Les performances de Carey Price et d'Andrei Kostitsyn en ce début de saison du Canadien contribuent à freiner l'ardeur de ceux qui dénigrent le travail des recruteurs du CH. Il suffirait évidemment d'une ou deux contre-performances de leur part pour que les critiques recommencent, mais ainsi va la vie des membres de l'organisation du Tricolore à Montréal. N'empêche qu'au fil des années, je constate que la science du repêchage demeure méconnue chez certains partisans et membres des médias. Voici neuf points que je souhaite éclaircir aujourd'hui.

1 - Les choix de première ronde doivent devenir des joueurs d'impact

Dans un monde idéal, oui. Mais si la caractéristique du joueur d'impact est d'occuper un poste parmi les deux premiers trios ou le premier quatuor de défenseurs, ou encore d'être gardien numéro un, la marge d'erreur est plutôt élevée. Par exemple, seulement 44% des choix de première ronde en 2002 (j'exclus les trois premiers repêchés, des choix sûrs) sont devenus des joueurs d'impact. En 2003, cuvée exceptionnelle, le taux grimpe à 59%. Par contre, il chute à 26% seulement en 2004 et 31% en 2005. Chaque année, inévitablement, plusieurs clubs ratent leur coup.

2 - Le Canadien repêche moins bien que les autres clubs

Pas avec le taux de réussite évoqué ci-dessus. On va vanter certaines autres équipes, comme les Ducks d'Anaheim avec Ryan Getzlaf et Corey Perry, mais eux aussi ont fait des choix de première ronde peu payants, comme Logan McMillan en 2007 ou Mark Mitera en 2006. Toutes les équipes ont fait chou blanc en première ronde à un moment ou à un autre.

3 - Après la première ronde, repêcher une future vedette devient un coup de chance

Pas nécessairement. André Savard expliquait qu'à l'époque où il travaillait avec Pierre Gauthier, leur liste des meilleurs espoirs disponibles était plutôt courte: entre 75 et 100 noms. Et plusieurs équipes fonctionnent selon ce modèle. Donc le joueur repêché au 271e rang, un Jaroslav Halak par exemple, figure néanmoins parmi les 75 premiers espoirs du club, et peut-être mieux encore. P.K. Subban, repêché au 43e rang en 2007, est inévitablement plus haut sur la liste du CH, peut-être même parmi les 15 ou 20 premiers. Après, on fait la moyenne. Quand une équipe comme les Red Wings repêche Niklas Lidstrom, Henrik Zetterberg, Pavel Datsyuk, Johan Franzen, Tomas Holmstrom, Jimmy Howard, Jiri Hudler, Valtteri Filppula, Jonathan Ericsson dans les rondes tardives, on ne peut plus parler d'un coup de chance. Idem pour le CH avec Halak, Subban, Tomas Plekanec, Andrei Markov, Guillaume Latendresse, Mark Streit, Mikhail Grabovski, Mike Ribeiro, François Beauchemin, Michael Ryder et compagnie.

4 - Il faut repêcher les joueurs selon les besoins d'une organisation

Faux. On doit opter pour le meilleur joueur disponible, car l'espoir repêché peut mettre trois, quatre ou cinq ans avant d'atteindre la LNH, et les besoins d'une formation auront alors changé. Comme dans le cas de Carey Price, repêché alors que José Théodore était le numéro un à Montréal. Trevor Timmins a avoué avoir commis l'erreur une seule fois, en 2006, en optant pour David Fischer à la place de Claude Giroux parce que la banque d'espoirs en défense était dégarnie, alors que l'équipe regorgeait d'attaquants de petite taille.

5 - Un joueur repêché par l'organisation n'a plus la même valeur s'il a été échangé

Pas du tout. Halak a permis au CH de mettre la main sur Lars Eller. Milan Michalek, repêché par les Sharks de San Jose, a servi d'appât pour obtenir Dany Heatley, de même que Brad Stuart et Marco Sturm dans l'échange qui a envoyé Joe Thornton à San Jose. Ladislav Smid et Joffrey Lupul ont permis à Anaheim d'acquérir Chris Pronger il y a quelques années. Le Wild se dit sans doute la même chose de Benoît Pouliot qui lui a donné Latendresse...

6 - Il faut éviter de repêcher un gardien en première ronde

Il y a plusieurs exemples d'échecs retentissants, comme Rick DiPietro, miné par les blessures, Brent Krahn, 9e au total par Calgary en 2000, Dan Blackburn, 10e par les Rangers de New York en 2001, miné par les blessures, Al Montoya, Marek Schwartz et j'en passe. Et certains brillants gardiens ont été repêchés sur le tard, comme Henrik Lundqvist, Pekka Rinne, Miikka Kiprusoff, Ryan Miller et compagnie. Mais Martin Brodeur, Roberto Luongo, Cam Ward, Jean-Sébastien Giguère, Tuukka Rask et Carey Price sont des choix de première ronde. On reproche souvent au CH d'avoir préféré Price à Anze Kopitar, mais plusieurs suggéraient à l'époque Gilbert Brule au cinquième rang. Ça aurait donc pu être Brule au lieu de Price. Daniel Tkaczuk ou Paul Mara à la place de Roberto Luongo. Les Islanders de New York, qui repêchaient sixièmes en 1990, ont-ils été mieux servis par Scott Scissions que par Martin Brodeur?

7 - Si un joueur ne perce pas après trois ou quatre ans, il faut s'inquiéter

Dans un monde idéal, c'est un avantage de voir le jeune percer rapidement. Mais Ryan Miller, des Sabres, est devenu gardien numéro un sept ans après avoir été repêché, et il est devenu dominant neuf ans après sa sélection. Duncan Keith a passé deux ans dans la Ligue américaine et a obtenu sa première grande saison offensive six ans après avoir été repêché par les Blackhawks de Chicago. Que dire de Dan Boyle et Martin St-Louis? Patience donc.

8 - Arrêtons de repêcher des joueurs américains

Une équipe a quatre ans pour faire signer un contrat professionnel à un jeune issu de la NCAA, et cinq ans pour des joueurs d'écoles secondaires américaines, mais seulement deux ans pour les juniors canadiens. Dans le premier cas, ils peuvent donc attendre que le joueur ait 22 ans avant de s'engager alors que dans le second, le joueur aura 20 ans. À cet âge, c'est une différence énorme.

9 - À talent égal, repêchons le joueur local

La notion de talent égal est galvaudée. Il y a trop de données d'analyse pour en arriver à une égalité entre deux joueurs: le grand, le petit, le rapide, le bon tireur, la provenance, etc. C'est ce que Pierre Gauthier se tue à expliquer depuis quelques années.