À Metulla, les enfants sont israéliens. À Majdal Shams, ils s'identifient comme des Syriens. Malgré les conflits, les jeunes de chaque communauté se rassemblent autour d'une passion rare au Moyen-Orient: le hockey.

Metulla, Israël Une douzaine d'enfants s'entraînent sur la glace du Canada Center de Metulla, village israélien à quelques kilomètres du Liban. Sur la patinoire, ils forment une équipe. À l'extérieur, ils vivent dans des communautés séparées par les conflits.

Les uns sont israéliens, juifs et parlent hébreu. Les autres s'expriment en arabe et sont originaires du village de Majdal Shams, dans le Golan. Dans ce territoire disputé entre la Syrie et Israël, qui l'a annexé en 1981 dans un geste non reconnu, l'appartenance syrienne reste forte. De nationalité officiellement indéterminée, les villageois sont communément appelés druzes, du nom de leur religion.

La plupart des enfants n'avait jamais eu de contacts avec des jeunes de l'autre communauté avant la création, il y a deux ans, de l'école de hockey Canada-Israël, qui a vu le jour grâce à l'idée d'un agriculteur de la région, Levav Weinberg, et du soutien financier du Canadien Sidney Greenberg, vice-président d'Astral.

«Avant, je ne connaissais pas de druzes, dit Dotan Tubal, un attaquant de 13 ans. Maintenant, j'ai quatre ou cinq amis qui sont druzes et ce n'est pas étrange pour moi.»

Tisser des liens

Bâton à la main, visière sur les yeux, jerseys aux couleurs de différentes équipes de la LNH, les jeunes sont à des lieues des conflits politiques. Ils se concentrent sur une seule chose: le hockey.

Au début du mois, l'école a envoyé 28 jeunes joueurs à Ottawa et à Toronto pour deux semaines. Ils ont visité le Temple de la renommée, rencontré le premier ministre Stephen Harper et son homologue israélien, en visite au pays, et joué au hockey. Cinq jeunes de Majdal Shams, dont deux filles, faisaient partie du voyage. Certains ont insisté pour être hébergés avec des camarades israéliens plutôt qu'avec des jeunes de leur village.

Si les liens sont de plus en plus étroits entre les joueurs, ils ont été longs à tisser, particulièrement à l'extérieur de la patinoire. Leur récent voyage, sans parents, a permis aux jeunes de s'ouvrir davantage, croit Levav Weinberg. «Il y avait des enfants israéliens qui jouaient avec des enfants druzes depuis un an et demi et ils n'étaient pas amis sur Facebook, illustre-t-il. Après le voyage au Canada, j'ai vu qu'ils étaient tous amis sur le site. On voit un contact qui commence à se créer.»

Bâtir leur assurance

Les enfants des deux communautés apprennent d'abord les rudiments du hockey séparément, pour «bâtir leur assurance» et contourner la barrière de la langue. Ils sont ensuite intégrés à une équipe, selon leur groupe d'âge. L'école compte maintenant 320 jeunes - 200 Israéliens et 120 jeunes de Majdal Shams. Convaincre les parents d'inscrire leurs enfants à un sport méconnu et jugé dangereux n'a pas toujours été facile.

Les filles restent rares, mais semblent tout aussi passionnées de hockey que leurs coéquipiers, tant sur la glace que derrière un écran d'ordinateur à visionner des parties. Même si elle ne connaissait rien aux bâtons et aux rondelles avant son inscription il y a deux ans, Bisan Maree dit «aimer tout ce qui concerne le hockey». Assise dans sa maison de Majdal Shams, la brunette de 13 ans montre les casquettes ramenées de son récent voyage en Ontario. «C'est un peu difficile quand on est une fille, dit l'attaquante en souriant. Parfois, quand il y a un accident avec un autre joueur, j'ai peur de me faire pousser. Mais je préfère vraiment le hockey aux autres sports.»

Village libanais

L'an dernier, une soixantaine d'enfants d'un village libanais, dont l'accès est contrôlé par Israël, ont eux aussi commencé à jouer au hockey, gratuitement. Un permis leur a été accordé spécifiquement pour l'activité. «Le village de Ghajar est à 15 minutes de voiture, mais avec le point de contrôle, ça pouvait prendre une heure pour se rendre à Metulla, dit M. Weinberg, qui se décrit comme un «accro» du hockey. Les familles ont abandonné. Elles n'ont pas dit pourquoi, mais je crois qu'il y a des raisons politiques là-dessous. J'espère qu'elles vont revenir l'an prochain.»

L'idée principale derrière l'école de hockey était de développer la culture de ce sport en Israël tout en formant un pont entre les communautés. Levav Weinberg souhaite maintenant que des enfants d'autres villages du Golan s'inscrivent à l'école de hockey. Pour l'instant, seul le maire de Majdal Shams, passionné de sports, a accepté de payer les frais de transport pour se rendre à Metulla, situé à une vingtaine de kilomètres de distance dans cette région montagneuse. Grâce aux subventions, l'école fournit l'équipement complet pour tous les enfants et demande moins de 5$ par séance d'entraînement, mais ne peut assurer le transport.

Sidney Greenberg espère exporter davantage le goût du hockey dans d'autres villes israéliennes et travaille avec un groupe pour la construction d'un nouvel aréna ailleurs au pays. «Je crois que c'est très important d'apprendre aux enfants arabes et israéliens à jouer ensemble, précise M. Greenberg dans une entrevue téléphonique. Je suis soucieux de les voir jouer ensemble au hockey plutôt que de se lancer des roches.»