Parmi les plus grandes formations de l'histoire de la LNH, ce fut peut-être la meilleure d'entre toutes. Le Canadien de Montréal, cuvée 1976-1977, a établi deux records n'ayant encore jamais été effacés: le plus de points, 132, et le moins de revers, huit.

Au moment où le Canadien s'apprête à souligner ses 100 ans d'existence, le 4 décembre, les raisons de fêter sont nombreuses. Mais aucune équipe ne mérite probablement autant d'hommages que celle-ci.

L'astucieux directeur général Sam Pollock a continuellement fourni des athlètes de talent et l'exigeant entraîneur en chef Scotty Bowman a soutiré le meilleur de ses joueurs.

A l'attaque, le Canadien était mené par deux brillants marqueurs, Guy Lafleur et Steve Shutt, appuyé par une brigade défensive réunissant le «Big Three», Larry Robinson, Serge Savard et Guy Lapointe, sans oublier l'incomparable Ken Dryden entre les poteaux.

Le premier trio réunissait Shutt, qui a mené la LNH cette saison-là avec 60 buts, Jacques Lemaire (34 buts) et Lafleur (56). Total: 150 buts. Ensemble, ils ont amassé 316 points. Ils étaient pour ainsi dire imposible de les contrer. Lafleur a d'ailleurs remporté le Art-Ross, remis au meilleur pointeur de la ligue, pour une deuxième année consécutive grâce à une récolte de 136 points.

Peter Mahovlich était le centre d'un deuxième trio composé de l'ailier droit Yvan Cournoyer et de divers ailiers gauches, dont Réjean Houle, qui était revenu avec le Canadien après un séjour de trois saisons avec les Nordiques de Québec, dans l'Association mondiale de hockey (AMH).

Yvon Lambert, Doug Risebrough et Mario Tremblay formaient un troisième trio qui semait le chaos en zone adverse grâce à un implacable échec-avant et une respectable dose de talent offensif.

Et le trio défensif regroupant Bob Gainey, Doug Jarvis et Jim Roberts semait la frustration parmi les meilleures unités offensives rivales.

Robinson, Lapointe et Savard commettaient peu d'erreurs en défensive, et les deux premiers étaient particulièrement efficaces pour appuyer l'attaque. Robinson a terminé au troisième rang des marqueurs de l'équipe avec 85 points, dont 19 buts, et un différentiel de plus-120, l'un des meilleurs de l'histoire de la LNH. Lapointe s'est classé quatrième avec une récolte de 76 points, incluant 25 buts.

Dryden a complété la saison régulière avec un dossier de 41-6-8 et 10 blanchissages. Michel Larocque, son adjoint, pouvait le remplacer adéquatement, comme le démontre sa fiche de 19-2-4 et quatre jeux blancs.

Le Canadien a marqué 216 buts de plus qu'il en a alloués (387-171).

La ligue comptait 18 équipes à l'époque et chacune d'entre elles disputait 80 rencontres.

Le Canadien a amorcé la saison avec une éclatante victoire de 10-1 face aux Penguins de Pittsburgh, le 7 octobre au Forum. Il a trouvé le moyen de faire encore mieux lors de son dernier match local, écrasant les Capitals de Washington 11-0, le 2 avril.

Entre ces deux rencontres, les partisans de l'équipe ont passé la saison à bondir de leur siège. Le Canadien a complété le calendrier régulier avec une fiche de 33-1-6 à domicile. Seuls les Bruins de Boston sont parvenus à battre le Tricolore au Forum, 4-3 le 30 octobre.

Après avoir bénéficié d'un laissez-passer lors du premier tour des séries éliminatoires, le Canadien a balayé les Blues de St. Louis en quatre matchs en quarts de finale. Il a ensuite eu besoin de six rencontres pour se défaire des Islanders de New York, une puissance en devenir, avant de balayer les Bruins de Boston en grande finale. Jacques Lemaire a inscrit trois buts victorieux, dont le filet décisif en prolongation dans un gain de 2-1 à Boston lors du quatrième match.

«Il s'agit de la meilleure équipe qu'il m'ait été donné de voir, particulièrement sur le plan de la défensive», a loué Don Cherry, l'entraîneur en chef des Bruins à l'époque.

