La voix de Roberto Luongo est enjouée au bout du fil.

Non seulement le gardien, échangé mille fois en huit mois, est-il toujours avec les Canucks de Vancouver, mais il connaît une solide moitié de saison avec une fiche de 7-3-3, une moyenne de 2,42 et un taux d'arrêts de .905.

«Il y a une année en Floride où j'avais réussi deux blanchissages en début d'année et mon taux d'arrêts s'établissait à .933; je dirais mon début de saison actuel vient directement après celui-là», a-t-il confié à La Presse ce week-end avant d'accorder neuf buts en deux matchs et ainsi enlever un peu de lustre à ses brillantes statistiques.

Luongo a réussi le tour de force de garder sa concentration malgré toutes les rumeurs qui l'envoyaient tantôt à Toronto, tantôt en Floride.

«J'ai décidé de prendre ça à la légère et surtout d'arrêter d'y penser à tous les jours», dit-il.

Mais s'il a réussi à rebondir après d'affreuses séries éliminatoires qui lui ont coûté son poste de numéro un au printemps, c'est entre autres grâce à son travail acharné à l'entraînement pendant le lock-out avec son maître de toujours, François Allaire.

«On s'est entraînés quatre fois par semaine pendant huit semaines en Floride, dit Luongo. J'avais deux ou trois choses à corriger. Ç'a été vraiment bénéfique.»

Luongo était sur la glace chaque jour avec Allaire et un autre gardien de la LNH... Craig Anderson, des Sénateurs d'Ottawa. Avant de se blesser, Anderson, à la surprise générale, dominait outrageusement tous les gardiens de la LNH au chapitre du taux d'arrêts (.952) et de la moyenne (1,49).

«Tu viens de comprendre...», lance Luongo à la blague, en guise de compliment à Allaire.

Même si sa situation à Vancouver est meilleure, après que son entraîneur Alain Vigneault eut pourtant déclaré l'été dernier que Schneider était le nouveau gardien numéro un des Canucks, Luongo ne semble pas se faire d'illusions.

«Pour l'instant, je suis encore ici et l'avenir est difficile à prédire. Mais c'est sûr que Cory et moi, on veut jouer le plus souvent possible. On réussit quand même à garder une bonne relation et on se soutient. On veut aider les Canucks à gagner et on attend notre tour.»

On devine que le salaire de Luongo, qui touchera en moyenne 5,3 millions jusqu'en 2021 - on lui doit encore presque 53 millions -, le rend difficile à échanger. Beaucoup plus que sa clause de non-échange, du moins.

«Je ne contrôle pas grand-chose, car j'ai donné le feu vert au DG Mike Gillis de faire l'échange qu'il souhaite, confie Luongo. C'est sûr que je préférerais retourner dans l'Est, mais je suis ouvert à tout.»

Amer, Luongo, compte tenu du fait qu'il détient une quinzaine de records chez les Canucks, pourtant considéré comme un cimetière de gardiens?

«Comme je le répète, ça ne sert à rien de s'en faire avec ça. Il y a deux bons gardiens à Vancouver et ils doivent jouer.»

Avant l'affrontement contre le Wild du Minnesota hier, Luongo et Scheider avaient disputé chacun 14 matchs.

Le gardien de Saint-Léonard détient les records pour le plus de victoires en carrière à Vancouver (224), le plus de blanchissage (33) et le meilleur taux d'arrêts (.920).

Quatre records pour les performances en une seule saison lui appartiennent également: le plus de matchs disputés (76), le plus de victoires (47), le plus de blanchissages (9) et les minutes disputées (4496).

En séries, il mène également pour le nombre de matchs en un seul printemps (25), la moyenne (1,77) et le meilleur taux d'arrêts (.941), il détient la meilleure moyenne (2,53) et le taux d'arrêts (.916) de tous les temps, mais il détient également les records moins enviables du plus grand nombre de défaites en séries (10 en 2011) et de buts accordés (61, également en 2011).

