Au tournoi de golf du Canadien, il y a trois semaines, des journalistes avaient demandé à P.K. Subban s'il se sentait plus mûr cette année.

«Je ne pense pas qu'on puisse prendre de la maturité en quelques mois», avait-il répondu.

Il ne fallait pas s'attendre à ce que Subban ait le recul nécessaire pour assurer qu'il avait gagné en maturité. Mais la question était pertinente. Car un P.K. Subban en meilleur contrôle de ses énergies et de ses émotions, plus apte à orienter son immense talent, aura un impact inestimable sur la saison du Canadien, qui s'amorce ce soir à Toronto.

Son ami Carey Price a déjà démontré qu'on pouvait gagner en maturité en peu de temps. Pendant les séries de 2010, contraint à regarder Jaroslav Halak exceller à sa place, un coéquipier avait dit de Price qu'il «venait de devenir un homme».

Il y a des événements qui forgent le caractère des athlètes et leur apportent un bagage d'expérience inestimable. Se pourrait-il que le voyage qu'a effectué Subban à Haïti, cet été, ait éveillé des choses en lui?

À vous de juger.

Beauté et désolation

C'est Georges Laraque qui, sous les auspices de Vision Mondiale et de l'Association des joueurs de la LNH, a invité Subban à se rendre en Haïti au mois de juillet pour rendre compte de ce que les dons du programme «Hockey pour Haïti» de l'AJLNH avaient permis de faire.

«Je n'avais jamais été dans un pays en voie de développement avant cela, explique le jeune défenseur. De constater par moi-même les conditions de vie là-bas, ça a changé ma vie. On passe notre vie les yeux bandés, en Amérique du Nord, si l'on pense que tout le monde a le même train de vie que nous.

«Lorsqu'on se met à voyager, on réalise que certains sont loin d'être aussi privilégiés.»

Subban a d'abord été frappé par la beauté du pays, par le caractère pittoresque des montagnes et des paysages. Mais il a vite déchanté devant la désolation d'un pays, déjà hypothéqué par la misère, qui se relève péniblement du tremblement de terre de janvier 2010.

«Le pays éprouve des difficultés et les gens ont besoin d'aide», insiste Subban.

Des sourires

Durant leur court séjour là-bas, Subban et Laraque ont vu des zones dévastées et ils ont entre autres visité un hôpital pour enfants qui avait été reconstruit. Mais ce qui a le plus marqué Subban, au milieu du délabrement de Port-au-Prince, c'est la vivacité des enfants.

«Tous les enfants sont pareils: peu importe d'où ils proviennent, ils veulent tous profiter de la vie et avoir du plaisir, rappelle Subban. Leur mettre un sourire au visage et les regarder jouer au hockey a été le fait marquant de mon voyage là-bas. Ces images-là vont me suivre toute ma vie.

«J'ai vu des images négatives, mais je préfère retenir les plus positives parce qu'il y a en a eu beaucoup dans ce voyage. Le regard d'un enfant en particulier m'a marqué. J'ai gardé son numéro de téléphone et une adresse courriel où je pouvais le rejoindre. Nous allons rester en contact.»

«Je sais que je suis privilégié»

Ce serait présomptueux d'affirmer qu'une visite éclair en Haïti a transformé Subban.

Au camp d'entraînement, on a retrouvé le même arrière fougueux à l'énergie débordante et qui parfois se prend au collet de ses coéquipiers.

Mais qui sait si, au détour de la saison, un coéquipier ne constatera pas, cette fois au sujet de Subban, qu'il est devenu un homme?

«Quand on est plus jeune, on est facilement influençable parce qu'on n'a pas le même bagage d'expérience ou la même sagesse, convient-il. Mais quand on peut acquérir cette expérience et l'assimiler, ça jette un tout nouvel éclairage sur notre vie. On se met à tout voir d'un oeil différent.

«Je sais que je suis privilégié d'aller travailler tous les jours en jouant au hockey. J'adore chaque moment. Et mes mauvaises journées n'ont rien à voir avec ce que d'autres personnes peuvent traverser. Car je me lève avec de la nourriture sur la table, des vêtements sur moi, et je gagne ma vie en faisant quelque chose que j'aime.»

Prêt à en prendre plus

Subban a l'exubérance de la jeunesse. Mais s'il n'a pas l'intention de perdre sa fougue, on sent qu'il n'a pas le goût d'être considéré comme un jeune encore longtemps.

«Je sais que je suis jeune, mais j'ai des responsabilités, dit-il. Et à mesure que je vieillis, je dois m'attendre à m'en faire confier davantage. Peut-être que d'autres joueurs de 22 ans préfèrent attendre, mais moi, je les veux ces responsabilités. J'ai faim. Je veux en prendre autant que j'en suis capable.

«Je veux être celui sur lequel mes coéquipiers pourront se fier dans les moments cruciaux, vers qui ils pourront se tourner et qu'ils pourront suivre.

«Je suis encore très jeune et j'en ai beaucoup à apprendre, mais je sais que j'ai cette aptitude-là.»

Le Canadien sera bientôt l'équipe de Carey Price et de P.K. Subban. Il l'est déjà dans le coeur des amateurs. L'un des derniers pas qu'aura à franchir Subban sera d'asseoir son influence au sein du groupe. À cet égard, il sait qu'il a d'abord des comptes à rendre.

«Je pense que mes coéquipiers veulent voir chez moi une progression et ne veulent pas que je répète les mêmes erreurs, croit-il. Ils s'attendent à ce que je trouve de la constance dans mon jeu. Ils savent ce dont je suis capable, mais ils se demandent si je serai en mesure de le démontrer à tous les soirs.

«Je suis un gars volubile, mais le respect que je veux obtenir ne passe pas par les discours dans le vestiaire. Il passe par ce que je fais sur la glace et ce que j'apporte à l'équipe.»