En mars 2011, la LNH a mis en place un protocole spécial visant à réduire le nombre de commotions cérébrales sur ses patinoires. Mais un an plus tard, plusieurs équipes y adhèrent plus ou moins... dont le Canadien.

Tomas Kaberle n'aime pas revenir sur le sujet, mais il confirme quand même: oui, il a bel et bien subi une commotion cérébrale lors d'un match présenté à Vancouver, le 10 mars. C'est arrivé en deuxième période.

«J'en ai eu une il y a cinq ans, alors je sais ce que c'est, dit le défenseur du Canadien. Ce soir-là à Vancouver, environ cinq secondes après le coup, je suis rentré au banc, et selon moi, il n'y avait rien de grave. J'ai parlé aux soigneurs, et on a conclu qu'il n'y avait rien de spécial à faire. Alors, j'ai pu continuer.»

C'est seulement deux soirs plus tard, lors d'un match à Buffalo, que Kaberle s'est rendu compte que ça n'allait pas du tout. «Je n'étais pas capable de garder ma concentration», admet-il aujourd'hui. Il a dû rater les 10 rencontres suivantes.

Dans la LNH, le cas de Kaberle n'est pas unique. Cette histoire nous rappelle aussi que le protocole sur les commotions cérébrales, mis en place il y a un an par les directeurs généraux de la LNH, comporte des failles.

Pour régler (en partie, du moins) l'épidémie des commotions cérébrales, les DG de la ligue ont trouvé leur solution il y a un an. Le plan, en gros, était le suivant: tout joueur victime d'un coup à la tête allait être immédiatement retiré du match, puis mis à l'écart avec un médecin dans une pièce fermée, pour une période de 15 minutes.

«Une pause de 15 minutes, c'est le minimum, estime Dave Ellemberg, professeur au département de kinésiologie de l'Université de Montréal. Même le fait de poser des questions à un joueur a peu de validité. Les joueurs ne sont pas toujours fiables dans un environnement compétitif comme ça, et dans 25% des cas, les symptômes apparaissent seulement deux ou trois jours après l'incident.»

Dans les faits, les équipes demandent très rarement aux joueurs blessés à la tête de se mettre en retrait pendant 15 minutes. Chez le Canadien, Kaberle, Mathieu Darche, Travis Moen et Ryan White ont tous subi ces derniers mois des commotions cérébrales au cours d'un match. Les quatre hommes ont pu poursuivre la rencontre sans problème.

La direction du Canadien n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse à ce sujet. «On suit le protocole de la LNH à la lettre», s'est limité à dire Donald Beauchamp, vice-président principal des communications de l'équipe.

«J'ai vu des étoiles...»

Dans le cas de Darche, c'est arrivé le 13 février au Centre Bell, en première période d'un match contre les Hurricanes de la Caroline. L'attaquant québécois a pris part aux quatre rencontres suivantes avant de mettre un terme à sa saison.

«J'ai vu des étoiles en rentrant au banc, dit-il. Mais j'ai fini le match, et j'ai joué le suivant contre Boston sans problème. Je n'ai rien dit à l'équipe avant la fin du match contre les Devils, une semaine plus tard.»

Ryan White, victime d'une commotion cérébrale lors d'une bagarre avec le défenseur Erik Gudbranson, des Panthers de la Floride, le 27 mars à Montréal, n'a rien dit lui non plus.

«C'est arrivé au dernier coup de poing, alors que j'étais en train de chuter, raconte-t-il. Je suis allé dans la pièce des soigneurs, et je leur ai dit que je me sentais bien. J'ai fait quatre ou cinq présences après ça. Quelques jours plus tard, je ne me sentais pas très bien.»

Travis Moen, lui, a subi une commotion cérébrale sur une mise en échec de Mike Komisarek à Toronto, le 21 janvier. Lui aussi croyait que ce n'était rien de sérieux. «C'est arrivé en deuxième période et j'ai continué quand même, se souvient-il. Je me sentais bien. Le lendemain, j'avais quelques maux de tête. J'ai essayé de revenir au jeu quelques matchs plus tard, mais je n'arrivais pas à garder ma concentration.»

Comme ses coéquipiers, Moen n'a rien dit de particulier aux soigneurs du club après le coup encaissé. «Ça revient aux joueurs», ajoute-t-il.

De toute évidence, la pause de 15 minutes proposée par la ligue après un coup à la tête ne fait pas partie des habitudes. Le public montréalais se souvient sans doute du défenseur Kristopher Letang, des Penguins de Pittsburgh, qui s'est permis le but gagnant au Centre Bell le 26 novembre, après avoir encaissé un coup à la tête signé Max Pacioretty. Letang a ensuite dû patienter jusqu'au 19 janvier avant de revenir au jeu.

Mais les joueurs du Canadien, dont Mathieu Darche, refusent catégoriquement de rendre coupable la direction montréalaise de leurs ennuis de santé.

«Si on ne dit rien, l'équipe ne peut rien faire, conclut Darche. La responsabilité appartient aux joueurs. Ça allait bien pour moi à ce moment-là, je voulais jouer. Ce n'était pas la première fois que je jouais en me sentant dans une forme moyenne. C'est un risque qu'on prend, on le sait. Jamais je ne vais blâmer la direction du club pour ça.»