Héros un jour...

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LUONGO, AU FIL DES ANS



10 janvier 2000: À sa première saison dans la LNH, Luongo accorde sept buts dans une défaite contre les Bruins de Boston. Le DG des Islanders de New York, Mike Milbury, sermonne publiquement son gardien recrue, révélant qu'il avait passé la journée du match à se chercher un appartement dans la Grosse pomme. «Allô? Ce n'est pas Val-d'Or ici [Luongo jouait pour les Foreurs, dans la LHJMQ]. C'est la LNH, et il faut être préparé», a notamment déclaré Milbury aux médias.

24 juin 2000: Les Islanders choisissent Rick DiPietro au tout premier rang du repêchage amateur, ce qui sonne du même coup le glas de Luongo à Long Island. Mike Milbury l'échange aux Panthers de la Floride en compagnie d'Olli Jokinen. En retour, les Islanders obtiennent les attaquants Mark Parrish et Oleg Kvasha. Luongo affirme avoir été surpris et déçu par la transaction, croyant qu'il était le gardien d'avenir de l'organisation. L'histoire montrera cependant que les Islanders se sont trompés sur toute la ligne.



2006: Luongo connaît ses meilleures années sous le soleil de la Floride. Il établit de nombreux records d'équipe, devenant entre autres le gardien le plus victorieux dans l'histoire des Panthers. Il est toutefois incapable d'amener son club en séries éliminatoires au cours de ses cinq saisons à Sunrise. Le 23 juin, alors qu'il est toujours sans contrat et sur le point de devenir joueur autonome, Luongo est échangé aux Canucks de Vancouver avec le défenseur Lukas Krajicek contre Todd Bertuzzi, Bryan Allen et Alex Auld.

2007: Les Canucks se mesurent aux Ducks d'Anaheim en finale de l'Association de l'Ouest. Durant la deuxième prolongation du septième match, Luongo estime que les Ducks devraient être punis à la suite d'un geste contre son coéquipier Jannik Hansen. Il quitte momentanément la rondelle des yeux pour se tourner vers l'arbitre. Il n'en fallait pas plus pour que Scott Niedermayer, posté à la ligne bleue, enfile le but qui allait propulser les Ducks en finale de la Coupe Stanley. Finale dont ils allaient sortir champions...

2009: Après avoir triomphé des Blues de St.Louis au premier tour des séries, les Canucks sont éliminés en six rencontres par les Blackhawks de Chicago. Luongo est vertement critiqué par les partisans et les médias pour sa performance lors du dernier match, au cours duquel il a accordé sept buts. Il admettra ses torts aux journalistes après la partie en déclarant avoir «laissé tomber [ses] coéquipiers».

Photo archives PC

Roberto Luongo est le gardien le plus victorieux de l'histoire des Panthers.

2011: Les Canucks et les Bruins de Boston s'affrontent en finale de la Coupe Stanley. Les Canucks remportent les deux premiers matchs, mais s'inclinent au troisième après que Luongo eut accordé huit buts. Les choses ne s'arrangent guère pour le gardien dans le quatrième match: il accorde quatre buts en 20 lancers et est retiré de la rencontre. Luongo revient en force le match suivant et blanchit les Bruins, mais il est de nouveau retiré du sixième match après avoir accordé trois buts en moins de trois minutes. Il en permet trois autres lors du septième match, dont un en désavantage numérique, et les Bruins se sauvent finalement avec les grands honneurs.

2012: Les Canucks affrontent les Kings de Los Angeles en première ronde des séries éliminatoires. Luongo subit la défaite lors des deux premiers matchs et est remplacé par son auxiliaire Cory Schneider pour le reste de la série. Les Kings l'emportent en cinq matchs avant de mettre la main sur la Coupe Stanley.

- Jean-Philippe Arcand

Photo archives Reuters

Roberto Luongo et les Canucks sont passés à une victoire de remporter la Coupe Stanley en 2011.