Ces jours-ci, Lars Eller jouit de ses premiers modestes succès dans la Ligue nationale.

À l'échelle du circuit, ses performances sont banales. À peine dignes de mention à l'extérieur de Montréal. Pourtant, à des milliers de kilomètres d'ici, chaque étape franchie par le jeune homme est vue comme une grande réussite.

Le hockey au Danemark a fait des pas de géant depuis 15 ans pour venir jouer dans la cour des grands, et Eller est l'un de ses fleurons.

L'attaquant de 21 ans est devenu en 2007 le premier joueur originaire du Danemark à être repêché en première ronde (13e au total). La saison suivante, Mikkel Boedker a fait mieux encore en étant sélectionné au huitième rang par les Coyotes de Phoenix.

Et si l'on se fie aux plus récents classements des espoirs, Nicklas Jensen, qui évolue pour les Generals d'Oshawa, est un choix de premier tour garanti au prochain repêchage.

Bref, depuis 2007, le Danemark aura réussi à produire plus de choix de première ronde que des pays comme la République tchèque, la Slovaquie, la Suisse ou la Biélorussie!

Ça tient du miracle quand on sait qu'il n'y a pas 20 arénas dans tout le pays et qu'on dénombre à peine 4000 joueurs.

Comment est-ce possible?

La fonte des glaces

Le père de l'attaquant du Canadien, Olaf Eller, est entraîneur et commentateur au Danemark. Selon lui, le pays vit une bien étrange relation avec le hockey.

«Dans les villes où on joue au hockey, il est important. Mais dans d'autres villes, les gens ne savent même pas que ça existe», raconte M. Eller.

Dans les circonstances, on peut comprendre que Lars Eller, malgré son statut de pionnier, ne soit pas un héros national.

«Dans les années 60, le hockey était en pleine expansion et il se propageait dans les villes, poursuit Olaf Eller. À l'époque, les hivers duraient de trois à quatre mois et ils étaient beaucoup plus rigoureux. Tout le monde patinait.

«Or, à compter du milieu des années 70, le climat a changé, l'expansion s'est interrompue et une seule nouvelle ville s'est ajoutée à celles qui étaient déjà des villes de hockey.»

Le hockey au Danemark demeure à ce jour un truc local où tout est tissé serré. Eller a grandi dans la ville de Rodovre, où il a côtoyé Boedker ainsi que Jannik Hansen, des Canucks de Vancouver.

À Herning, un autre bastion du hockey danois, Peter Regin (Sénateurs) et Franz Nielsen (Islanders) ont fait la pluie et le beau temps.

Et tout comme Eller, Nielsen et Hansen sont des fils de joueurs ayant déjà évolué au sein de l'équipe nationale danoise.

«Une chimie s'est créée non seulement entre les joueurs, mais entre les entraîneurs et les parents qui étaient soucieux du développement de ces jeunes-là», explique Olaf Eller.

L'influence suédoise

Quand la fédération sportive danoise a voulu développer son hockey, elle a mis en place une structure à laquelle des entraîneurs suédois ont contribué à partir de 1995.

Au fil des Championnats U-18 et U-20, l'écart s'est resserré entre le Danemark et les puissances européennes. Aujourd'hui, même si plusieurs clubs de la Ligue du Danemark sont en difficulté -leur budget ayant fondu de 4 millions à 400 000$- la qualité des jeunes joueurs ne cesse d'augmenter.

Et leur style de jeu, calqué sur celui qui est enseigné en Suède, y est pour quelque chose.

«Ce qui a fait le succès du style suédois à la fin des années 90 et au début des années 2000, c'est la qualité du jeu défensif, explique Olaf Eller.

Mais lorsqu'on demande à Lars Eller quelle personne a eu la plus grande influence sur sa carrière, il nomme un entraîneur...finlandais.

Heikki Karvinen, qui travaille à Rodovre depuis plusieurs années, a créé une pépinière de jeunes talents avec son école de hockey.

«Entre l'âge de 10 et 16 ans, j'ai profité de ses enseignements à travers des exercices de patinage sans rondelle d'une demi-heure, raconte Eller. Ses techniques ont été une part importante dans ma formation.»

De l'aile au centre

Un joueur formé par la mentalité suédoise, supervisé par un entraîneur qui met l'accent sur le patinage et le jeu sans la rondelle...On pourrait croire qu'Eller était fait pour devenir un joueur défensif, non?

«Je crois que c'est davantage en Amérique du Nord que Lars a appris à devenir bon dans les deux sens de la patinoire, estime pourtant son père. Car lorsqu'il jouait dans la Ligue d'élite de Suède, il avait été muté à l'aile et il était un joueur strictement offensif.

«Il a fait de grands pas dans son développement au cours de la dernière année. Car honnêtement, je trouvais qu'il avait de grandes lacunes dans son jeu défensif, l'an dernier, dans la Ligue américaine à Peoria.»

Olaf Eller a toujours cru que le Canadien ferait de son fils un ailier. Non pas à cause de la présence des Plekanec et Gomez au centre, mais à cause des atouts de Lars.

«Il est très fort offensivement dans les coins de patinoire, il est intelligent et créatif. Je croyais qu'il pourrait aider l'équipe davantage en étant employé à l'aile.

«Mais j'ai constaté qu'il s'était vraiment amélioré et qu'il aidait bien son équipe à sortir la rondelle de sa zone. Je ne pensais pas qu'il serait capable de tenir son bout sans la rondelle, dans des missions défensives, en évoluant au centre.

«À ma grande surprise, je constate que c'est au centre qu'il est le plus en mesure d'aider son équipe.»

Si Lars Eller peut encore surprendre son père, celui qui l'a vu grandir dans un univers de hockey microscopique, c'est qu'il a sûrement des surprises en réserve pour le Canadien...