Pour Marcel Dionne, c'est assez clair: le Canadien ne sera plus jamais l'équipe au visage francophone de jadis.

Dionne, cinquième marqueur de l'histoire de la LNH, estime qu'il faut maintenant voir le Canadien pour ce qu'il est: un club à la riche tradition francophone, mais un club qui n'est plus capable de continuer dans cette direction.

«Le Canadien, ce n'est plus les Flying Frenchmen, a expliqué l'ancien joueur vedette lors d'un entretien téléphonique avec La Presse, hier. Les données ont changé depuis la belle époque de Guy Lafleur, dans les années 70. Ce n'est plus du tout la même chose.»

À l'heure actuelle, le Canadien ne compte plus que deux joueurs québécois dans ses rangs, les attaquants Maxim Lapierre et Mathieu Darche. Un troisième francophone, Benoît Pouliot, est originaire de l'Ontario.

«Ça va mettre beaucoup de pression sur ces gars-là, parce que chaque jour, ce sont eux qui vont devoir répondre aux questions des médias, d'ajouter Dionne. Toutes les caméras vont être tournées vers eux. C'est sûr que quand des joueurs anglophones font l'effort d'apprendre le français, comme Larry Robinson et Bob Gainey l'ont fait dans mon temps, c'est un gros plus pour les fans.»

Aucune différence

L'ancien attaquant des Red Wings, des Kings et des Rangers, qui a récolté 1771 points en 18 saisons dans la LNH, est aujourd'hui propriétaire d'une boutique d'articles de sport à Niagara Falls. Il voyage aussi régulièrement pour participer à des activités d'affaires à la grandeur du pays. Dans le cadre de son travail, Marcel Dionne rencontre des dizaines de fans de hockey chaque jour.

Selon lui, les partisans d'aujourd'hui ne se soucient guère du nombre de joueurs francophones dans le maillot tricolore.

«Les jeunes partisans ne pensent pas à ça. Pour eux, ça ne fait aucune différence. La saison passée, ils venaient dans ma boutique pour acheter des chandails de Halak, de Cammalleri. C'était la fièvre des séries, et ils ne se demandaient pas s'il y avait assez de francophones dans l'équipe ou non. Aujourd'hui, ce qui est important, c'est le CH, c'est le logo de l'équipe. C'est ça que les gens achètent avant tout.

«Il faut se rappeler que pendant longtemps, le Canadien avait un monopole sur les joueurs francophones. C'est pour ça que l'équipe a gagné plusieurs fois la Coupe Stanley. Mais la LNH a mis fin à ça parce que ça n'avait plus de bon sens. Imaginez ce que ça aurait donné au début des années 70 si le Canadien avait pu obtenir Gilbert Perreault, Guy Lafleur et moi-même (rires)!»

Dionne croit que le Canadien pourrait faire des efforts («à talent égal, le joueur francophone devrait passer en premier», dit-il), mais il reconnaît du même souffle que pour le club montréalais, il est de plus en plus difficile de repêcher des joueurs québécois de premier plan.

«Le Canadien ne termine jamais parmi les derniers, alors c'est sûr que s'il y a un bon jeune espoir du Québec, il ne pourra pas le repêcher. En plus, il y a aujourd'hui des joueurs qui arrivent d'un peu partout sur la planète. Des Russes, des Américains. Dans le temps où je jouais, c'est quelque chose qu'on ne voyait pas. Mais tout ça est cyclique. Tout ça peut changer.»

Dionne, qui est originaire de Drummondville, croit d'ailleurs que c'est un joueur des Voltigeurs de Drummondville, Sean Couturier, qui pourrait devenir la prochaine star francophone dans la Ligue nationale. «Je pense que Sean Couturier a ce qu'il faut, il pourrait devenir un très bon joueur dans la Ligue», estime-t-il.