Ce ne sont pas toutes les équipes qui peuvent se passer d'un joueur comme Jeff Carter sans trop s'en ressentir.

Mais ce ne sont pas toutes les équipes qui comptent sur Claude Giroux pour le remplacer!

C'est en effet tout un luxe que s'offrent cette saison les Flyers de Philadelphie en ayant sur le troisième trio leurs deux attaquants les plus prometteurs, soit Giroux et l'Américain James Van Riemsdyk.

«Les deux sont tellement de bons kids, confie Ian Laperrière. On croise souvent des jeunes de la nouvelle génération qui ont tout cuit dans le bec et qui ont l'air de tout connaître. Ces deux-là sont à l'opposé.

«Ils veulent apprendre, ils écoutent les conseils; c'est rafraîchissant pour un vétéran de voir que ça existe encore.»

Si la saison recrue de Van Riemsdyk ne passera pas à l'histoire, l'impression qu'a laissée Giroux depuis son arrivée dans le circuit Bettman, en milieu de saison dernière, laisse peu de doute sur ce qui l'attend.

«Ça va être une vedette de la LNH avant longtemps», prévient Daniel Brière.

«J'ai eu la chance d'avoir Claude comme joueur de centre durant une trentaine de matchs l'an dernier», rappelle de son côté Simon Gagné.

«Les gens trouvaient ça drôle que je le compare à Peter Forsberg, un autre centre avec qui j'ai joué. C'est sûr que Claude en est encore à l'âge où il apprend et se développe, mais il a une vision du jeu incroyable et il est capable de faire des passes que la plupart des joueurs de la LNH ne peuvent faire.»

Aux yeux de Brière, au-delà des feintes et des qualités de passeur, c'est le caractère du jeune homme qui ressort le plus.

«Ce n'est pas un gros joueur, mais il n'a pas peur d'aller à la guerre. C'est un gars qui travaille fort, qui n'a pas peur de se faire bousculer et qui va dans la circulation.»

Taillé pour les séries

Ayant joué 42 matchs l'an dernier, Giroux n'était plus admissible au statut de recrue. Par contre, il était «admissible» à la guigne de la deuxième année. Et si l'on se fie strictement aux statistiques, il en a quelque peu été victime.

Bon, c'est vrai qu'il y a des joueurs qui paieraient cher pour inscrire 47 points en 82 matchs. Mais après tout ce que Giroux a laissé miroiter à ses débuts dans la ligue, il est lui-même resté sur sa faim.

«C'est sûr que j'aurais aimé avoir une meilleure saison, admet l'attaquant de 22 ans avant de faire une pause. Mais c'est derrière moi maintenant, et je ne pense qu'aux séries.»

Et il y pense. Beaucoup.

Avant de retrouver le Tricolore pour le deuxième match de la finale d'Association, ce soir, Giroux avait récolté 18 points en 19 matchs éliminatoires dans la LNH.

«Je me mets à jouer mieux quand arrivent les séries, explique-t-il. Je ne sais pas si c'est une question de timing, mais c'est la période la plus excitante de l'année.

«J'ai beaucoup de plaisir et c'est facile de bien jouer quand tu as du fun.»

Ce n'est pas son entraîneur Peter Laviolette qui va s'en plaindre.

«Il faut que tu aies du plaisir à ce temps-ci de l'année, insiste Laviolette. Il n'y a plus que quatre équipes en lice. Il fait très beau dehors.

«C'est pour ça que tu joues au hockey.»

Deux repêchages aux antipodes

Au milieu des Brière, Gagné et Laperrière, Giroux vient ajouter un accent ontarien à la «French Connection» des Flyers.

«Je viens de Hearst, une petite ville du nord de l'Ontario où il n'y a pas grand-chose à faire à part jouer au hockey et au baseball, et aller à la chasse», raconte le rouquin de 5'11.

«C'était pas mal facile pour moi de choisir le hockey !»

Toute la famille jouait, y compris sa soeur aînée Isabelle.

Bref, une histoire typiquement canadian, avec du hockey dès l'aube et des trous laissés par les rondelles dans les murs du sous-sol.

Lorsque les Giroux ont déménagé en banlieue d'Ottawa, pendant son adolescence, Claude rêvait d'être repêché par une équipe de la Ligue junior de l'Ontario.

Toutefois, sa petite taille - ainsi qu'une année marquée par une mononucléose - ont fait en sorte que les dépisteurs de l'Ontario ont tous levé le nez sur lui.

Est-ce que les recruteurs dormaient au gaz ?

«Je pense que oui !, répond Giroux en s'esclaffant. Je n'ai pas posé de questions à ce sujet-là, mais c'est sûr que j'étais déçu.

«Or, les choses ont bien tourné pour moi.»

De l'autre côté de la rivière des Outaouais, les Olympiques de Gatineau ont décelé ce qui avait échappé aux autres. Ils ont embauché Giroux en tant que joueur autonome et celui-ci les a remerciés avec trois campagnes de plus de 100 points.

«L'entraîneur Benoît Groulx m'a beaucoup aidé. Quand je suis arrivé à Gatineau, je ne travaillais pas vraiment fort sur la glace, j'étais pas mal lâche. Benoît m'a fait travailler et c'est là que j'ai commencé à bien jouer.»

Résultat : à l'image de David Perron, une année après lui, Giroux allait passer de joueur junior ignoré au repêchage de la Ligue canadienne à un choix de premier tour à l'encan de la LNH.

Le 24 juin 2006, le DG des Flyers, Bobby Clarke, avait oublié son nom au moment d'annoncer sa sélection. Mais ce n'était pas la pire erreur de la journée.

Car l'équipe que Giroux chérissait depuis son enfance avait préféré repêcher, quelques rangs plus tôt, le défenseur David Fischer.

Ayoye.

Silence et confiance

Claude Giroux n'est pas un garçon compliqué. Il est timide et ne parle pas beaucoup.

«C'est un jeune très terre-à-terre qui a seulement le goût de jouer au hockey», résume Aaron Asham, qui complète présentement le trio de Giroux et Van Riemsdyk.

«Quand tu arrives dans la ligue, c'est correct d'être discret, ajoute Ian Laperrière. Un jeune qui a la personnalité de Scott Hartnell à 20 ans va se faire replacer assez vite. Il faut gagner ses galons pour ça.»

Alors Giroux écoute. Et au fil des matchs, il s'imbibe de ses nouvelles expériences professionnelles.

«Quand tu joues avec confiance et que tu n'as pas peur de faire d'erreurs sur la glace, c'est là que tu joues ton meilleur hockey, soutient Simon Gagné.

«Claude est capable de le faire à un jeune âge alors que d'autres le font seulement vers l'âge de 26 ou 27 ans.»

Laperrière n'était pas avec les Flyers l'an dernier lorsque Giroux a débarqué à Philadelphie. Mais il n'a pas mis de temps à en entendre parler.

«Quand je suis arrivé, tous les joueurs me disaient qu'ils voulaient jouer avec lui, raconte le sympathique guerrier.

«C'est un assez beau compliment quand tu as 20 ans et que tout le monde veut jouer avec toi.»