Il est plutôt renversant de constater qu'année après année, ou presque, les choix au repêchage du Canadien sont jugés avec émotivité, sans recul.

Le premier choix de l'équipe, Jarred Tinordi, est «trop américain». Le choix de quatrième ronde, Mark McMillan, de la Colombie-Britannique, trop chétif.

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À RIS, on a même crié au scandale samedi parce qu'on avait préféré McMillan au Québécois Jonathan Brunelle, des Voltigeurs de Drummondville. On comparait les joueurs selon le gabarit et le nombre de buts, sans jamais avoir vu jouer McMillan. Finalement, Brunelle a été ignoré par toutes les équipes au repêchage... et le Canadien l'a invité à son camp de développement, sans perdre de choix!

J'aimerais vous dire que Tinordi deviendra un autre Scott Stevens; que McMillan sera le vol du repêchage; que le choix de septième ronde, le Suédois John Westin, est toute une carte cachée. La vérité, c'est que je l'ignore. On ne sait jamais comment s'épanouiront ces joueurs au fil des ans et je ne les ai pas vus à l'oeuvre ou si peu. D'ailleurs, au moins 99% de ceux qui critiquent les choix au repêchage du CH n'ont jamais vu jouer ces jeunes joueurs. Voilà pourquoi il faut se garder une petite gêne.

On avait aussi fait tout un esclandre en 2007 parce que le Canadien avait préféré des Américains à Angelo Esposito. Et qui était donc cet obscur choix de deuxième ronde du nom de P.K. Subban? Pourquoi ne pas prendre un risque avec un Québécois après la première ronde? Il y en a bien un qui finira par percer, disaient plusieurs.

Les fans et plusieurs médias auraient sans doute été beaucoup plus satisfaits ce jour-là si le CH avait repêché Keven Veilleux ou Maxime Tanguay à la place de Subban, un Ontarien. Veilleux a du talent à revendre, mais avec le recul, pas sûr que les partisans lèveraient aujourd'hui le nez sur Subban.

Il est curieux de constater qu'un grand nombre d'observateurs se plaignent du fait que le Canadien ne repêche pas assez de Québécois mais du même souffle, ils sont les premiers à déplorer la faiblesse de notre système de développement de l'élite. Paradoxal, non?

Le Tricolore ne fait que suivre la tendance générale. Cette année d'ailleurs, aucun Québécois n'a été repêché dans les deux premières rondes alors que deux Californiens ont été choisis en première ronde seulement; 17 Américains ont été repêchés avant que le premier Québécois soit choisi, et celui-ci, Danny Biega, étudie à Harvard. Il serait peut-être temps de se regarder le nombril. À cet effet, le commissaire de la LHJMQ, Gilles Courteau, a pris le taureau par les cornes ce week-end en déclarant qu'il était temps de procéder à un sérieux examen de conscience.

Cela dit, et malgré la faible production de hockeyeurs d'élite du Québec depuis quelques années, le Tricolore n'a pas boudé le Belle Province ces dernières années.

Depuis l'arrivée des dépisteurs actuels, en 2003, le Canadien a repêché 13 Américains et 12 Québécois, dont un en première ronde, quatre en deuxième et un en troisième. On a tendance à l'oublier parce que la majorité n'a pas percé.

Et faut-il absolument, comme le laissent entendre plusieurs, repêcher un Québécois dans les dernières rondes puisqu'il s'agirait, après tout, de choix moins cruciaux? Les recruteurs ne pensent pas ainsi. Surtout pas quand on pense que Jimmy Bonneau a été repêché avant Dustin Byfuglien et Jaroslav Halak en 2003. Que Loïc Lacasse a été choisi avant Mark Streit, Troy Brouwer, Matt Hunwick, Chris Campoli et Pekka Rinne en 2004.

Le Canadien prend les moyens de repêcher des Québécois quand il les aime. Il a fait un échange pour s'avancer de plusieurs rangs en 2005 de façon à mettre la main sur Guillaume Latendresse. Il a obtenu un choix supplémentaire de deuxième ronde pour obtenir Mathieu Carle en 2006. Il tenait mordicus à Louis Leblanc (2009), Olivier Fortier (2007) et Gabriel Dumont (2009).

On a aussi fait signer plusieurs contrats à des Québécois non repêchés: David Desharnais, Danny Massé, Frédéric St-Denis, Cédrick Desjardins, Thomas Beauregard, Francis Lemieux, Yann Danis et le Franco-Ontarien André Benoit.

Ce qui ne veut pas dire que le CH fait toujours les bons choix. La sélection de David Fischer à la place du Franco-Ontarien Claude Giroux, une bourde de taille (le recruteur Pat Westrum, qui suivait Fischer depuis de nombreuses années, ne jurait que par lui), fait mal.

Mais ce n'était pas une erreur de mauvaise foi. Le responsable du recrutement Trevor Timmins a d'ailleurs admis qu'on avait dérogé au principe de l'équipe cette année-là et sélectionné un défenseur plutôt que le meilleur joueur disponible parce que la banque d'arrières était maigre chez le Tricolore tandis que l'équipe possédait déjà de nombreux attaquants de petite taille.

Au total, cependant, le Tricolore a fait assez de bons coups au fil des ans pour qu'on donne le bénéfice du doute à cette équipe de dépisteurs.