Mathieu Darche a choisi un chemin atypique pour se rendre dans le grand circuit. Issu des rangs universitaires, il a disputé sa première saison complète dans la LNH après 30 ans. Et cette année, à 33 ans, il participera enfin aux séries éliminatoires pour la première fois.

Jean-Philippe Darche, ancien spécialiste des longues remises chez les Seahawks de Seattle et les Chiefs de Kansas City, a pris sa retraite en janvier. Ça lui laisse plus de temps pour suivre son frère Mathieu avec le Canadien.

«On se parle le lendemain de tous les matchs. Et je l'appelle souvent aussi après les entraînements pour savoir quels étaient les trios», raconte le colosse de 35 ans, qui demeure à Kansas City en attendant de reprendre ses études en médecine à l'automne. Car l'ancien de la NFL est aussi un passionné de hockey. Savoir que son petit frère s'apprête à vivre, à 33 ans, ses premières séries en carrière dans la LNH le rend d'autant plus fébrile qu'il ne l'a pas encore vu en action au Centre Bell.

«Je vais essayer d'y aller durant la première ronde. J'ai déjà vu Mathieu jouer à Columbus et à Tampa, mais le voir dans l'uniforme du Canadien, c'est autre chose», raconte le footballeur, qui était à Philadelphie, le 2 avril, pour voir le Tricolore battre les Flyers.

Jean-Philippe et Mathieu Darche forment le premier duo de frères ayant évolué dans la NFL et dans la LNH. Au fil de leur carrière, ils se sont épaulés et ont partagé leurs expériences au-delà de ce que des amis ou des coéquipiers peuvent saisir.

«En tant qu'athlète, c'est rare qu'on a la chance de dire à quelqu'un comment on se sent par rapport à certaines situations, explique Jean-Philippe. Or, personne ne te connaît autant que ton frère.

«Même si je n'ai jamais joué au hockey professionnel, on a vécu le même chemin et les mêmes choses: la pression, la performance, l'interdiction de se blesser, les relations avec l'entraîneur... Quand Mathieu évoque ses hauts et ses bas, je le comprends. On parle le même langage.»

Les liens familiaux ont été tissés serré chez les Darche, et le partage de la vie professionnelle n'en est qu'une facette. «C'est une belle famille avec de belles valeurs», raconte Denis Touchette, qui a été le professeur d'éducation physique des deux frères au collège Notre-Dame. «Chez les Darche, il n'y a pas de pression qui a été exercée sur les enfants», ajoute celui qui travaille aujourd'hui pour les Carabins de l'Université de Montréal. Les parents ont suivi leur rythme au lieu de leur en imposer un.»

Secondeur l'été, marqueur l'hiver

Mathieu Darche a évolué à son propre rythme. Jamais repêché, issu du circuit universitaire canadien, il a joué sa première saison complète dans la LNH après l'âge de 30 ans!

«Je suis fier de sa persévérance, confie Jean-Philippe. Il n'est pas comme ces jeunes de 20 ans qui tiennent tout pour acquis.»

À 20 ans, Mathieu Darche venait à peine de choisir le hockey. Il a pris le chemin de l'Université McGill afin de mettre l'accent sur son éducation, mais il a également eu la possibilité de jouer à la fois au hockey et au football. «Après la saison de football, au mois de novembre, il a accroché ses crampons et a commencé à jouer au hockey», se rappelle Jean-Philippe, qui en était à sa troisième saison avec les Redmen lorsque son petit frère est devenu son coéquipier. Mathieu pesait 240 livres et était bâti pour le football lorsqu'il est arrivé au sein de l'équipe de hockey. «À ma première année à McGill, j'ai même connu une meilleure saison au football qu'au hockey», précise Mathieu en se rappelant de sa courte carrière de secondeur.

Il n'a jamais abandonné

L'ardeur au travail inculquée par Denis Touchette distinguait Mathieu Darche de ses pairs. Après une première saison difficile, il a fait d'énormes progrès sous la tutelle de Guy Boucher, qui avait pris la barre des Redmen. À sa dernière année, Darche était le premier compteur du pays parmi les joueurs universitaires.

«Je croyais que cela me vaudrait un essai dans la Ligue américaine, se souvient Darche. Or, les Blue Jackets de Columbus m'ont offert un contrat de deux ans avec prime de signature. J'ai pensé qu'ils étaient fous!»

C'était le début d'une belle aventure professionnelle qui débouche, neuf ans plus tard, sur des séries éliminatoires dans l'uniforme du Canadien. Mais le chemin pour s'y rendre aura été cahoteux.

«Si, à un moment, il a pu paraître loin de son rêve, il n'a jamais abandonné, observe Denis Touchette. Mathieu a persévéré et c'est sa plus belle qualité. Si je suis un exemple pour lui, aujourd'hui, c'est moi qui apprends de lui.»

Jean-Philippe aussi loue la ténacité de son frère. Très souvent, au fil de son cheminement, c'est le bouillant grand frère qui a manifesté de l'impatience et de la frustration.

«C'est davantage moi le gars fâché qui sacre et qui se demande pourquoi il n'a pas sa chance, explique Jean-Philippe. Je suis biaisé parce que je suis son frère, mais ça fait 10 ans que je ne comprends pas pourquoi aucune équipe ne lui fait confiance.

«Il y a deux ans, il a passé une saison presque complète à Tampa Bay et je croyais que les choses débloqueraient enfin. Mais non. Il s'est ramassé dans l'organisation des Sabres de Buffalo, qui l'ont étiqueté ligues mineures. Ils ne l'ont jamais rappelé et j'haïs les Sabres depuis ce temps-là.»

Mais il s'enthousiasme lorsqu'il évoque les émotions que Mathieu s'apprête à vivre en séries.

«C'est sûr que la Coupe Stanley serait l'idéal, mais je lui souhaite de gagner au moins une ronde et d'avoir une belle ride, confie Jean-Philippe. Vivre les séries à Montréal, c'est la meilleure chose qu'il puisse espérer dans sa carrière.»