Kevin Mailhiot avait tout pour réussir au hockey. Choisi par les Voltigeurs de Drummondville au sixième rang du repêchage de la LHJMQ en 2002, il avait connu une excellente première saison junior et se trouvait sur le radar de plusieurs dépisteurs de la LNH.

Sa carrière a toutefois pris une tournure tragique le 27 janvier 2004, lors d'un match à Moncton, quand il a subi une grave commotion cérébrale, la cinquième d'une série de six en moins de trois ans...

«J'ai été frappé au centre de la patinoire. J'ai vu mon adversaire à la dernière minute et son épaule m'a atteint à la poitrine. C'est le contrecoup qui a causé la commotion. Je suis tombé à genou, mais j'ai pu me relever et je suis parti vers la rondelle. J'ai vu que mon bâton était brisé et je suis rentré au banc des joueurs. C'est là que tout s'est éteint...»

«Je ne me souviens que des visages de mon entraîneur et de mes coéquipiers qui m'observaient étrangement. J'ai compris que c'était grave, même si tout était au ralenti.» Quand l'employé de l'aréna chargé de le surveiller dans un local sous les gradins s'est absenté quelques instants, il a arrêté de respirer. Heureusement, les ambulanciers sont arrivés quelques minutes plus tard et ont pu le ranimer.

De retour au Québec, il a rencontré la Dre Karen Johnston, une spécialiste des commotions. Il avait tous les symptômes: maux de tête, perte de concentration, sensibilité aux bruits et à la lumière... «Et c'était encore pire au plan émotionnel. Je pleurais continuellement matin, midi et soir. Je pleurais pour rester coucher, pleurais pour ne pas aller à l'école, même si j'adorais ça. La Dre Johnson m'avait conseillé de tout arrêter pendant six mois, mais je lui ai expliqué que mes études étaient la seule chose qui me motivait.

«Je n'ai suivi que trois cours (au lieu de cinq), mais j'étais incapable de lire ou de prendre des notes. Je me présentais et c'était tout. Alors que j'avais l'habitude d'obtenir de très bons résultats, j'ai passé ces trois cours de justesse avec des 61, 62...»

Le pire était toutefois passé. Les symptômes se sont estompés graduellement et il a tenté un retour l'automne suivant. Le coeur n'y était toutefois plus vraiment. «J'avais déjà perdu mon rêve de jouer dans la Ligue nationale la saison précédente et j'ai encore subi une commotion à mon 12e match. C'était la septième de ma carrière et j'ai décidé d'arrêter le hockey.»

De retour aux études, Kevin a pu obtenir un baccalauréat en droit. Il est aujourd'hui avocat à Drummondville. Sur plusieurs points, il représente une heureuse exception. De nombreux hockeyeurs n'ont plus la capacité d'acquérir une telle formation quand ils subissent des commotions cérébrales à répétition.

«Je m'estime chanceux, c'est vrai. J'ai évité les conséquences les plus graves de toutes ces blessures à la tête. On parle de plus en plus des effets à long terme, mais je préfère ne pas trop y penser pour l'instant.»

Kevin aime toutefois partager ses expériences avec les jeunes dans les écoles, dans l'espoir qu'ils ne commettent pas certaines de ses erreurs. Son message aux jeunes athlètes tient en trois points.

«Un, il faut arrêter de se mentir à soi-même sur les symptômes qu'on ressent. Reconnaître les maux de tête, les nausées et en parler avec les gens de notre entourage pour obtenir des soins.

«Deux, il ne faut pas avoir peur de parler de ses émotions. C'est normal d'être hyper-émotif et de pleurer quand on a subi une commotion. Le milieu du hockey n'évolue pas rapidement, c'est vrai, mais il y a de plus en plus de ressources pour nous aider à reprendre le dessus après une blessure comme ça.

«Et trois, il faut continuer l'école le plus longtemps possible, aller chercher un diplôme et préparer sa carrière après le hockey. C'est une toute petite minorité qui atteint la LNH et même ceux qui en ont les moyens échouent souvent pour toutes sortes de raisons, y compris les blessures.»