L'histoire est un peu connue dans le milieu, mais elle mérite quand même d'être répétée. Elle implique David Perron, son père François, et un dépisteur du Canadien.

Nous sommes à l'hiver 2007. David Perron est déjà un espoir en vue du prochain repêchage de la Ligue nationale, et il complète sa carrière junior avec Lewiston. Pendant un match, son père aperçoit un dépisteur du Canadien en grande conversation avec une autre personne. Le papa s'approche un peu, et entend au loin cette phrase, lancée tout bonnement par le dépisteur montréalais: «David Perron ne jouera jamais dans la Ligue nationale.»

Quand on rappelle l'anecdote au jeune joueur des Blues de St. Louis, il esquisse un petit sourire. «C'était pendant un match à Shawinigan, je pense. Cette histoire-là, mon père ne me l'avait pas racontée tout de suite, parce qu'il ne voulait pas que je m'en fasse avec ça. Je suis juste content d'avoir prouvé que le dépisteur n'avait pas raison...»

Le dépisteur était légèrement dans le champ, en effet. Quelques mois plus tard, les Blues faisaient de Perron leur choix de première ronde, le 26e joueur à être sélectionné au repêchage de 2007. Perron n'a plus jamais posé ses lames sur les glaces du hockey junior, faisant le saut directement chez les grands de la LNH cette année-là.

À 22 ans, l'attaquant en est déjà à sa quatrième saison à St. Louis. Pas si pire pour un gars qui n'était pas assez bon pour la LNH...

«En même temps, le métier de dépisteur, ce n'est pas un métier facile, tient-il à dire. Mon père avait bien ri de cette remarque, parce qu'il savait que j'avais eu à franchir bien des obstacles dans ma carrière. On me disait trop lent, pas assez fort, trop petit. On disait que je n'avais pas une bonne attitude envers mes entraîneurs.

«Avant le repêchage cette année-là, 26 des 30 équipes m'ont rencontré à la séance d'évaluation de la Ligue nationale. Le Canadien faisait partie de ces équipes-là. Je me trouvais chanceux, parce que le gars qui était dans la même chambre que moi, je pense qu'il a seulement rencontré six ou sept équipes. Mais je ne savais pas si j'allais être repêché en première ronde ou en deuxième ronde. Je n'avais aucune idée.»

C'est drôle à dire, mais dans le vestiaire des Blues, David Perron est déjà un «vieux». Comprendre par là que beaucoup de joueurs ont quitté l'équipe depuis qu'il s'est amené dans cette pièce pour la première fois.

On lui fait la remarque, et il prend le temps de regarder tous les noms sur les casiers. «Je vais te le dire, attends un peu... Tu vois, je compte six gars qui étaient ici quand j'ai joué mon premier match avec le club. Six. Le gars qui m'a vraiment aidé en partant, c'est Doug Weight, qui n'est plus là. Keith Tkachuk aussi. Il était sévère envers moi, mais avec le recul, je peux dire que ça m'a aidé.»

Vous parlez de David Perron dans ce vestiaire, et à peu près tout le monde vous dit la même chose: le jeune a du chien. Un exemple? Jeudi soir contre les Sharks, il a reçu une percutante mise en échec à la tête du gros Joe Thornton, une charge qui a valu au joueur des Sharks une suspension de deux matchs. Après le coup, Perron est resté étendu sur la glace, mais il s'est relevé. Et après être rentré brièvement au vestiaire, il a marqué le deuxième but de son club!

«J'ai perdu connaissance pendant quatre ou cinq secondes, a-t-il expliqué après le match. Je n'ai jamais subi de commotion cérébrale de ma vie, et sur le coup, je me suis dit que j'allais rater quelque chose comme deux, trois ou quatre semaines de jeu... Mais je suis rentré au vestiaire et j'étais correct.»

Le courage de Perron ne surprend plus personne chez les Blues, surtout pas le directeur général Doug Armstrong.

«De tous les joueurs de notre équipe, je dirais que c'est David qui est notre athlète le plus sérieux, estime Armstrong. Son entraînement hors de la patinoire, sa concentration, son attention aux petits détails... Il a vraiment progressé, autant sur la glace qu'à l'extérieur.»

Et maintenant, David Perron voit déjà grand. Participer aux séries? Non. Ce qu'il a en tête est encore mieux.

«Je veux une Coupe Stanley. Ici, on veut plus qu'une participation aux séries. La saison dernière, on a raté les séries, et pendant ce temps-là, les Flyers et le Canadien, qui avaient récolté moins de points que nous, jouaient en finale d'Association dans l'Est. C'était vraiment frustrant de voir ça.»

Quelque chose nous dit que David Perron va finir par avoir sa chance en séries très bientôt. Et quelque chose nous dit que quelque part, un dépisteur du Canadien doit se mordre les doigts.