Alors que les recherches scientifiques révèlent chaque mois de nouvelles données sur le lien entre les commotions cérébrales et certaines maladies dégénératives du cerveau, un nombre important de spécialistes et de dirigeants associés à la LNH ont récemment exprimé leur scepticisme sur la portée réelle de ces études.

Rappelons que le Dr Ann McKee et son équipe du Centre de recherche sur l'encéphalopathie traumatique chronique (CSCTE), attachée à Boston University, ont identifié la présence de cette maladie dans le cerveau d'un grand nombre d'athlètes professionnels décédés, notamment ceux de Reggie Fleming, Bob Probert et Richard Martin, trois anciens joueurs de la LNH.

Deux autres codirecteurs du Centre, le Dr Robert Cantu et Chris Nowinski, ont suggéré récemment un lien possible entre le décès récent de trois bagarreurs - Derek Boogaard, Rick Rypien et Wade Belak - et les blessures qu'ils ont subies à la tête pendant leur carrière. Le cerveau de Boogaard a d'ailleurs été remis au Centre et on attend les résultats des analyses.

Le Dr Ruben Echemendia, neuropsychologue responsable du comité LNH/AJLMH sur les commotions, a toutefois insisté récemment dans une entrevue à la CBC sur la nécessité de ne pas exagérer la portée des découvertes du CSCTE: «Nous ne savons pas encore ce qui cause l'ETC et c'est prématuré d'établir un lien direct entre les commotions et cette maladie», a-t-il averti.

Le Dr Mark Aubry, médecin-chef de la Fédération internationale du hockey sur glace et de Hockey Canada, a pour sa part estimé en novembre dernier à Montréal que les résultats des recherches étaient encore «très préliminaires», et qu'il convenait de ne pas généraliser les risques de développer l'ETC si l'on joue au hockey.

Le neurochirurgien torontois Charles Tator, spécialiste des blessures et des maladies du cerveau, oeuvre depuis plusieurs années au Canada pour mieux protéger les sportifs, surtout les jeunes. Collaborateur du Dr McKee, il a répliqué aux critiques et aux sceptiques, vendredi dernier, en entrevue téléphonique.

«Cela ne donne absolument rien de nier le problème, a-t-il d'abord insisté. Nous n'en sommes encore qu'au début des recherches sur l'ETC en relation avec des sports comme le football ou le hockey, ne l'oublions pas. C'est vrai que l'équipe de Boston University doit travailler avec un échantillonnage limité, mais les résultats sont néanmoins très significatifs.

«Nous avons nous-mêmes commencé des recherches similaires à Toronto, a poursuivi le Dr Tator. Nous avons déjà reçu les cerveaux de six anciens joueurs de la LCF et annoncé un peu plus tôt cette année que nous avions trouvé les traces de l'ETC chez deux des quatre que nous avons étudiés. Nous devrions avoir les résultats des deux autres analyses bientôt.

«C'est vrai que nous ne savons pas encore avec certitude ce qui cause l'ETC, a reconnu le Dr Tator. C'est aussi vrai que nous ne pouvons dire à partir de combien de commotions cela devient plus dangereux en ce qui a trait aux conséquences à long terme...

«Mais plus personne ne peut nier le lien entre les commotions subies par les athlètes et les maladies diagnostiquées dans les cerveaux qui nous ont été légués par les familles de ces athlètes. Nous n'en saurons davantage qu'en poursuivant les recherches et en poussant encore plus loin les efforts des équipes comme celles du Dr McKee à Boston.»

Le spécialiste torontois a d'ailleurs insisté sur l'importance d'obtenir des familles des athlètes décédés qu'elles lèguent leur cerveau aux scientifiques. «C'est en multipliant les recherches, en diversifiant les efforts - à Boston, à Toronto et ailleurs - que nous pourrons en savoir davantage.»

Les dirigeants du hockey n'ont d'ailleurs pas tous la même attitude «défensive» en rapport avec les recherches en cours. Brendan Shanahan, le responsable de sécurité des joueurs dans la LNH, lui-même un ancien joueur réputé pour sa rudesse, a récemment rencontré l'équipe du CSCTE à Boston.

Son père Donal est décédé en 1990 de la maladie d'Alzheimer et Shanahan est familier avec les ravages créés par la dégénérescence du cerveau. «Nous devons certainement écouter ceux qui tentent d'en apprendre davantage sur le cerveau et ses maladies», a indiqué Shanahan à Yahoo Sports, à la suite de sa visite.

«Je ne sais pas si les joueurs de la LNH comprennent bien ce qu'est l'ETC, mais je constate qu'ils sont plus sensibles aux risques et aux conséquences des blessures à la tête.»

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Les anciens athlètes (ou leurs proches) désireux de léguer leur cerveau à la recherche sur l'ETC peuvent s'informer à www.donateyourbrain.ca