À moins d'un échange, le Canadien repêchera au troisième rang, demain soir à Pittsburgh. Un rang enviable, bien sûr. Mais l'histoire du club à la table de repêchage nous rappelle qu'il n'y a jamais rien de certain...

Au fil des ans, le Canadien s'est souvent trompé. Vous vous souvenez de Brent Bilodeau? Premier choix du club en 1991, le joueur n'a pas patiné une seule fois sur une glace de la Ligue nationale. Vous connaissez Matt Higgins? Le premier choix en 1996 n'a disputé que 57 matchs dans la LNH. Sans oublier Lindsay Vallis, l'élu de 1989 qui n'a joué qu'un seul match chez les professionnels.

Terry Ryan, Jason Ward et Éric Chouinard font aussi partie des premiers choix qui ont raté la cible. Le premier, sélectionné en 1995, n'a pris part qu'à huit matchs dans la LNH, ne récoltant aucun point. Le second, repêché en 1997, a tout de même participé à 336 matchs chez les professionnels, mais n'a jamais été à la hauteur des attentes du Canadien.

Chouinard, lui, sera toujours celui que la formation montréalaise a préféré à Simon Gagné, en 1998. «Chaque année, c'est inévitable, il y a quelqu'un dans les médias qui va parler de ça, relate l'attaquant qui joue en Allemagne depuis six ans. Chaque fois que le repêchage approche, c'est la même affaire.»

Non, les comparaisons avec Simon Gagné ne vont jamais cesser. Mais Éric Chouinard ne s'en fait pas avec ça.

«Je gagne très bien ma vie en Europe, et ça fait 13 ans que je joue au hockey professionnel. Mon rêve, c'était de jouer dans la LNH, et je l'ai fait. C'est sûr que j'aurais voulu que ça dure, mais en partant, j'avais deux prises contre moi. Simon s'est taillé une place avec les Flyers à 19 ans. Moi, à 19 ans, j'ai connu un mauvais camp, et j'ai été cédé à mon club junior. Quand ils ont congédié celui qui m'a repêché (Réjean Houle), je ne faisais plus partie des plans.»

Les attentes

En discutant avec Éric Chouinard, en regardant son parcours et celui de ceux mentionnés plus haut, on réalise combien la vie d'un premier choix n'est pas si facile. Il y a les attentes. La pression. Et il y a un calibre de jeu qui est différent, fort différent du niveau junior par exemple.

Jason Ward s'en souvient trop bien.

«Avec le Canadien, j'ai été incapable d'élever mon niveau de jeu, avoue-t-il sans hésiter. J'ai toujours pu le faire un peu partout, dans toutes les ligues, mais pas dans la LNH. Mon coup de patin ne m'a pas aidé non plus. J'étais tout le temps une fraction de seconde derrière les autres. Dans cette ligue-là, ça ne pardonne pas.»

Pas un raté

Oui, Terry Ryan joue encore au hockey. Il le fait dans son coin de pays, à Terre-Neuve, dans une ligue semi-professionnelle où on offre aux joueurs 300 $ par match. Des fois, les autres gars du circuit ne sont pas gentils avec lui. «Il y en a qui me traitent de raté (bust), mais j'ai toujours une bonne réplique pour eux», lance-t-il d'emblée.

À 35 ans, Terry Ryan complète son bac à l'Université Memorial de Terre-Neuve. Il est aussi travailleur social et termine un livre intitulé Tales Of A First Round Nothing qu'il espère pouvoir lancer avant la fin de l'année.

Amer, le gars? Pas du tout.

«Pourquoi je le serais? J'ai connu une carrière avec des hauts et des bas, mais j'ai eu mes 15 minutes de gloire avec le Canadien. Les gens peuvent dire que je suis un raté, mais je ne vois pas les choses de cette façon. Si j'avais pu éviter les blessures, le résultat aurait été différent.»

Ryan avait été choisi par le Canadien pour son jeu physique, mais c'est justement ce qui a fini par le couler. «J'ai subi une commotion cérébrale, et l'année suivante, j'ai été impliqué dans 34 bagarres dans la Ligue américaine. J'ai encore des migraines aujourd'hui.»

Terry Ryan le reconnaît: il n'avait peut-être pas la meilleure attitude. «J'avais le même agent que Wayne Gretzky et j'étais arrogant. J'ai choisi de ne pas me présenter à un camp d'entraînement du Canadien, et avec le recul, c'est clair que ce ne fut pas une bonne décision. Mais je suis fier de ce que j'ai accompli dans la Ligue américaine.»

Que deviendra le jeune homme que le Canadien va choisir au premier tour demain soir? Impossible de savoir. Terry Ryan, Jason Ward et Éric Chouinard devaient tous porter le maillot tricolore pendant de nombreuses années. Ce n'est pas ce qui est arrivé.

Au moins, les bons souvenirs restent.

«J'ai juste marqué un but avec le Canadien, mais je m'en souviens très bien, raconte Chouinard. C'était à Pittsburgh, on avait perdu 3-1, et Mario Lemieux avait marqué les trois buts des Penguins. Le pire, c'est que les arbitres m'ont refusé un but vers la fin. Sinon, on aurait pu dire Mario Lemieux 3, Éric Chouinard 2!»