Brent Sopel termine sa 12e saison dans la LNH. Il vient d'encaisser le dernier chèque d'un contrat de trois ans qui lui a permis de toucher 7 millions de beaux dollars.

Avec cette fortune, Sopel a les moyens de s'offrir un château de rêve pour héberger sa femme et ses quatre enfants ainsi que toutes les voitures sport ou de grand luxe offertes sur le marché.

Le château a pignon sur rue à Hinsdale, banlieue cossue et tranquille située à une trentaine de kilomètres à l'ouest du centre-ville de Chicago, où Sopel et ses coéquipiers des Blackhawks ont défilé avec la Coupe Stanley l'été dernier.

De plus, comme tous les joueurs de la LNH, Sopel ne roule pas en minoune rouillée et rafistolée avec de la broche. Ça non! Mais quand le défenseur du Canadien veut se faire plaisir, se faire vraiment plaisir, c'est au volant de son Massey-Harris 1944 qu'il sort de son garage pour se rendre au dépanneur du coin ou simplement pour faire un petit tour dans le quartier.

À moins que vous ayez grandi sur une ferme ou que vous soyez férus de véhicules moteurs, il est important ici de souligner que le Massey-Harris 1944 auquel Sopel tient autant qu'à la prunelle de ses yeux, de celles de sa femme et de ses enfants, est un tracteur. Pas un tracteur de jardin dont on se sert pour éviter de suer un coup lors de la tonte du gazon le samedi matin, mais bien un vrai de vrai tracteur avec de grosses roues à l'arrière, deux petites à l'avant et un tuyau d'échappement aux allures de cheminée qui s'élève au-dessus de la carrosserie rouge pompier qui recouvre le moteur.

Lorsque La Presse demande à Sopel s'il veut plutôt dire Massey-Ferguson, le défenseur qui a grandi sur une ferme de la Saskatchewan se retient pour ne pas pouffer de rire.

«Si tu veux... Mais pour être précis, Massey-Harris - une compagnie canadienne portant le nom de ses deux fondateurs - est l'ancêtre de Massey-Ferguson», explique un Sopel amusé.

Un hochet bien spécial

Va pour le nom. Mais pourquoi diable un tracteur? Ce tracteur?

«Parce que ce n'est pas n'importe quel tracteur. Aussi loin que je puisse me rappeler, j'ai toujours été dessus. J'accompagnais mon père quand j'étais tout petit. Quand j'ai pu grimper seul et m'asseoir derrière le volant, j'y ai passé des heures. Lorsque j'ai grandi, mes parents se sont assurés de cacher la clef pour que je ne puisse jamais le faire démarrer. Au fil des ans, j'ai appris qu'on pouvait y arriver en le faisant rouler au neutre avant d'enclencher l'embrayage. Ce tracteur représente une partie de ma vie. Lorsqu'est venu le temps de s'en défaire, c'est moi qui l'ai acheté. Je l'ai remisé et je me suis donné comme mission de le remonter de A à Z. Ça m'a pris des années, j'ai profité de l'aide de mon beau-père et de plusieurs personnes pour trouver des pièces rares, mais j'y suis arrivé. Il est comme neuf et je le sors de temps en temps pour aller faire un tour dans les rues du voisinage», a raconté avec fierté le défenseur du Canadien rencontré par La Presse lors du séjour du Tricolore à Boston.

Combien il en coûte pour «plaquer» cette pièce de collection?

«Je n'en ai pas la moindre idée, car je n'ai jamais vraiment fait la demande. Les gens du coin sont habitués. Ils ne se posent plus de questions. Ils me connaissent et ils connaissent très bien mon tracteur.»

Le 9 juin dernier, Brent Sopel a réalisé le rêve de tout hockeyeur en soulevant la Coupe Stanley. Comme tous ses coéquipiers, il a pris part, quelques jours plus tard, au grand défilé qui a permis aux amateurs de hockey de Chicago de chasser 49 longues années de frustration.

Mais le 13 août, Sopel s'est offert le défilé auquel il tenait le plus. Bien assis derrière le volant de son jouet sur quatre roues, il a fait le tour du quartier avec comme passagère, la précieuse Coupe Stanley qui brillait presque autant sous le soleil que le tuyau d'échappement chromé et la carrosserie fraîchement astiquée pour l'occasion.

«Un moment extraordinaire», se contente de souligner le défenseur, avec un plaisir évident.

Adoption extraordinaire

Brent Sopel est séparé de sa famille depuis le début de la saison régulière. Échangé aux Thrashers d'Atlanta avec une seule année à écouler à son contrat, il a refusé de déraciner sa femme Kelly, avec laquelle il s'est marié en 2001, et leurs quatre enfants: Paul, Jacob, Lyla et Jayla.

La transaction qui lui a permis d'accéder aux séries avec le Canadien lui a donné raison de jouer de prudence avec la famille. Une famille dont il s'ennuie et avec laquelle il entre en contact une «vingtaine» de fois par jour par téléphone. Sans oublier les gazouillis - vous pouvez suivre le défenseur du Canadien @BrentSopel sur Twitter - et les consultations sur le site officiel de la famille.

Ce blogue, dont la page d'accueil est coiffée d'une magnifique photo des Sopel, est géré par sa femme, qui lui a donné le nom évocateur de Life of A Hockey Widow (La vie d'une veuve du hockey - lifeofahockeywidow.typepad.com). Kelly Sopel y lève le voile sur son quotidien et celui de sa famille.

Au hasard d'une visite, on y a appris la semaine dernière qu'en dépit des économies substantielles de son papa, Lyla Sopel passe les dimanches matin à découper les coupons-rabais dans les journaux. C'est bien pour dire! On apprend aussi que Jabob joue à la crosse, que son frère aîné Paul est bénévole au sein de l'équipe et qu'il célébrait vendredi dernier ses... 21 ans.

Comment Paul Sopel peut-il avoir 21 ans alors que son père en a tout juste 34?

Comme pour la nuance Massey-Harris vs Massey-Ferguson, la réponse de Sopel ne tarde pas. Mais cette fois, il n'affiche pas le même regard amusé.

«Kelly et moi avons adopté Paul il y a quatre ans. J'ai connu Kelly à Syracuse, où je jouais dans la Ligue américaine avec le club-école des Blackhawks. Ses parents avaient un couple d'amis. L'homme et la dame sont décédés à environ six mois d'intervalle. Paul s'est retrouvé orphelin et nous lui avons demandé s'il voulait faire partie de notre famille. Il est avec nous depuis.»

Lorsque La Presse demande à Sopel s'il tient à garder ces détails hors de l'oeil public, il fait non de la tête. «J'ai une femme et quatre enfants dont je suis très fier. Ils ont chacun leur histoire et elles sont aussi importantes à mes yeux les unes que les autres.»

Et il a aussi un tracteur...