Bowman était soulagé. Il aurait détesté voir un tel rendement en saison régulière relégué dans l'ombre par une décevante prestation en séries éliminatoires. Pourtant, il n'avait aucune raison de se faire du souci.

«Nous comptons sur un remarquable groupe de joueurs et d'individus», avait affirmé Bowman pendant que ses joueurs célébraient une deuxième conquête consécutive de la coupe Stanley, et la 20e de l'histoire de l'équipe.

«Nous avons des joueurs étoiles, autour desquels il serait possible de bâtir une concession, mais personne ne se prend pour un autre dans cette équipe. Peu importe qu'il s'agisse d'un joueur étoile, personne ne s'attend à bénéficier d'un traitement spécial. Nous possédons un merveilleux groupe de joueurs qui viennent soutenir les vedettes. C'est la combinaison idéale», avait ajouté l'entraîneur en chef du Tricolore.

Lafleur s'est vu remettre le trophée Conn-Smythe après avoir obtenu neuf buts et 17 mentions d'aide.

«Nous gagnons parce que nous formons une bonne équipe, et non pas à cause d'un joueur en particulier, peu importe ce que disent les statistiques, avait fait remarquer Lafleur. Bien d'autres joueurs auraient mérité cet honneur autant que moi.»

Le trio Shutt-Lemaire-Lafleur a amassé 63 points lors de ces 14 matchs éliminatoires.

Outre le Art-Ross et le Conn-Smythe, Lafleur a mérité le trophée Hart, remis au joueur par excellence de la LNH, le Trophée Pearson, décerné au hockeyeur par excellence selon un vote enregistré auprès des autres joueurs du circuit, et le trophée Lou-Marsh, accordé à l'athlète par excellence au Canada.

Bowman a été nommé entraîneur en chef de l'année, Robinson a bien sûr dominé ligue au chapitre du différentiel et reçu le trophée Norris à titre de meilleur défenseur. Enfin, Dryden et Larocque ont partagé le trophée Vézina après avoir affiché la meilleure moyenne de buts alloués du circuit.

Le Canadien a délégué quatre joueurs au sein de la première équipe d'étoiles de la LNH, soit Dryden, Robinson, Lafleur et Shutt. Le défenseur Borje Salming, des Maple Leafs de Toronto, et le centre Marcel Dionne, des Kings de Los Angeles, ont privé le Tricolore d'un balayage.

Le Canadien cuvée 1976-1977 a terminé cette saison de rêve avec une fiche de 73 victoires, 10 revers et 11 verdicts nuls en 94 matchs, saison régulière et séries éliminatoires incluses.

Et l'équipe était jeune. La plupart de ses joueurs étaient dans la mi-vingtaine. Savard (31), Mahovlich (31) et Roberts (37) étaient les seuls joueurs âgés de plus de 30 ans. De plus, les Voyageurs de la Nouvelle-Ecosse, le club-école du Canadien, ont remporté le championnat de la Ligue américaine, laissant présager que d'autres joueurs talentueux étaient prêts à se joindre à l'équipe. Enfin, Pollock pouvait compter sur deux choix en première ronde.

Selon Dryden, la profondeur de l'équipe explique les succès du Canadien cette saison-là.

«Cette profondeur, plus que tout autre aspect, nous a permis de maintenir cette poussée et de connaître une si bonne saison», avait noté Dryden après la victoire finale à Boston.

«En général, si quatre ou cinq joueurs se blessent ou traversent des léthargies, l'équipe connaîtra moins de succès. Si quatre ou cinq de nos joueurs connaissent des baisses de régime, il nous en reste une quinzaine pouvant accomplir le travail. Il y a toujours quelqu'un prêt à prendre la relève», avait aussi fait remarquer le célèbre gardien de but.

Pour situer en perspective les huit revers du Canadien en 1976-1977, sachez que le Tricolore, version 2009-2010, a subi sa huitième défaite de la saison le 3 novembre.

Neuf joueurs ayant porté l'uniforme du Canadien en 1976-1977 ont éventuellement été intronisés au Temple de la renommée du hockey.