. Aux murs, il y a des photos de quelques-uns des plus grands joueurs de l'histoire du club.

Holland ne peut évidemment prédire si Howard y aura un jour sa photo, mais il est clairement satisfait du chemin parcouru par celui qu'il a repêché avec le deuxième choix des Wings en 2003.

«Parce qu'il a passé quatre ans dans la Ligue américaine, je crois qu'il y avait cette perception avec Jimmy, ces gens qui croyaient qu'il n'allait jamais réussir parce qu'il a été trop longtemps dans les mineures. Mais ici, on prône la patience. Ce n'est pas dans la LNH qu'un joueur doit peaufiner son jeu. On l'a laissé dans la LAH peut-être une année de trop. On a gagné la Coupe en 2008, Dominik Hasek a pris sa retraite, et on lui a dit de patienter. Quand on a atteint la finale en 2009, il était notre troisième gardien...»

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Holland est un vieux renard - déjà à sa 16e saison dans cette chaise à Detroit - et il sait très bien que le représentant de La Presse sera tenté de faire un parallèle avec Carey Price. Howard et Price ont peu en commun, bien sûr: l'âge, le statut de «sauveur» donné à Price et pas à l'autre et, bien sûr, les attentes, qui ne sont pas les mêmes quand on est un cinquième choix au total comme l'a été le gardien du Canadien en 2005.

Mais Holland apporte tout de même une précision à ce petit jeu des comparaisons.

«Je crois qu'un gardien atteint son apogée à 29 ans... ou peut-être quelque part entre 26 ans et 32 ou 33 ans. Un gardien a besoin de kilométrage, si on veut, d'expérience dans cette ligue. J'ai du mal à parler de Carey Price, parce que chaque situation est différente. Il y a des joueurs qui ont besoin de quatre ans dans les mineures, d'autres qui peuvent jouer dans la LNH rapidement... Il n'y a pas de recette magique avec les gardiens. Mais le Canadien a fait un bon travail avec Price, et il est assurément dans la ligne de mire d'Équipe Canada en vue des prochains Jeux olympiques.»

Comme à Montréal, le DG des Wings trouve que le travail du gardien est souvent jugé de manière très sévère à Detroit.

«Ici, parmi les équipes sportives, personne n'est jugé aussi sévèrement que le quart-arrière des Lions et le gardien des Red Wings. Quand il y a un but, la lumière rouge s'allume, et tout le monde regarde le gardien. Il y a des gens qui ont cru qu'on gagnait grâce à nos joueurs de talent, mais qu'on perdait à cause de nos gardiens. J'ai toujours jugé le travail d'un gardien en me demandant s'il nous donne une chance de gagner. C'est tout. Maintenant, c'est Jimmy Howard qui nous donne une chance de gagner chaque soir.»

À ce chapitre, la patience des Wings est synonyme de succès. Des 10 meilleurs compteurs du club cette saison, un seul n'est pas un produit de l'organisation. Tous les autres, comme Howard, ont grandi au sein du club.

«Les joueurs qu'on repêche sont des gars qui, selon nos recruteurs, ont des chances d'atteindre la LNH, mais pas immédiatement en sortant des rangs juniors, ajoute Holland. Parce qu'on ne repêche jamais parmi les premiers, ce sont souvent des gars qui ont des choses à améliorer. On ne s'attend pas à ce que nos jeunes joueurs arrivent ici et fassent la différence dès le départ.»

De toute évidence, la méthode Holland fonctionne. Jimmy Howard en est la plus récente preuve.