François Sauvageau connaît trop bien les chambres d'hôpital. Atteint d'un virulent cancer du système nerveux, il a reçu 12 traitements de radiothérapie et huit de chimiothérapie, en plus de subir deux greffes et une opération chirurgicale. Il n'a que 7 ans.

Hier, pourtant, le petit bonhomme ne voulait pas quitter sa chambre de l'hôpital Sainte-Justine, même après avoir obtenu son congé. C'est qu'il attendait de la grande visite. Nul autre que son héros devant l'éternel, Carey Price.

C'était en effet la visite annuelle des joueurs du Canadien dans les hôpitaux pédiatriques de Montréal - une tournée qui est devenue, au fil des ans, une véritable tradition du temps des Fêtes. Et qui injecte une dose de pur bonheur à des enfants qui s'accrochent de toutes leurs forces à la vie.

Le personnel de Sainte-Justine a veillé à ce que Carey Price passe par la chambre de François. C'était sa demande spéciale. Personne n'a eu le coeur de la lui refuser. «Aujourd'hui, c'était ma journée préférée de toute ma vie!» a lancé le garçon, les yeux brillants, après avoir serré la main de son idole. Comblé, il pouvait enfin rentrer à la maison.

Non pas qu'il soit guéri. «On a cessé les traitements parce que les effets secondaires étaient trop sévères. J'ai eu peur de le perdre, a raconté sa mère Sophie, les yeux remplis de larmes. On avait de la misère à le réveiller. Une nuit, on avait beau le brasser et le frotter, il ne se réveillait pas. Alors, on a cessé les traitements en espérant que ceux qu'il a reçus jusqu'ici soient suffisants.»

François adore le hockey. « On voulait l'inscrire à des cours, mais à cause de la maladie, on a mis ça sur la glace, justement, a dit sa mère. Probablement l'hiver prochain.»

Parce qu'il y aura un hiver prochain pour François. Beaucoup d'autres hivers. Peut-être même une carrière dans les ligues majeures. C'est en tout cas le genre d'espoir que les joueurs du Canadien aimeraient instiller dans le coeur des enfants malades.

Comme au Centre Bell

«Pour eux, c'est le plus grand moment de leur vie, a dit Carey Price. Quand on vient ici, ils sont véritablement heureux de nous voir. Ils sont très excités. Pour nous, c'est très gratifiant.»

«Excités» est un euphémisme. Les enfants attendaient les joueurs depuis des semaines. En cardiologie, les petits patients avaient bricolé une grande murale bleu, blanc et rouge et une banderole: «Ici en cardiologie, on a le CH tatoué sur le coeur». Quand les joueurs sont arrivés, tous scandaient «Go Habs go!» L'ambiance était aussi survoltée qu'au Centre Bell.

De jeunes infirmières enthousiastes se hissaient sur la pointe des pieds pour mieux voir les beaux joueurs en chair et en os. Des parents se faisaient prendre en photo avec Youppi!. Même les médecins réclamaient des autographes.

Les joueurs répondaient de bonne grâce aux demandes, mais ils étaient là d'abord et avant tout pour les enfants. Comme Anthony Poirier, 8 ans, leucémique. Pour la visite, le garçon avait revêtu un chandail du Canadien. Tout comme son père, Éric, et... son chien, Mambo. Accepté à l'hôpital à titre exceptionnel pour cette occasion exceptionnelle.

Les joueurs ont envahi la chambre d'Anthony. Ils lui ont donné des cadeaux. Des cartes autographiées. Ils ont pris des photos, échangé des sourires. Le garçon était ravi. «Avec toute l'énergie que les joueurs viennent de lui donner, il va passer à travers sa prochaine chimiothérapie à 100 milles à l'heure!» s'est exclamé Éric Poirier, presque aussi excité que son fils.

Maxim Lapierre passait d'une chambre à l'autre avec autant d'agilité que sur la patinoire. Il se penchait pour parler aux enfants et leur raconter des blagues. Il était visiblement très à l'aise. «J'essaie de rester moi-même, d'être un peu clown, d'être de bonne humeur. C'est moi, ça. J'imagine que ça marche avec les enfants et les jeunes dames.»

Mais les joueurs peuvent bien être grands et forts, ils ne sortent jamais complètement indemnes de cette expérience. «C'est une belle journée, mais quand on remonte dans l'autobus, on voit que tout le monde pense pas mal, a raconté Lapierre. Quand on revient à la maison, c'est plus difficile. On se met à penser à la valeur de la vie et ça nous fait réaliser à quel point on est chanceux.»

Le propriétaire du Canadien, Geoff Molson, a aussi pris conscience de sa chance d'avoir quatre enfants en bonne santé. Et de l'importance de cette visite pour les jeunes patients. «Les joueurs sont des héros dans cette province. Ils viennent ici pour une journée pour faire sourire des enfants malades.»

Dans une ville folle de hockey, Benoît Pouliot est habitué de faire tourner les têtes. Mais ce fameux sourire qui illuminait le visage des enfants dès qu'il passait la porte de leur chambre l'a touché droit au coeur. «Ils nous voient à la télé, mais ils n'ont pas la chance de venir nous voir au Centre Bell. Aujourd'hui, c'est leur chance. Ça les rend heureux, et nous aussi.»