Guy Lafleur a marqué toute une génération avec son style de jeu excitant et inspirant. Demain, pour une dernière fois, il électrisera la foule montréalaise au Centre Bell. Serait-on capable de lui trouver un équivalent contemporain?

Les comparaisons entre les époques sont toujours délicates. Mais entre les mains d'hommes encore actifs dans le hockey, des hommes qui ont côtoyé Lafleur ou qui ont joué contre lui, le jeu en vaut la chandelle.

«Alexander Ovechkin frappe beaucoup plus que ne le faisait Guy Lafleur, mais lorsqu'il prend possession de la rondelle, il est explosif comme l'était Lafleur», suggère Craig Ramsay, l'entraîneur des Thrashers d'Atlanta qui a maintes fois été confronté à Lafleur lorsqu'il portait les couleurs des Sabres de Buffalo.

«Impossible de ne pas repenser à ce but durant les séries de 1979 contre Boston. Lafleur voulait être le joueur qui ferait la différence d'un seul lancer. C'est ce que l'on voit d'Ovechkin, et c'est aussi ce qu'on commence à voir de Steven Stamkos.»

Le nom de la jeune vedette du Lightning de Tampa Bay est d'ailleurs celui qui est le plus souvent évoqué en lien avec Lafleur.

Scotty Bowman voit plusieurs similitudes entre les deux hommes.

«Stamkos est un centre, mais il peut évoluer aussi à l'aile droite et c'est un droitier», rappelle l'ancien entraîneur du Canadien, aujourd'hui conseiller spécial pour son fils Stan, DG des Blackhawks de Chicago.

«À mon sens, il est celui qui s'approche le plus de Lafleur dans sa façon de se donner de l'espace dans un coin de la patinoire et de se donner des chances de tirer.»

«La première personne qui me vient en tête, c'est Stamkos, mais je me demande s'il n'est pas un peu tôt dans sa carrière pour le comparer à Guy Lafleur», renchérit Rick Dudley, DG des Thrashers et ancien coéquipier de Craig Ramsay à Buffalo.

«Ils ont tous les deux le lancer, le coup de patin et la compétitivité.»

Mais ce sens de la compétition, Larry Carrière le retrouve chez un autre joueur québécois.

«Guy a payé le prix pour marquer des buts», se souvient l'adjoint de Pierre Gauthier avec le Canadien, qui a été défenseur avec les Sabres et les Flames d'Atlanta.

«C'était un gars de caractère qui jouait de la même manière sur la route qu'à Montréal. Et l'on voit tous les soirs que Martin St-Louis est un homme compétitif comme l'était Lafleur.»

À grande vitesse, partout et tout le temps

Bobby Clarke, vice-président principal des Flyers de Philadelphie, a été au coeur de la grande rivalité opposant le Tricolore et les Broad Street Bullies dans les années 70.

Selon lui, les meilleurs joueurs d'aujourd'hui sont en quelque sorte tributaires du style de Lafleur.

«Alors que le jeu était souvent fait de freinages et de redémarrages, Lafleur était constamment à pleine vitesse, rappelle Clarke. En ce sens-là, il a annoncé le début d'un changement dans le hockey.

«Tous les joueurs jouaient en ligne droite d'un bout à l'autre de la patinoire et la couverture se faisait ailier contre ailier. Lafleur a été le premier joueur à utiliser toute la surface de jeu. Ce n'est pas seulement qu'il était très rapide, mais pour son couvreur, il devenait très difficile à trouver sur la patinoire.»

Cette capacité à disparaître puis à réapparaître pourrait rapprocher Lafleur d'Ovechkin. Mais Bobby Clarke estime lui aussi que Stamkos est probablement la meilleure comparaison.

«Je crois cependant que l'on voit plus le style de Lafleur dans des jeux individuels que dans un joueur en particulier, précise Clarke.

«Car des gars comme Sidney Crosby et Pavel Datsyuk réussissent - comme Lafleur à l'époque - à faire des choses désarmantes lorsqu'ils sont à pleine vitesse. Le genre de choses qui sont réservées aux joueurs les plus habiles.»

Sans pareil

Pete Mahovlich, un ancien coéquipier de Lafleur, est aujourd'hui dépisteur professionnel. Selon lui, les comparaisons peuvent difficilement tenir la route car les joueurs contemporains sont de bien meilleurs patineurs.

«Cela dit, je comparerais quand même Guy à Stamkos, qui transporte la rondelle, possède un excellent lancer et beaucoup de vitesse. Comme Lafleur le faisait, Stamkos peut battre un adversaire à un contre un. Mais parfois il va battre deux, sinon trois joueurs!»

Doug Jarvis, un autre ancien du Canadien, prétend qu'il n'y a aucune comparaison qui tienne.

«Guy était et est toujours à mes yeux le plus grand joueur de l'histoire pour ce qui est de prendre les choses en mains», soutient Jarvis, l'un des adjoints de Claude Julien avec les Bruins de Boston.

«Crosby, Ovechkin et Stamkos sont d'excellents joueurs, ce sont les leaders de leur équipe et ceux qui prennent le contrôle lorsque c'est nécessaire. Mais ils ne sont pas en mesure de le faire au même niveau que Guy.

«Quand j'étais au banc et que Guy était sur la patinoire, mes ailiers pouvaient me parler, je n'entendais rien. Je le suivais sur la glace tellement il était beau à voir aller, tellement on savait que quelque chose allait arriver.

«J'ai passé bien des années derrière le banc comme entraîneur, et jamais je n'ai mis de côté mon travail pour suivre les prouesses d'un gars sur la patinoire.»

Des limites aux comparaisons

L'équipement a changé - entre autres celui des gardiens - si bien que les fameux tirs de la ligne bleue que Guy Lafleur transformait en buts ne rentreraient plus avec la même régularité aujourd'hui.

Mais à l'inverse, on peut se demander ce qui se serait produit si Lafleur avait porté les patins modernes ou s'il avait décoché ses lancers avec des bâtons en composite.

Il y a la technologie, mais aussi les changements aux règlements qui favorisent désormais les meilleurs joueurs.

«L'abandon de la ligne rouge a changé le hockey, observe Scotty Bowman. Qui sait le nombre de buts de plus que Lafleur aurait pu marquer dans ces circonstances.»