À sa première saison dans la Ligue nationale, Erik Karlsson a été hébergé par Daniel Alfredsson, son vénérable compatriote suédois.

« Ça a été bon pour nous deux, raconte le capitaine des Sénateurs. J'ai eu de l'aide avec les enfants et lui a pu avoir des repas préparés maison ! »

Deux ans ont passé depuis, et Alfredsson a vu se développer un défenseur impressionnant et dominant.

« Ça a toujours été un joueur qui m'apparaissait mature, explique Alfredsson. Il voyage beaucoup depuis qu'il a 16 ans et il sait comment se comporter. »

Pendant que le vieux Alfie discute avec les journalistes, le freluquet Karlsson, cheveux longs et traits émaciés, boit un café dans le vestiaire en parlant risotto avec un journaliste.

Quelques minutes plus tôt, le défenseur de 22 ans n'avait pu faire autrement que d'admettre l'excellente tournure des événements.

« Les victoires et les nombreux buts qu'on a marqués m'ont favorisé, soutient celui qui fut le premier choix des Sénateurs en 2008. J'ai été en mesure de refiler la rondelle à des gars comme Alfie, Milan Michalek et Jason Spezza. C'est clair que ça aide ! »

Karlsson, qui en est à sa troisième saison dans la ligue, avait récolté 18 buts et 69 points en 69 matchs avant d'affronter le Canadien, mercredi. C'est déjà 24 points de plus que son total de l'an dernier.

Son prochain but lui permettra d'égaler le record d'équipe pour un défenseur, établi par Steve Duchesne en 1996-97.

« Erik a évolué en tant que joueur et il gère très bien l'attention et les compliments qu'il reçoit, soutient Alfie. Il tire son épingle du jeu même s'il est un joueur marqué à tous les soirs.

« À égalité numérique, il excelle à se débarrasser des deux premiers joueurs en échec-avant. Notre travail est de nous démarquer et d'aller plus loin sur la patinoire. Cela ouvre énormément le jeu.

« Et sur l'attaque à cinq, il affiche beaucoup de calme, ajoute Alfredsson. Il n'a pas le lancer le plus puissant, mais il excelle à tirer au moment où la rondelle ne sera pas bloquée et qu'elle atteindra le filet. »

« Une saison digne du trophée Norris »

L'entraîneur-chef Paul MacLean a procédé à tout un renversement de situation en prenant la barre des Sénateurs. Karlsson en a d'autant plus bénéficié que MacLean lui accorde de la liberté d'action à l'attaque.

« Il a une saison digne d'un gagnant du trophée Norris, souligne MacLean. Mais le plus frappant chez lui, c'est sa volonté d'apprendre. »

Si la saison prenait fin aujourd'hui, Karlsson deviendrait le premier défenseur depuis Paul Coffey, lors de la saison écourtée de 1994-95, à terminer parmi les dix premiers marqueurs de la LNH.

Karlsson devance Dennis Wideman, des Capitals de Washington, par 25 points chez les défenseurs de la ligue.

Mais, comme dans le cas de Coffey, les carences défensives soulèvent des doutes quant à sa candidature pour le Norris. C'est que Karlsson n'est pas reconnu comme le défenseur le plus fiable dans sa zone.

Or, selon ce qu'expliquait l'ex-DG des Flames de Calgary Craig Button lors d'une entrevue au USA Today, les autres équipes craignent tellement le jeu de transition de Karlsson qu'elles attaquent un peu plus sur la pointe des pieds.

C'est là, dit Button, une façon comme une autre de bien défendre sa zone.

Selon les statistiques officielles, Karlsson provoque autant de revirements que l'an dernier. Mais tout le monde est unanime chez les Sénateurs à l'effet que son jeu défensif s'est responsabilisé. Il a bien fallu que quelque chose se produise pour qu'il passe de -30 à +15 !

« Il a appris que ses coéquipiers peuvent l'aider et qu'il n'a pas à tout faire seul, rappelle Paul MacLean.

« Il défend sa zone différemment d'un Chara ou d'un Lidstrom, mais il est toujours confronté au meilleur trio adverse. Le fait qu'il soit +15 en dépit de cela montre que c'est un défenseur fiable. »

À 22 ans, Karlsson pourrait devenir le plus jeune joueur depuis Bobby Orr, en 1968, à remporter le trophée Norris.