À grands coups de manchettes aussi percutantes les unes que les autres, les journaux de New York et du New Jersey promettaient une guerre rangée pour le premier match de la série opposant les Devils aux Rangers.

Sur les ondes d'une radio locale c'était pire: on comparait la guerre de l'Hudson aux guerres de pouvoir opposant des familles mafieuses trônant sur la région depuis des décennies. On se demandait si le clan «Soprano's» associé au New Jersey allait avoir le dessus sur le clan «Corleone» associé à New York...

Comme quoi il n'y a pas qu'à Montréal et/ou à Québec à l'époque de la grande rivalité Canadien-Nordiques où le hockey des séries provoque des débordements...

«De la grosse boulechite», a d'ailleurs indiqué l'entraîneur-chef John Tortorella lorsqu'on lui a demandé lundi matin de qualifier cette escalade médiatique à l'aube du premier duel Devils-Rangers en finale de l'Est depuis celui de 1994.

Histoire de rassurer tout le monde, de guerre rangée il n'y a pas eue au Madison Square Garden lundi soir.

Il n'y a pas eu non plus de guerre de clans mafieux. Du moins, pas à ce que je sache!

La seule guerre qui s'est déroulée sur la patinoire est une lente guerre d'usure qui a marqué les deux premières périodes du premier match de la finale de l'Est. Une guerre d'usure dont les Blueshirts sont sortis gagnants fort d'une victoire de 3-0 pour ainsi prendre les devants 1-0 dans la série.

> Le sommaire du match

Après deux périodes outrageusement dominées par le jeu défensif imposé par les deux équipes, deux périodes au cours desquelles personne n'a marqué, les Rangers dénoué l'impasse après 53 secondes de jeu au dernier tiers.

Dan Girardi, avec un puissant tir frappé de la pointe, a donné les devants aux Rangers. Malgré la grande qualité du tir de l'as défenseur des Rangers, le gros du travail sur ce but a été accompli par Chris Kreider et Derek Stepan.

Rapide et efficace en échec-avant, Kreider a dévancé les défenseurs des Devils pour récupérer une rondelle tirée dans le fond du territoire du New Jersey. Il l'a aussitôt remis à la pointe d'où Girardi a décoché un tir frappé sur réception. «J'ai remarqué un peu d'hésitation dans le camp des Devils alors que des changements se déroulaient au banc. J'en ai profité pour foncer et quand j'ai entendu Dan (Girardi) réclamer la rondelle, je me suis assuré de bien la lui remettre», racontait l'attaquant recru qui a récolté sa deuxième passe des séries sur le jeu.

Derek Stepan a également contribué au but en voilant la vue de Martin Brodeur.

Tranquilles jusque-là, il faut dire que les deux équipes ne leur avaient pas donné beaucoup d'occasions de célébrer, les partisans des Rangers se sont alors animés. Leurs favoris aussi. Les Blueshirts ont accentué la cadence et menacé le filet défendu par Brodeur.

Le gardien québécois a gardé son équipe dans le match en plongeant sur sa droite pour capter une rondelle tirée par Marc Staal qui croyait marquer dans un filet désert. Le défenseur des Rangers a d'ailleurs troqué de rôle avec les journalistes qui l'entouraient puisqu'il demandait à tous ceux qui pouvaient l'éclairer comment diable Martin Brodeur s'y était pris pour effectuer l'arrêt.

Ce miracle de Brodeur n'a toutefois pas suffi. Car avec huit minutes à faire au dernier tiers, le gardien québécois a été déjoué par un tir de la recrue Chris Kreider dont c'était le 3e but ce printemps.

Artem Anisimov a scellé l'issue du match en marquant dans un filet désert.

«Nous avons disputé du très bon hockey au cours des 40 premières minutes de jeu. Nous avons eu de bonnes occasions, mais nous avons été incapables de marquer», a lancé le capitaine des Devils Zach Parise qui a obtenu cinq des 21 tirs de son équipe, mais qui a terminé sa soirée avec un différentiel de -2.

«Les Rangers forment une très bonne équipe. On s'attendait à ce genre de match de leur part. Le problème est que leur premier but nous a déstabilisés. On a perdu notre concentration et nous avons ouvert le jeu ce qui leur a facilité la tâche», a indiqué Dainius Zubrus.

«Ce n'est qu'un match. On s'attendait à une longue série et notre objectif demeure le même. Gagner une des deux premières parties ici. On aura l'occasion de le faire mercredi. Et si nous jouons aussi bien que nous l'avons fait lors des deux premières périodes, nos chances seront bonnes», a conclu l'ancien attaquant du Canadien.

