Jean Béliveau avait une dizaine d'années lorsqu'il a écouté pour la première fois la retransmission d'un match du Canadien à la radio.

C'était au début des années 1940 dans la maison familiale de la rue Notre-Dame, à Victoriaville. Le petit Jean, qui était pourtant déjà grand pour son âge, ne pouvait se douter alors que cette équipe tiendrait une si grande place dans sa vie.

Il ne pouvait s'imaginer non plus qu'il participerait à la soirée marquant le centenaire de cette formation mythique à laquelle il a été associé comme joueur, administrateur et «ambassadeur» durant près de 60 ans. Vendredi, le 4 décembre 2009, il sera encore là lorsque le rideau va tomber sur l'année du centenaire à l'occasion du match qui opposera le Tricolore aux Bruins de Boston au Centre Bell.

«Mon premier souvenir, ça doit être quand j'écoutais la soirée du hockey à la radio dans les années 40. Moi, je recule assez loin, rappelle-t-il en souriant lors d'un entretien avec La Presse Canadienne.

«Je suis né en 1931. En 1941, j'avais donc 10 ans. Je me souviens très bien que j'écoutais les matchs avec mon père (Arthur) et mes frères. Dans ce temps-là, on avait une grosse radio qui comptait 12 ou 13 lampes. On ne manquait jamais le samedi soir. Je me souviens aussi quand Maurice (Richard) a marqué 50 buts en 50 joutes en 1945.»

L'âge d'or du Canadien

Béliveau a vécu les grandes années du Canadien avec lequel il a remporté 10 coupes Stanley dont cinq d'affilée, un record qui tient toujours, de 1956 à 1960. Il a ajouté cinq conquêtes en 1965, 1966, 1968, 1969 et 1971 à titre, cette fois, de capitaine. Il a aussi gagné le trophée Hart à deux reprises en plus d'avoir été le premier lauréat du trophée Conn Smythe. Il a été intronisé au Panthéon du hockey en 1972 fort d'un palmarès de 507 buts et 1219 points.

«J'ai longtemps pensé que l'édition de 1957-1958 était la meilleure, dit-il. Il y avait Jacques Plante devant les buts, Doug Harvey et ses compagnons à la défense (Tom Johnson, Dollard St- Laurent, Jean-Guy Talbot, Albert Langlois, Bob Turner) et à l'avant, on avait la ligne de Maurice avec Dickie (Moore) et Henri (Richard) tandis que moi, je jouais avec (Bert) Olmstead et (Bernard) Geoffrion.

«En plus, on avait une ligne défensive qui comptait régulièrement des buts. Mais je dois dire que le Canadien a eu de grandes équipes dans les années 70 avec (Ken) Dryden, les trois gars en défense (Larry Robinson, Serge Savard, Guy Lapointe) et Guy (Lafleur). Une saison (1976-1977), ils n'ont perdu que huit joutes.»

Béliveau dit apprécier le hockey d'aujourd'hui, lui qui rate rarement un match du Canadien au Centre Bell.

«Les joueurs sont rapides et tellement grands et gros. Dans mon temps, il y avait Elmer Vasko, mais c'est tout

«J'aime bien l'application des nouveaux règlements, ajoute-t-il. L'élimination de la ligne rouge qui permet les longues passes est aussi une bonne chose. J'ai même appris à apprécier les tirs de barrage. Il y a tellement d'enthousiasme dans les estrades lors des fusillades.

«Mais j'ai une crainte, admet l'ancien numéro 4. J'ai peur qu'un drame se produise parce qu'un joueur aura été projeté par derrière contre la bande. Un accident majeur va survenir à la suite d'un double- échec. La ligue doit intervenir rapidement.»

Un grand honneur

Béliveau a été capitaine pendant 10 ans. Curieusement, le Canadien fête son centenaire sans avoir nommé de capitaine après le départ de Saku Koivu.

«Mes coéquipiers m'ont nommé capitaine en 1961. Je n'étais même pas assistant capitaine. D'autres avaient plus d'ancienneté que moi.

«Je n'en revenais pas quand Toe Blake est sorti de sa petite chambre et qu'il est venu me donner la main et dire aux joueurs que j'étais leur nouveau capitaine. C'était pour moi un honneur extrême. Je ne m'y attendais pas. Je me suis simplement levé et je les ai remerciés pour la confiance qu'ils me témoignaient. Il faut dire que le titre de capitaine ajoute un petit peu de responsabilités.

«Je me souviens d'un jour où (le journaliste) Jacques Beauchamp m'a appelé à deux heures du matin pour me dire que notre entraîneur voulait démissionner. Le lendemain matin j'étais au Forum de bonne heure pour l'attendre de pied ferme», raconte-t-il en riant.

Toujours populaire

Au cours de ses 100 ans d'histoire, le Canadien a toujours su maintenir une relation privilégiée avec ses partisans. Rares sont les institutions qui ont su conserver une clientèle aussi fidèle durant un siècle. Aujourd'hui encore, la popularité du Canadien ne se dément pas, l'équipe faisant salle comble à chacun de ses matchs depuis le retour du lock-out en 2005 tout en atteignant des sommets de cotes d'écoute.

«C'est un exploit de pouvoir maintenir cette popularité, pas seulement à Montréal et au Québec mais dans tout le Canada et le reste du monde. On le voit bien quand l'équipe se rend dans l'ouest canadien. Il y a toujours beaucoup de chandails du Canadien, fait valoir Béliveau.

«J'ai toujours dit que ça commençait par la tête, poursuit-il. Le Canadien a toujours eu des propriétaires numéro un, de première classe. Ils n'ont rien ménagé, non seulement au niveau des joueurs comme le prouvent les championnats, mais aussi pour la communauté.»

Béliveau cite la La Fondation du Canadien pour l'enfance. Parmi plusieurs projets, le Canadien participe à la construction de patinoires sur le territoire de Montréal. La Fondation apporte aussi son aide et son soutien aux enfants dans le besoin partout au Québec. En une année, la Fondation peut remettre jusqu'à un million de dollars à la communauté.

Béliveau contribue lui-même depuis la création de sa fondation en 1971, l'année de sa retraite comme joueur.

«Le hockey m'a apporté beaucoup de satisfaction, dit-il. Mais sur une base personnelle, ma fondation me fait chaud au coeur. Quand je me suis retiré du hockey en 1993, j'ai transféré ma fondation à la Société des enfants handicapés du Québec et à son camp Papillon de St-Alphonse de Rodriguez. Et depuis 1993, la fondation verse 60 000 $ annuellement. Cela m'apporte de grandes joies.»

Béliveau se dit très heureux de pouvoir participer aux célébrations du centenaire et de partager ces moments avec sa famille, sa femme Elise, sa fille Hélène et ses petites-filles Mylène, 25 ans, et Magalie, 23 ans.

«Je suis bien chanceux d'avoir passé ma vie avec la même organisation. Aujourd'hui, mes petites-filles se rendent compte ce qu'a été ma vie.»