L'image était saisissante: plusieurs minutes après la fin du match, les joueurs d'Équipe Canada junior étaient toujours à leur banc, la tête enfouie entre les bras, le coeur anéanti. La catastrophe était consommée. En accordant cinq buts sans réplique en troisième période, la sélection canadienne venait d'essuyer une claque en plein visage, phénomène rare dans une finale internationale.

Au bout du compte, cette défaite sera profitable au hockey junior canadien, qui nage dans une arrogance frôlant l'euphorie depuis plusieurs années. La défaite de l'an dernier, survenue en prolongation contre les Américains, avait constitué un premier avertissement. L'échec de mercredi devrait rappeler à l'ordre, cette fois pour de bon, les dirigeants de notre hockey junior.

Le knock-out servi par les Russes brise un mythe. Celui du «caractère» des joueurs canadiens, pas toujours les plus talentueux, mais assurément les plus coriaces, ne connaissant pas la signification du mot «découragement».

Inversement, au Canada, les Russes ont souvent été peints comme des joueurs doués sur le plan individuel, mais plus fragiles dans leur tête, moins désireux de payer le prix pour gagner. Ces généralités ont été répétées mille fois, sous une forme ou une autre, au cours des dernières années. La victoire décisive du Canada aux dépens de la Russie aux Jeux de Vancouver n'a rien fait pour défier ce courant de pensée.

Or, voyons ce qui s'est produit mercredi, à Buffalo, devant une foule en bonne partie canadienne. Accusant un déficit de 0-3 après 40 minutes, les Russes n'ont pas baissé les bras. Leurs jeunes adversaires canadiens, qui les croyaient vaincus, ont été hachés menu dans les 20 dernières minutes de jeu. Des séquences à l'emporte-pièce, des passes habiles, du jeu avec du flair, bref, les Russes nous en ont mis plein la vue! Ils nous ont aussi rappelé la force de leur réseau de développement.

Cela dit, il serait injuste de blâmer les joueurs canadiens. N'oublions pas que nous avons affaire à de jeunes hommes émergeant à peine de l'adolescence. Ils ont dû composer avec un calendrier chargé et une pression immense, compte tenu de l'importance du tournoi au Canada anglais. À preuve, les cotes d'écoute remarquables du réseau TSN lors de la ronde des médailles au cours des dernières années.

Parions néanmoins que ces jeunes joueurs et leurs entraîneurs, l'espace d'un court moment, n'ont pas accordé à leurs rivaux le respect dû à des adversaires de qualité. La leçon leur servira. Souhaitons que les adultes en tirent aussi des enseignements.

Quant aux Russes, ils ont célébré leur victoire par un gros party, qui leur a valu certains ennuis hier. Regrettable, assurément. Mais sans doute préférable à ce qui s'était produit il y a plusieurs années, après une défaite en finale du même tournoi. Le solide défenseur Darius Kasparaitis était si en colère qu'il a attendu son gardien de but dans le couloir menant au vestiaire. L'apercevant, il lui a balancé une droite au visage!