Pour marquer, les Devils devront trouver le moyen de percer la défensive des Rangers d'abord et le gardien Henrik Lundqvist ensuite.

Fort d'une soirée de 21 arrêts, le gardien suédois a signé sa 15e victoire des séries, sa deuxième par jeu blanc ce printemps et sa cinquième par blanchissage en carrière en séries.

«Après avoir gagné les deux premières séries en sept parties, il était important de gagner la première ce soir. De retrouver notre niveau d'émotions et d'intensité», a indiqué Lundqvist après sa 26e victoire en 42 matchs en carrière contre les Devils (26-11-5).

Bien qu'il ait réalisé plusieurs bons arrêts en dépit du faible nombre de tirs des Devils, Lundqvist a aussi profité de l'appui inconditionnel de ses coéquipiers qui ont bloqué 26 tirs.

À ce titre, les défenseurs des Rangers ont été sensationnels. En plus de marquer le but de la victoire, Dan Girardi a bloqué cinq tirs des Devils. Marc Staal en a fait de même. Anton Stralman et Ryan McDonagh en ont stoppé trois chacun.

McDonagh s'est aussi, et surtout, illustré en première période avec deux replis défensifs qui ont soulevé la foule et privé les Devils de deux bonnes occasions de marquer. L'ancien premier choix du Canadien (12e sélection en 2009) a une fois encore donné un bel aperçu de sa vitesse alors qu'il a rejoint des joueurs des Devils qui autrement auraient profité d'échappées. Sur son deuxième repli, McDonagh s'est permis de rejoindre et de neutraliser nul autre qu'Ilya Kovalchuk, l'un des plus rapides patineurs de la LNH.

Rien de moins...

Les deux équipes se croiseront à nouveau mercredi (20h) au Madison Square Garden. Les Rangers tenteront alors de réaliser ce qu'ils n'ont pas été en mesure de faire contre les Sénateurs d'Ottawa en première ronde et les Capitals de Washington en deuxième: profiter de l'avantage de la patinoire pour gagner les deux premiers matchs d'une série.

À ce titre, John Tortorella s'est insurgé contre les remarques lancées à l'endroit de son club, remarques selon lesquelles les Rangers partaient désavantagés en raison du fait que les deux premières séries se sont rendues à la limite des sept matchs.

«Nous comptons sur une équipe et des joueurs qui sont prêts à jouer au hockey. S'ils sont fatigués, il y a un problème, car nous avons encore un gros mois de hockey devant nous. Ce niveau de fatigue et les statistiques selon lesquelles nos chances de gagner sont minces semblent vous préoccuper. Je vous invite à éviter ce genre de questions, car elles n'ont rien à voir avec notre équipe. Notre équipe est prête à jouer», a tranché l'entraîneur-chef des Rangers.

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Entre les lignes

Seul défenseur régulier des Rangers - Stu Bickel n'a effectué que cinq présences - à ne pas avoir bloqué de tirs des Devils, Michael Del Zotto a connu une bonne soirée à l'attaque. En plus de récolter une passe sur le but de la victoire de Dan Girardi, Del Zotto a été le meilleur joueur des deux camps avec six tirs cadrés.

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Non seulement les joueurs des Rangers ont gagné la bataille des tirs bloqués (26-15), ils ont aussi gagné celle des coups d'épaule avec 35 mises en échec contre 21 pour les Devils.

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Bien qu'il ait encaissé la défaite, Martin Brodeur a repoussé 25 des 27 tirs des Rangers.

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Après trois attaques massives anémiques au cours des deux premières périodes, les Rangers ont finalement profité de l'absence du Québécois Steve Bernier - chassé pour avoir donné de la bande - pour inscrire leur deuxième but. Les Devils ont été très amorphes se contentant de quatre tirs en quatre attaques massives.

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Les Rangers présentent une fiche de 32 séries gagnées et de 11 seulement de perdues lorsqu'ils remportent le premier match.

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Le différentiel de trois buts et le plus large dont les Rangers ont profité dans un match de séries ce printemps. Onze des 15 matchs des Rangers jusqu'ici se sont décidés par un seul but. Quatre se sont décidés en prolongation.

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Les Rangers ont aussi gagné la bataille des mises en jeu remportant 36 des 61 duels. Brad Richards (14 en 21 pour une efficacité de 67%) a été, et de loin, le meilleur des deux camps à ce chapitre.