C'est le temps des séries éliminatoires, et avec lui, le temps des poils. Comme le veut la coutume, les joueurs de la LNH vont remiser leurs rasoirs jusqu'à l'élimination honteuse ou la victoire finale.

Le hockey est bien connu pour sa fameuse «barbe des séries».  Des sites web complets rendent hommage au concept. Wikipedia lui consacre une notice, étonnamment fournie (3 pages!). Des universitaires se penchent sur le phénomène. Les supporteurs l'ont repris pour eux-même. Les publicitaires l'ont exploité (voir Molson et le CH l'an dernier) Et les autres sports le jalousent au point de l'avoir plagié, comme ce fut le cas dans le football américain.

D'où vient cette pileuse tradition? Sans doute faudrait-il remonter jusqu'aux guerres puniques, quand les soldats d'Hannibal se l'étaient fait pousser jusqu'aux genous dans le but d'effrayer les légions romaines.

Mais d'un strict point de vue hockey, c'est à New York que tout aurait comnencé, au début des années 80, avec la dynastie des Islanders (Butch Goring, Clark Gillies). Repris par les Flames de Calgary en 1989 (rappellez-vous le hirsute Lanny McDonald) le concept sera relancé pour de bon par les Devils du New Jersey en 1995. Depuis, on ne peut plus imaginer de séries de la coupe Stanley sans un minimum de poils au menton.

Ce populaire rituel s'explique de plusieurs façons.

On peut y voir un signe de solidarité dans les équipes, qui refusent le rasoir en bloc comme une prise de position collective. Ensemble nous perdrons ou nous vaincrons!

D'autres le verront comme un sacrifice (de son apparence) sur l'autel martial du hockey.

Comme les «poilus» de la Première Guerre Mondiale, les joueurs des séries s'en vont livrer une bataille de tranchées. Et tant que celle-ci ne sera pas gagnée, pas question de faire une beauté. Plus la barbe est longue, plus c'est un signe que le joueur s'est tenu debout pendant longtemps. Pas étonnant que les équipes finalistes soient toujours mieux «pourvues» de ce côté.

Victorieuse ou non, la barbe des séries est enfin ce qui permet de séparer les hommes des enfants . Elle symbolise l'expérience du vieux lion, l'autorité du meneur de troupes, voire la sagesse du gourou indien, autant de qualités hautement recherchées en cette période cruciale où les erreurs de jeunesse n'ont plus leur place.

«Symboliquement, cela veut dire que les adultes sont ceux qui savent jouer au hockey et que les autres ne sont pas assez virils pour aller jusqu'au bout», résume Olivier Bauer, professeur de théologie à l'Université de Montréal et auteur de l'essai Une théologie du Canadien de Montréal, à paraître ces jours-ci chez Bayard.

Dans son livre. M. Bauer va encore plus loin: selon lui, le hockey est un sport foncièrement masculin et la barbe des séries, ultimement, ce qui permet de séparer les hommes des femmes! «Elle est la preuve que c'est une affaire de gars, surtout quand ça devient sérieux», explique-t-il.

Avec quatre coupes gagnées sans l'ombre d'un duvet, Wayne Gretzky est la preuve vivante du contraire. Mais on ne peut nier qu'en 2009, le pinch timide de Sidney Crosby faisait bien pâle figure à côté de la glorieuse «Charles Manson» de son coéquipier Maxime Talbot. Comme quoi le talent, y a pas que ça...

NOTRE TOP 10

Chris Mason

(2009-2010)

Personnellement, je ne lui ferais pas garder mes enfants...

Scott Parker

(2008)

Lui non plus... Retraité en 2008, il est devenu... barbier !!

Mike Commodore

La gars sait à peine tenir sur des patins. Mais sans son afro et cette incroyable barberousse, les Hurricanes n'auraient peut-être pas gagné la coupe en 2006..

Scott Niedermayer

(2007)

Bon mix de courage et de maturité. La barbe n'est pas seulement fournie, mais poivre et sel.

Maxime Talbot

(2009)

Finalement, on le trouvait meilleur avec une barbe...

Lanny McDonald

(1989)

Quand la plus belle moustache de la LNH se rend jusqu'au bout, ça donne exactement ça: un vieux loup de mer.

Ken Daneyko

(1995)

Il a contribué à ressuciter la tradition.

Billy Smith

(1980)

On se souvient du psychopathe, mais moins du barbu.

Clark Gillies

(1980)

Il pouvait se battre, compter des buts, gagner des coupes et en plus, c'est lui qui a lancé le truc. Respect.

Bill «Cowboy» Flett

(années 70)

Le poilu absolu. Ancêtre du «power forward» Bill Flett ne savait pas seulement comment jouer rude: il était barbu à l'année longue! Ses cartes de hockey valent aujourd'hui une fortune. OK, c'est pas vrai... Décédé en 1999.