Ça peut arriver à n'importe quel moment. Et ça pourrait bien arriver ce soir.

Martin Brodeur est à la recherche d'un 104e blanchissage qui lui permettrait d'améliorer la marque que détient Terry Sawchuk.

Mais voilà que le Canadien s'amène au New Jersey le soir où le gardien des Devils égalera la marque de Patrick Roy pour le plus grand nombre de matchs réguliers en carrière (1029).

C'est au Centre Bell, la saison dernière, que le natif de Saint-Léonard avait décroché sa 551e victoire et nivelé la marque de Roy.

Puis, le 27 novembre dernier, à Boston, il a surpassé Roy au chapitre des minutes jouées (60 235).

Par quelque orchestration divine, les dieux du calendrier ont voulu que les Devils affrontent encore le Tricolore au moment où il égale un autre record de Casseau.

«Patrick m'avait parlé à l'époque du fait qu'il allait devenir le premier gardien à jouer 1000 matchs et il en était fier», a raconté Brodeur.

«À mes yeux, c'était assez facile pour un joueur d'atteindre 1000 matchs. Mais je n'avais jamais pensé qu'un gardien pouvait le faire.»

Or, le gardien de 37 ans a lui-même atteint le cap des 1000 matchs dès le tout premier affrontement de la saison.

«Ça m'a frappé un peu, a admis Brodeur. Plus on vieillit, plus ça devient difficile physiquement, de participer à autant de matchs. Ce qui m'aide beaucoup, c'est que mentalement, ce n'est pas une corvée.

«Au New Jersey, je joue dans un environnement où je ne sens pas autant la pression. J'arrive à l'aréna et je veux juste jouer.»

Les raisons de sa durabilité

Brodeur a modifié son alimentation et son entraînement depuis deux ans.

Mais son entraîneur-chef aussi prend soin de lui.

«Martin est demeuré la même personne par rapport à mon premier séjour au New Jersey, sauf qu'il a besoin de plus de temps libre pour conserver ses énergies», a souligné Jacques Lemaire.

«Je n'hésite pas à lui donner plusieurs congés.»

L'organisation des Devils aussi, par le standard d'excellence qu'elle a mis en pratique, s'occupe de Brodeur.

«J'ai passé plus de 15 ans et il n'y a pas une seule saison où l'équipe a jeté l'éponge et voulu rebâtir pour l'année suivante, a noté le vétéran gardien. Pas une seule.

«Ça m'aide de savoir qu'on va être compétitifs tous les jours, car je n'ai jamais été dans une situation où je recevais 50 tirs par soir. C'est dans ce temps-là qu'on se blesse...»

La situation géographique lui a aussi été favorable. S'il s'était astreint aux mêmes voyages que les équipes de l'Ouest durant toutes ces années, Brodeur n'aurait peut-être pas réalisé cet exploit de durabilité.

«On joue au meilleur endroit pour ce qui est des déplacements, a-t-il estimé. Il y a trois équipes que l'on visite en autocar.

«Neuf matchs par saison, multipliés par 15 ans, ça fait une différence!»

Chapeau à sa défense

Si le fait de lui parler d'un blanchissage suffisait à empêcher qu'il ait lieu, comme le veut la superstition, Brodeur aurait bien de la difficulté à battre le record de Terry Sawchuk!

Il ne se passe pas une journée ces temps-ci sans qu'on ne lui parle de ce fameux 104e jeu blanc.

De la même façon que le système défensif des Devils l'a empêché d'avoir une charge de travail trop lourde au fil des ans, il l'a aussi aidé mettre en banque plusieurs jeux blancs.

«J'ai été chanceux car notre organisation se fait une fierté de bien jouer en défense, a-t-il rappelé. Quand on mène 5-0 avec six minutes à jouer, mes coéquipiers n'essaient même pas de marquer. Ils veulent préserver le blanchissage.

«C'est tout à leur honneur. Ils font partie de ce record-là eux aussi.»

Contre le Canadien

Nul doute que les Devils voudront offrir une performance «extra moutarde» face au Canadien, ce soir, afin de permettre à Brodeur d'en finir avec ce record de blanchissages.

Le Québécois a inscrit des jeux blancs dans près de 15% de ses départs en carrière face au Tricolore.

Réussir ce fait d'armes contre l'équipe préférée de son enfance relèverait d'un scénario hollywoodien, non?

«C'est sûr que ce serait agréable, mais un blanchissage n'est pas facile à faire», a rappelé Brodeur.

«À Boston, l'autre soir, je voyais la rondelle grosse comme ça et j'étais certain que j'en aurais un. Sauf que j'ai fait un dégagement et la rondelle a fait un faux bond sur la baie vitrée et elle est revenue devant le filet...

«À un moment donné, ça va arriver. Et puis, bon, il me reste trois autres matchs contre le Canadien après celui-ci!»

LES JEUX BLANCS DE BRODEUR

Adversaires Matchs Blanchissages % jeux blancs

Islanders de NY 71 10 14%

Philadelphie 75 9 12%

Canadien 55 8 14,5%

Caroline/Hartford 52 7 13,5%

Rangers de NY 81 7 8,6%

Atlanta 33 6 18%

Washington 52 6 11,5%

Ottawa 55 6 10,9%