Le Canadien a finalement rétrogradé Max Pacioretty dans la Ligue américaine après 52 matchs.

Certains y voient une punition parce que Pacioretty ne produisait pas au rythme espéré (quatre points à ses 24 derniers matchs) et ils espèrent que les voyages en autobus et les nuits dans des hôtels moins luxueux provoqueront chez lui le choc qui lui permettra de se replacer.

D'autres estiment plutôt qu'il aura l'occasion de jouer à profusion pour un entraîneur de qualité, Guy Boucher, d'obtenir l'estime de son entraîneur et de ses pairs, de regagner sa confiance et le plaisir de jouer. J'adhère à cette deuxième théorie. Il n'y a rien de honteux à retourner faire ses classes dans la Ligue américaine à 21 ans.

Je souhaitais d'ailleurs qu'on prenne cette décision plus tôt. Peut-être même avant l'ouverture de la saison, lorsque Pacioretty s'est blessé à une épaule en fin de calendrier préparatoire. Lui laisser le temps de revenir au jeu sans précipitation puis dominer dans un circuit inférieur au lieu de devoir produire dans une ligue hautement compétitive avec une épaule amochée.

D'autant plus que Pacioretty m'apparaît fragile psychologiquement à ce stade-ci de sa carrière. N'est-il pas celui qui a mentionné à l'aube du camp d'entraînement n'avoir pas dormi dans les deux semaines précédant le camp tellement il était anxieux?

Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire et je suis convaincu qu'on verra un joueur transformé à son retour, que ce soit cet hiver ou la saison prochaine.

Une tendance qu'on remarque d'ailleurs chez tous les joueurs rappelés des Bulldogs cette saison : leur vitesse d'exécution. Que ce soit des joueurs de moindre talent comme Ryan White et Tom Pyatt, ou encore Mathieu Darche, j'ai été impressionné par leur capacité à soutenir le rythme de la LNH dès leur premier match. Boucher a aussi fait de l'excellent travail avec Sergei Kostitsyn, qui a corrigé un défaut, celui de ralentir en captant la rondelle plutôt que d'exploser au contact du disque sur sa palette.

Michel Therrien a dirigé dans la Ligue américaine pour l'organisation du Canadien avant de recevoir une promotion à Montréal, et il a suivi le même parcours à Pittsburgh.

«La plupart des joueurs ont besoin de la Ligue américaine, a-t-il dit, hier, au téléphone. Des fois, ça peut être une bonne chose que le jeune soit rétrogradé pour sa confiance et retrouver le plaisir de jouer au hockey. Parfois, le jeune va se mettre une pression additionnelle qui va l'étouffer. C'est déjà un exploit de se retrouver dans la LNH. Seul le joueur exceptionnel va faire le saut directement dans la Ligue nationale. Crosby, à 18 ans, était un joueur exceptionnel, et un étudiant extraordinaire en plus. J'ai toujours cru que c'était mieux pour un jeune de commencer dans la Ligue américaine. Exemple, Kristopher Letang. À 20 ans, il croyait qu'il était prêt, nous aussi, mais on n'était pas en mesure de lui donner le temps de glace nécessaire. Alors on l'a envoyé dans la Ligue américaine pour l'utiliser dans toutes les situations possibles avant de le rappeler au moment opportun. Les jeunes, on doit les faire jouer dans toutes les situations possibles. L'entraîneur veut aussi gagner dans la Ligue américaine, mais on ne doit jamais oublier la mission première, celle de développer les jeunes. On a une certaine pression en situation de fin de match où l'équipe mène par un but, mais il faut aussi que le joueur, s'il est appelé à devenir un attaquant défensif, apprenne à écouler le temps en infériorité numérique dans les situations importantes. Dans la Ligue nationale, le développement est un peu différent parce que les joueurs ont chacun un rôle.»

Certains accéderont directement à la Ligue nationale sans jamais jouer dans les rangs mineurs professionnels, mais l'entraîneur doit s'assurer de leur donner le temps de jeu nécessaire pour qu'ils développent leur talent.

«La direction des Penguins pensait renvoyer Jordan Staal chez les juniors à son premier camp d'entraînement avec nous, à 18 ans, mais j'ai vendu ma salade pour le garder. Je leur promettais qu'il jouerait 14 minutes par match, qu'il allait jouer au sein du troisième trio, continuer à travailler avec lui en infériorité numérique. On a décidé de le garder, je trouvais qu'il serait mieux encadré ici à 18 ans et qu'il serait mieux préparé à 19 ans.»

Therrien a eu à travailler avec de nombreux jeunes joueurs dans la Ligue américaine. Ceux dont il est le plus fier? «Stéphane Robidas, a-t-il nommé d'abord. Peu de gens le voyaient dans la LNH.»

Il y en a d'autres. «Francis Bouillon, ou même Alain Nasreddine. Maxime Talbot. Marc-André Fleury, qui a fait du temps dans la Ligue américaine, je pourrais raconter une histoire sur chaque gars.»

L'ancien entraîneur du Canadien et des Penguins vit à Pittsburgh où ses enfants fréquentent l'école et il attend l'appel tant espéré.

«Je regarde le plus de matchs de hockey possible, je me tiens prêt. Ligue nationale ou Ligue américaine? Je n'ai pas de choix à faire pour le moment. Si je l'avais, j'y penserais. J'ai tellement été près de gagner la Coupe Stanley, j'ai le goût d'un autre défi, ça devient personnel un peu. Mais j'ai la reconnaissance de nombreuses personnes, que ce soit à Pittsburgh ou à Montréal. Quand je rencontre des gens, ils sont très sympathiques à mon égard.»