Lorsque le défenseur Brett Clark a fait une montée à l'emporte-pièce, samedi, avant de déjouer Tim Thomas d'un revers bien placé sous le bras du gardien, tout le monde était sous le choc.

Les Bruins et la foule de Boston étaient sous le choc que le Lightning de Tampa Bay ait marqué 2 fois en 19 secondes. Ils ne savaient pas encore qu'un troisième but, quelques instants plus tard, scellerait leur sort dans le premier match de la finale de l'Association de l'Est.

Mais les amateurs étaient aussi sous le choc de voir que cet obscur défenseur avait un tel jeu dans sa palette!

«Avec l'Avalanche du Colorado, j'ai déjà marqué un but égalisateur en séries alors qu'on jouait à court d'un homme», s'est souvenu Clark au lendemain de la victoire de 5-2 du Lightning.

«Mais le but de samedi est aussi parmi mes plus importants en carrière.»

On l'oublie, mais Brett Clark a amorcé sa carrière avec le Canadien. Le Tricolore l'avait choisi en sixième ronde au repêchage de 1996 et, sous les auspices de l'entraîneur adjoint Dave King, il avait gagné la confiance d'Alain Vigneault, qui était alors derrière le banc du CH.

«J'étais jeune à l'époque, mais je percevais que Vigneault traitait tout le monde équitablement, a dit Clark. C'était déjà un très bon entraîneur qui respectait ses joueurs.»

Le vétéran de 34 ans ressasse ces souvenirs vieux de presque 15 ans et n'en garde qu'une image positive.

«J'avais des habiletés offensives à l'époque, mais j'arrivais dans la LNH avec une équipe qui m'utilisait comme septième défenseur, se souvient Clark. Le Canadien m'employait même à l'aile de temps en temps.

«Mais je n'ai aucun mauvais souvenir de Montréal. Je me souviens encore de ma première visite dans le vestiaire, c'était à en donner la chair de poule. Un joueur n'oublie jamais l'endroit où il a commencé.»

La prophétie s'est réalisée

Rien ne laissait croire, à l'époque, que Brett Clark aurait une longue carrière. Avec un Tricolore qui s'était enfoncé dans la médiocrité, le défenseur originaire de la Saskatchewan avait disputé 102 matchs en 2 saisons, ne récoltant que 3 buts et 2 mentions d'aide.

Sa deuxième campagne à Montréal ayant été passablement difficile, le directeur général Réjean Houle l'avait rendu disponible au repêchage d'expansion. Les Thrashers d'Atlanta étaient heureux de le réclamer. «Clark va jouer dans cette ligue pendant 10 ans», avait alors déclaré Don Waddell, le DG qui sévissait sur les Thrashers.

Ce commentaire avait fait sourire les journalistes dans les mois suivants. Mais au final, Waddell aura eu raison. Dix ans plus tard, Brett Clark est toujours là!

Ça n'a pas toujours paru évident, remarquez. Après avoir joué 61 matchs avec le Canadien en 1998-1999, Clark n'en a joué que 56 lors de ses 5 saisons suivantes dans la LNH...

Son séjour à Atlanta ayant été peu fructueux, Clark a passé l'essentiel de cinq saisons dans les ligues mineures. Il aura fallu le lock-out pour qu'il sorte des oubliettes et revienne dans la LNH. Pour de bon.

«L'Avalanche m'a donné une occasion de jouer et je suis sauté dessus, a raconté Clark. Les changements de règlements m'ont beaucoup aidé, car on peut désormais faire plus de jeux et exploiter sa mobilité.»

Sur le plan statistique, la métamorphose saute aux yeux. Le timide défenseur des années 90, celui qui n'avait jamais inscrit plus de quatre points en une saison de la LNH, est revenu transformé.

Clark a entre autres connu 2 saisons de plus de 35 points au Colorado. Cette année encore, à Tampa Bay, il a présenté une fiche de 9 buts et 31 points.

«On veut que je sois solide défensivement, que je donne un coup de main en avantage numérique et que je fasse un bon mouvement de rondelle», a expliqué l'honnête vétéran.

De plus, le Lightning valorise les lancers bloqués et Clark, spécialiste dans le genre, a mené l'équipe avec 157 tirs bloqués cette saison.

Clark s'est révélé l'une des bonnes acquisitions de Steve Yzerman en restant sous le radar, comme il l'a fait durant toute sa carrière.

D'ailleurs, les Bruins avaient eux-mêmes perdu Clark sur leur écran-radar. Il est réapparu en première période, samedi, quelque part entre la ligne bleue et le cercle à la gauche de Tim Thomas.

L'homme qui faisait une montée à la Bobby Orr et que tout le monde avait oublié, c'était lui.