Bob Gainey a souvent été condamné pour la discrétion qu'il a affichée à titre de directeur général du Canadien.

Si les journalistes et partisans espèrent voir un DG flamboyant hériter du job que Gainey vient d'abandonner, ils seront déçus.

Grandement!

Car sur le plan des relations publiques, Pierre Gauthier respectera bien plus la ligne de conduite dictée par un Bob Gainey que celle d'un Brian Burke.

À Ottawa, où il a obtenu son premier job de directeur général en 1995, les collègues anglophones l'avaient d'ailleurs surnommé «le fantôme» en raison du fait qu'il quittait souvent l'équipe pour effectuer des tournées de dépistage et qu'il évitait les journalistes.

Derrière ce «fantôme» qui saura peut-être ramener ceux qui aidaient le Canadien à la belle époque du Forum, se cache toutefois un monstre de travail qui s'est distingué dans tous les rôles qu'il a assumés.

Avec les Nordiques de Québec, il a repêché Mats Sundin, Owen Nolan et Eric Lindros.

«Nous avions de tas de premiers choix parce que nous finissions derniers année après année. Je ne voudrais pas retourner là. Mais ça nous a donné de très bons joueurs. Mats Sundin est devenu le premier Européen à être sélectionné au tout premier rang. Ce n'était pas un choix évident», a dit Gauthier après avoir essuyé une dizaine de vagues d'entrevues à la suite de sa nomination.

Eric Lindros représentait une sélection plus facile. Mais Gauthier a travaillé étroitement à bâtir les possibilités de transaction avec les Flyers de Philadelphie et les Rangers de New York.

«Obtenir Peter Forsberg était la clef dans l'échange», s'est remémoré Gauthier.

Une transaction qui est passée à l'histoire comme l'une des plus importantes et surtout l'une des plus profitables pour les Nordiques, devenus l'Avalanche du Colorado.

Construction à Ottawa

Après avoir travaillé comme «ouvrier» à Québec et Anaheim, Pierre Gauthier est devenu architecte le 11 décembre 1995 lorsqu'il a hérité du poste de directeur général des Sénateurs d'Ottawa.

Risée dans la LNH, les Sénateurs multipliaient les défaites. Ils venaient de congédier Rick Bowness et son jeune adjoint Alain Vigneault.

Sous la direction de Dave «Sparky» Allison, les Sénateurs perdaient plus qu'ils ne le faisaient avant le congédiement du duo Bowness-Vigneault.

Gauthier semblait toutefois complètement détaché de la réalité de son équipe. Il quittait le club pour effectuer du dépistage. Il refusait de répondre aux questions des journalistes lorsqu'il n'arrivait pas à les éviter carrément.

Le «fantôme» préparait toutefois un grand coup. Un grand coup qui est tombé le 23 janvier.

Il a alors congédié Allison, dont la fiche était de 2-22-1. Il a congédié tous ses adjoints également, un groupe dont faisait partie Pierre McGuire, qui travaille aujourd'hui à titre d'analyste à TSN et NBC.

Et il a surtout effectué un grand remue-ménage au niveau du vestiaire.

Dans le cadre d'une transaction avec les Islanders de New York et les Maple Leafs de New York, Gauthier s'est débarrassé de Bryan Berard, Martin Straka et du vétéran gardien Don Beaupre pour hériter de Wade Redden et Damian Rhodes.

«J'avais besoin d'un coach. Une fois les transactions et les congédiements annoncés, je me suis rendu à Toronto pour rencontrer Jacques Martin avec qui l'Avalanche m'avait donné la permission de négocier. On a passé la nuit à parler. Le lendemain soir, il dirigeait son premier match à Ottawa.»

Ce soir-là, les Sénateurs ont perdu 4-3 contre les Penguins de Pittsburgh.

Mais les jours meilleurs s'annonçaient.

Au dernier match de la saison, les Sénateurs ont battu les Devils du New Jersey. Ils ont évincé du coup les champions en titre de la Coupe Stanley d'une place en séries éliminatoires.

Le reste fait partie de l'histoire...

Comment réussir à Montréal?

Gauthier a réussi d'autres bons coups. Obtenir Jean-Sébastien Giguère pour un deuxième choix au repêchage en 2000 (Matt Pettinger) l'a fait très bien paraître après qu'il eut quitté Ottawa pour retourner à Anaheim à titre de président et directeur général des Mighty Ducks.

Mais il a aussi frappé dans le vide. Au moins une fois. À Ottawa, où il a échangé Pavol Demitra pour Christer Olsson, un défenseur suédois, qui n'a fait que passer.

«On avait besoin de défenseurs à cause des blessures et Demitra était alors dans les mineures. Ce n'est pas mon meilleur coup, mais il fallait bouger», a plaidé Gauthier en esquissant un sourire.

Comment réussir maintenant qu'il est à Montréal?

«Je pars avec une longueur d'avance puisque Jacques (Martin) est déjà ici. L'équipe est entre bonnes mains. J'aimerais que les partisans donnent le temps à cette nouvelle formation de se souder et de démontrer ce qu'elle peut donner», a assuré Gauthier hier.

Mais avec sept jours seulement avant la fin de la période des transactions, si Pierre Gauthier se transforme soudainement en fantôme, il faudra se demander s'il ne prépare pas un grand coup.