Non, Sheldon Souray n'est pas un gars de la Californie, mais de toute évidence, il sait bien s'adapter. Il arrive à l'aréna à bord d'un gros camion, lunettes fumées sur le bout du nez et sandales aux pieds. Comme s'il jouait ici depuis des années. «La situation idéale», résume-t-il d'un trait.

C'est le lock-out, les raisons de sourire ne sont pas si nombreuses, mais Souray ne s'en fait pas trop avec ça. En attendant que ça se règle, le défenseur passe son temps à patiner avec certains membres des Kings, en banlieue de Los Angeles. Il demeure dans le coin, pas trop loin de ses deux filles. C'est d'ailleurs la raison principale de son désir de poursuivre sa carrière ici, en Californie.

Sans oublier que son pote Saku Koivu est également un membre des Ducks d'Anaheim, sa nouvelle équipe.

«Je voulais me rapprocher de mes filles et je pense que Saku a moussé ma candidature auprès de la direction des Ducks, explique le vétéran de 36 ans, qui a signé un contrat de trois ans et 11 millions à Anaheim cet été. Je n'aurais pas pu demander mieux. En plus, je me joins à un bon coach et à une bonne équipe de vétérans. Et j'ai remarqué que je joue toujours mieux quand mes enfants ne sont pas trop loin.»

L'air relax de Souray fait un peu oublier que les dernières années ont été un brin difficiles pour lui. Il a dû quitter le Canadien à regret en 2007, après que le club eut choisi de garder ses sous pour Andrei Markov. Il a dit oui au gros contrat de 27 millions sur cinq ans offert par les Oilers d'Edmonton ensuite, mais les blessures et une solide chicane avec la direction l'ont mené à un séjour forcé d'un an dans la Ligue américaine. Il s'amène à Anaheim après une saison passée dans l'anonymat à Dallas.

«Je voulais un peu de stabilité, ajoute-t-il. Je me sens comme un jeune, j'ai des choses à prouver et j'ai encore la passion du jeu.»

Comme son ami Koivu, Souray avait lui aussi retenu une date bien précise quand la Ligue nationale a dévoilé son calendrier cet été: le 27 octobre, soir où les Ducks devaient s'amener au Centre Bell pour y affronter le Canadien.

C'est que Souray, cinq ans après son départ de Montréal, n'a toujours pas oublié la ville et ses partisans.

«Je dirais que c'est le Canadien qui m'a permis de devenir le joueur que je suis, lance-t-il sans hésiter. L'équipe m'a donné la chance de me faire valoir, ce que les Devils n'ont pas fait. Je vais vous le dire, j'adorais la pression de jouer à Montréal. J'adorais cette pression qui vient quand on enfile le maillot. J'adorais aller au Centre Bell et voir toutes les bannières au plafond; puis j'adorais aller au vestiaire et voir M. Béliveau passer devant nous. C'est prestigieux de jouer là-bas, ça me motivait et ça me poussait à tout donner.»

Souray jure qu'il ne voulait pas aller jouer ailleurs, mais qu'au bout du compte, il n'a pas eu le choix.

«J'étais joueur autonome en 2007 et (le directeur général) Bob Gainey a tenté de m'avoir à bas prix. Il m'offrait à peine plus que mon salaire du contrat précédent. Puis, je crois que c'était le 2 juillet, le Canadien m'a fait une offre, en me donnant 15 minutes pour l'accepter. Ils ont ensuite décidé de proposer un contrat à (Roman) Hamrlik, et ils ont accordé 5,75 millions par année à Markov. Je voulais rester, mais ce fut une décision d'affaires. Je comprends ça.»

Le défenseur rappelle combien il souhaitait gagner la Coupe Stanley à Montréal avec son ami Koivu. «C'est étrange de penser que Saku et moi, on doit aller en Californie pour tenter de gagner la Coupe... On voulait tellement la gagner à Montréal, ce serait drôle si on la gagnait ici!»

Pas de questions sur le lock-out

Mais il y a une chose qui ne semble pas trop manquer à Souray en ces temps difficiles où les guichets de la LNH sont fermés: les questions. Les discussions sur ce lock-out qui ne veut plus finir. Ici, sous les palmiers, personne ne lui parle de ça (sauf peut-être le journaliste de La Presse). S'il était à Montréal, ce serait bien différent. Il le sait.

«À Montréal, tout le monde voudrait me parler du lock-out, alors c'est bien d'être ici présentement, un peu à l'écart. Personne ne me parle de ça par ici. À Los Angeles, cette histoire-là passe inaperçue.»

Souray dit qu'il s'inquiète un peu moins cette fois-ci. «En 2004-05, nous n'étions pas si bien informés et la ligue nous a forcés à accepter une entente. C'est plus facile maintenant, nous sommes mieux préparés.»

Reste à voir combien de temps encore il voudra continuer. Il vient de dire oui à un contrat de trois ans. Ensuite? Mystère...

«On verra. La passion est encore là. Mais je ne pense pas que je vais jouer aussi longtemps que Chris Chelios...»

Photo: Robert Skinner, La Presse

Sheldon Souray s'est joint aux Ducks d'Anaheim pour se rapprocher de ses deux filles.